C’était dans les premiers temps de ce qui allait être connu comme étant le Nouveau Calvinisme, ou la Résurgence Réformée. La Conférence « Together for the Gospel » (Ensemble pour l’Évangile) avait été formée en 2006, et maintenant, en 2008, se réunissait pour la deuxième fois. Les quatre fondateurs avaient été rejoints par les invités, John Piper, John MacArthur, et R.C. Sproul (et, pour la première fois, Thabiti Anyabwhile). R.C. Sproul a conduit la cinquième session de la conférence, et il a parlé sur « The Curse Motif of the Atonement » (« Le Motif de Malédiction dans la Propitiation »). Il a prêché un de ces sermons qui continue à être le sujet de conversation longtemps après l’évènement, et même longtemps après sa mort.
La conférence résume le sermon de Sproul ainsi : « Tirant profondément de l’imagerie de l’Ancien Testament, RC Sproul médite avec richesse sur les implications de ce que Jésus a souffert sur la croix, et de quoi il nous a sauvés. Le fait de porter le poids de la malédiction est placé soit sur les individus, ou librement sur l’être Saint qui l’a pris pour nous. Jésus a été maudit afin que nous pourrions être comptés comme justes en lui. »
J’étais présent ce jour-là et, comme tant d’autres, je me suis trouvé complètement sidéré par ce sermon. J’avais écouté beaucoup de Sproul auparavant, et j’avais lu quelques-uns de ses livres les plus remarquables, comme The Holiness of God (La Sainteté de Dieu). Pourtant, même si l’homme et le message m’étaient familiers, j’étais quand ’même assis littéralement captivé, en même temps répugné avec horreur de ce que j’entendais, tout en adorant la beauté.
Le crescendo du message entier a eu lieu dans les deux dernières minutes. Sproul contemplait ce qui s’est passé entre le Père et le Fils quand tout notre péché a été placé sur Jésus et quand il a fait face à la colère du Père. Il l’a expliqué ainsi : « C’est comme s’il y avait eu un cri du ciel – excusez mon langage, mais je ne peux pas être plus exact que ceci – c’est comme si Jésus a entendu les paroles ‘Dieu te maudisse.’ Parce que c’est ce que cela signifie d’être maudit, d’être sous l’anathème, du Père. »
Durant les années qui ont suivi, j’ai souvent réfléchi à ce qui a rendu ce sermon si puissant. Et en le regardant, et en le regardant de nouveau, je suis convaincu que c’était une combinaison de sa substance et de son style – d’une prédication qui comptait non seulement sur ce qu’il a dit, mais aussi comment. Une partie de ce qui a rendu le message si puissant, et qui a rendu ce crescendo si puissant, c’est que R.C. a chuchoté au lieu de crier.
J’ai souvent été frappé par l’intensité avec laquelle bien des prédicateurs prêchent leurs sermons. Bien des prédicateurs sont conscients de l’importance de la prédication, et sont remplis d’humilité par le fait que ce sont eux qui sont appelés à communiquer des vérités profondes à des gens dans l’expectative de les recevoir. Ce n’est pas peu de choses de se tenir dans la chaire et prêcher la Parole. Conscients de cela, les prédicateurs semblent apporter des sermons qui sont intenses du début jusqu’à la fin. Cette intensité est souvent exprimée dans le volume. Si nous allions créer un graphique qui montre la gamme vocale d’un prédicateur avec un chuchotement au fond, une voix normale au milieu, et un cri en haut du graphique, bien des prédicateurs prêcheraient la majorité de leurs sermons complètement dans la moitié du haut du graphique – occasionnellement avec une voix normale, mais plus souvent avec un volume élevé. Quand ils ont besoin de faire un point spécialement fort, ils parlent plus fort, et peut-être même ils crient. Mais ils utilisent seulement la moitié du haut de leur gamme vocale.
Je suis frappé par le fait que Sproul a choisi l’approche contraire. Au long de son sermon, il livre bien des phrases les plus importantes dans la partie plus basse de sa gamme vocale, et souvent avec à peine un chuchotement. Il se penche vers son auditoire et l’auditoire répond en se penchant vers lui, s’efforçant à entendre. Il ralentit son tempo et il baisse sa voix pour dire plusieurs de ses phrases les plus importantes. (Voir aussi ce clip à partir de 40:00 – environ 41:30)
Ceci est une technique rhétorique puissante que peu de prédicateurs utilisent et encore moins l’utilisent de manière plus efficace que Sproul. Il est dramatique sans être mélodramatique, il performe sans manipuler. Il complète des vérités puissantes avec une technique habile. C’est fascinant et puissant. Et, pour bien des prédicateurs, ça n’a jamais été essayé. C’est ma conviction que la plupart des prédicateurs auraient crié ces phrases au lieu de les chuchoter. Et c’est aussi ma conviction que ceci aurait été moins efficace.
Donc, je suppose que mon encouragement à ceux qui prêchent, c’est de tirer quelques leçons de Sproul. Il a souvent été loué pour être non seulement le meilleur enseignant dans le monde Réformé de son temps, mais aussi un de ses maîtres communicateurs. Et je suis convaincu qu’une partie clé de son habileté était son élocution, et spécialement, sa disponibilité à utiliser non seulement une partie de sa gamme vocale, mais le tout. Il a mis beaucoup de soin, non seulement dans le contenu de ses sermons, mais aussi l’élocution. Il a maitrisé non seulement l’art de préparer un sermon, mais aussi l’habileté de le communiquer. Tous, nous ferions bien d’apprendre de lui.
Cet article a été initialement publié sur Challies.com. La traduction est publiée ici avec permission.
Tim Challies
Tim Challies - Le père de Tim est originaire de Montréal et sa mère des Cantons-de-l'Est. Tim est un écrivain incontournable de la blogosphère anglophone sur son blog Challies.com. Il est aussi l’auteur de nombreux ouvrages dont plusieurs ont été traduits en français : La foi d’hier pour l’ère d’aujourd’hui (Excelsis, 2011), Faire plus. Mieux. (BLF Edtions, 2017), Théologie visuelle (BLF Edtions, 2017). Il est ancien à Grace Fellowship Church. Lui et sa famille habitent à Toronto.