Au 16e siècle, l’Église catholique romaine a rejeté la doctrine de la justification par la foi seule. En réponse, Martin Luther a défendu la doctrine de la justification par la foi (et bien d’autres !). Pendant le débat, Luther et d’autres réformateurs ont dû clarifier la manière dont Dieu nous sauve en Christ. Si nous méritons d’être punis pour nos péchés, alors comment Dieu peut-il nous pardonner librement ?
Dans la réponse réformée, on peut entendre que Christ a porté notre péché et le châtiment de la mort à notre place (Es 53.5-6). C’est-à-dire que Christ a pris la malédiction de Dieu à notre place (Ga 3.13).
Cette notion est devenue l’expression qu’on connaît aujourd’hui : l’expiation par substitution pénale (ESP). Et bien que les églises évangéliques se soient accrochées à la doctrine pour une période de temps, plusieurs l’ont récemment contestée.
Vu les antécédents historiques, bibliques et contemporains, nous devons retourner au génie des réformateurs pour récupérer et réaffirmer la vérité que Christ a porté nos péchés et est mort à notre place. Pour y arriver, nous définirons la doctrine et nous observerons comment les réformateurs l’expliquaient.
Définition de la substitution pénale
En 1974, J.I. Packer a publié un article qui a changé ma vie. Je me souviens encore de l’avoir lu lorsque j’étudiais à l’université. Dieu a ouvert mes yeux aux merveilles de mon salut. L’article s’intitulait Qu’est-ce que la croix a accompli ? La logique de la substitution pénale.
Dans son article, Packer définit la substitution pénale comme suit :
L’expression « substitution pénale » exprime la notion que Jésus Christ notre Seigneur, motivé par un amour déterminé à faire tout ce qui était nécessaire pour nous sauver, a subi et absorbé le jugement divin de destruction auquel nous étions inévitablement destinés et donc, gagné le pardon, l’adoption et la gloire pour nous. L’argument de la substitution pénale est de dire que les croyants sont endettés envers Christ pour cette raison précise et que celle-ci est la source de toute leur joie, leur paix et leur adoration pour aujourd’hui et pour l’éternité. (Packer, 1974:25)
Le point central est que Christ a subi le jugement divin pour notre pardon, notre adoption et notre gloire.
Christ a subi le jugement divin à la croix. Par la foi, nous pouvons expérimenter le pardon parce que Christ a porté nos iniquités et reçu le juste châtiment pour le péché à notre place.
Nous pouvons recevoir le pardon et la justice de Christ par notre union avec lui par la foi. Notre union avec Christ, donc, nous procure le moyen par lequel nous pouvons recevoir sa justice et lui donner notre péché. (Voir Packer, 31).
Jean Calvin, Peter Vermigli et Martin Luther ont tous enseigné cette notion.
Jean Calvin (1509-1564)
Lorsque Genève a renvoyé Jean Calvin en 1538, le Cardinal Sadolet de l’Église catholique romaine a tenté de reconquérir Genève au catholicisme. Il a écrit une lettre à la ville le 18 mars 1538. Calvin, ayant lu la lettre, y a répondu le 1er septembre 1538. Dans sa lettre, il présente ses convictions théologiques sur la justification par la foi.
Calvin soutient que la doctrine fonctionne comme suit. Premièrement, un individu s’examine lui-même, constate son iniquité et considère la « sévérité de la sentence prononcée pour tous les pécheurs. » (« Réponse de Jean Calvin, » 1844 : 41)
« Ensuite, » explique Calvin, « nous démontrons que le seul refuge sûr se trouve dans la miséricorde de Dieu, manifestée en Christ en qui tous les aspects de notre salut sont achevés. Comme tous les êtres humains sont, aux yeux de Dieu, des pécheurs perdus, nous croyons que Christ est leur seule justice, puisque, par son obéissance, il a effacé nos transgressions ; par son sacrifice, il a apaisé la colère divine ; par son sang, il a lavé nos taches ; par sa croix, il a porté notre malédiction ; par sa mort, il a satisfait Dieu pour nous (Calvin, 42). » Par cette œuvre, une personne peut être réconciliée avec Dieu et ce par la foi ou l’union avec Christ (Calvin, 42).
Pour Calvin, le sacrifice de Christ apaise la colère divine, lave nos taches, porte notre malédiction et satisfait Dieu. Tout cela nous appartient par la foi qui nous unit à Christ.
Pierre Martyr Vermigli (1499-1562)
Dans son commentaire sur 1 Corinthiens, Pierre Vermigli expose sa compréhension des étapes de notre justification. Premièrement, il soutient que Dieu justifie par sa miséricorde et ses promesses (« The Peter Martyr Reader, » 1999 : 143). Deuxièmement, il affirme que Christ : « a mérité pour nous la miséricorde de Dieu et sa promesse de salut, puisqu’il a porté pour nous la condamnation que nous devions souffrir. » (143) Troisièmement, Vermigli défend que la foi devient l’outil que nous utilisons pour « saisir Christ » par qui nous recevons la miséricorde et les promesses de Dieu « d’où nous sommes justifiés » (143). Finalement, il note que ceux qui sont justifiés font de bonnes œuvres (143-144).
Dans la doctrine de la justification elle-même, donc, la substitution pénale joue un rôle intégral. Dans l’idiome réformé, Dieu nous justifie à cause de sa miséricorde et de ses promesses que Christ a méritées pour nous en prenant notre condamnation. La foi elle-même constitue le moyen par lequel nous sommes unis à Christ et recevons la miséricorde de Dieu et ses promesses par lesquelles nous avons déjà été justifiés. Ceux qui sont justifiés alors font de bonnes œuvres.
Martin Luther (1483-1546)
Dans son commentaire sur Galates, Luther met en évidence la nature pénale de l’expiation. En parlant du poids des péchés, il écrit : « souvenez-vous qu’ils sont transférés et mis sur Christ, celui dont les meurtrissures vous guérissent (És. 52.5) (110). » De façon plus concise : « ton péché est son péché (131) ».
En référence à Galates 2.20 et 3.13, il écrit : « Et ce n’est pas une vaine spéculation, que Christ a été livré pour mes péchés et fait malédiction pour moi, que je puisse être délivré de la mort éternelle (132). »
Luther maintient que sur la croix, Christ a mérité d’être pendu sur le bois parce qu’« il a revêtu la personne d’un pécheur et d’un voleur, et non d’un, mais de tous les pécheurs et les voleurs (134) » Luther poursuit : « Parce que nous sommes des pécheurs et des voleurs et que nous méritons donc les sanctions de mort et de condamnation éternelle. Mais, Christ a pris tous nos péchés sur Lui et il est mort sur la croix à cause d’eux : c’est pourquoi il fallait qu’il devienne un transgresseur, et (comme l’a dit Ésaïe, chapitre 53) qu’il soit compté parmi les transgresseurs (134-135). »
Plus tard, Luther affirme que Christ « a eu et a porté tous les péchés des tous les hommes dans son corps, afin qu’il puisse satisfaire Dieu pour nous par son sang (135). » En citant Ésaïe 53.6, il note que Christ a porté l’iniquité et qu’il a donc été puni (136). Il explique que « Dieu a placé nos péchés, non sur nous, mais sur son Fils, Christ, qu’en prenant le châtiment il puisse ainsi être notre paix et que par ses meurtrissures nous puissions être guéris (És 53.5) (137). »
Pour Luther, cette doctrine est au centre de la foi chrétienne. Il explique : « si Christ a été rendu coupable de tous les péchés que nous avons tous commis, alors nous sommes totalement délivrés de tous péchés, non par nous-mêmes ou par nos œuvres ou encore par nos mérites, mais par Lui (138). »
Recouvrement et Sola Scriptura
La théologie réformée dépose sa théologie au pied de l’Écriture et elle l’énonce à travers les yeux de l’Esprit. Par conséquent, le résumé de la doctrine de la substitution pénale ne prouve ni ne réfute rien (il faudra un autre article pour cela).
Pourtant, elle montre une certaine beauté ou cohérence envers la doctrine elle-même. Dieu est bon et beau et juste (Ps 27.4 ; Marc 10.18 ; Ro 3.26). Alors, ses enseignements et ses œuvres doivent l’être aussi. C’est ce que nous voyons dans la substitution pénale. Elle adresse une réalité à laquelle nous faisons tous face : nous péchons et notre péché requiert un châtiment juste.
Pourtant, Dieu nous aime tant, qu’il a pris le châtiment sur Lui à notre place en incarnant et en portant le jugement divin à notre place. Il est juste pour punir le péché. Il est aussi celui qui justifie en rendant un grand nombre juste à la croix (voir Romains 3.26).
Nous devons recouvrer cette doctrine pour la santé de l’église aujourd’hui parce qu’elle est vraie et qu’elle glorifie Dieu. Certainement, nous pouvons apprendre des réformateurs. Toutefois, nous devons prendre conscience de leur appel à retourner aux Écritures qui sont l’autorité ultime pour la vie et la doctrine. Cherchons donc la vérité où nous pouvons la trouver, tout en apprenant des réformateurs dans notre démarche.
Cet article a été initialement publié sur The Gospel Coalition Canada. La traduction est publiée ici avec permission.
Wyatt Graham (PhD., Southern Baptist Theology Seminary) est le directeur général de TGC Canada. Vous pouvez le suivre sur Twitter à @wagraham.