Les défis de l’herméneutique (partie 10): Du texte à la prédication

Nous espérons qu’à ce stade de notre voyage, l’étudiant est déjà convaincu de la nécessité de posséder une bonne méthode afin de bien étudier, interpréter et prêcher le texte biblique. Nous avons tout d’abord justifié l’écriture d’une telle série d’articles sur l’herméneutique en soutenant la quasi-inexistence en francophonie de ce genre d’outils. Nous avons ensuite proposé une méthode complète d’exégèse qui tire son expérience de l’histoire de l’interprétation de la Bible. Après avoir présenté chacune de ces méthodes, nous avons tenu à souligner a nécessité que l’interprète possède en tout temps de l’étude la bonne attitude (soumission, rigueur et humilité face à la Parole de Dieu), les bonnes dispositions (intégrité spirituelle, morale et intellectuelle) et les bons présupposés (l’autorité, l’inerrance et l’harmonie des Écritures) qui servent de critères ultimes à une bonne appropriation évangélique. Il est temps maintenant de rassembler toutes ces idées sous la forme d’une méthode synthétique qui part du texte et se rend jusqu’à la prédication. Les différents numéros de cette série d’articles servent de référence à chacun des outils interprétatifs afin d’affiner les pratiques de l’étudiant et de fournir les ressources nécessaires à chacune des étapes. 

Proposition d’une méthode en 12 étapes

Comme le mentionne avec justesse Tremper Longman, les trois piliers de l’étude de la Bible sont le contexte historique, l’analyse littéraire et le message théologique. Il n’y a rien de nouveau ici, je le rappelle encore une fois, il ne s’agit que de l’extension du travail exégétique de Pères de l’Église tels Augustin, des premières écoles d’interprétations chrétiennes telles celle d’Antioche, du travail des réformateurs tels Luther et Calvin et la continuité logique de l’approche traditionnellement évangélique, c’est-à-dire la méthode historico-grammaticale. L’interprète désire, dans un premier temps, replacer le texte ancien dans son propre contexte historique, puis dans un second temps, l’analyser à titre d’œuvre littéraire. Dans un dernier temps, il se questionne sur les implications actuelles du texte, c’est le message théologique. 

Survol des 12 étapes

1. Vérifier le texte (Critique textuelle)  

Cette étape va permettre à l’interprète de s’assurer de ne pas fonder l’entièreté d’un message ou d’une position doctrinale importante pour l’église sur une portion des Écritures jugée hautement douteuse. L’étudiant se rappelle qu’il doit utiliser différentes Bibles d’étude de traduction littérale et observer attentivement l’apparat-critique qui traite des variantes. Plusieurs considérations techniques et pastorales qui devraient accompagner l’herméneute ont été évoquées dans l’article concernant les méthodes historiques (https://sola.org/methodes-historiques-interpretation-partie-1/). Cette étape va aussi préparer l’étudiant à repérer différentes décisions de traduction qui lui seront utiles lors de l’analyse textuelle.   

2. Vérifier le contexte historique du texte (Intérieur et extérieur)   

Par intérieur et extérieur, nous entendons que l’exégète est invité à élucider, à l’aide d’outils spécialisés, tous les référents culturels inconnus à l’étudiant qui sont évoqués dans le texte. C’est le contexte historique intérieur du texte, intérieur à la diégèse. Mais aussi, à répondre aux grandes questions qui entourent le contexte historique de la rédaction (Qui est l’auteur ? À qui s’adresse-t-il ? Et pourquoi ?). Il s’agit du contexte extérieur du texte. Plusieurs commentaires, livres d’introductions et outils spécialisés pourront l’aider dans cette tâche (https://sola.org/methodes-historiques-interpretation-partie-2/).

3. Vérifier le contexte littéraire du texte (Micro et macro) 

L’herméneute doit s’intéresser au contexte littéraire immédiat de son texte. Ce dernier concerne aussi bien ce qui vient immédiatement avant et après le passage étudié afin de pouvoir repositionner celui-ci dans sa séquence d’événements ou de discours, que l’étude de sa forme et de sa manière de s’exprimer. Une simple lecture attentive du contexte littéraire peut aider l’étudiant, ainsi que l’usage de commentaires et d’ouvrages d’introductions qui permettent de schématiser les livres bibliques. Pour la forme littéraire qu’emprunte un texte biblique, un bon outil d’inventaire des formes littéraires bibliques devrait suffire. Il est tout aussi crucial pour l’étudiant de s’intéresser au contexte global de la Bible puisqu’elle se doit d’être harmonieuse. Une interprétation isolée ne peut venir contredire ce que l’ensemble de la Bible affirme. Il est aussi important pour l’interprète de comprendre comment son passage s’insère, fonctionne et contribue à l’ensemble de la révélation biblique. Deux outils théologiques peuvent l’aider dans cette tâche ; il s’agit de la théologie systématique qui permet de synthétiser l’ensemble de l’enseignement de la Bible à propos des nombreux sujets qu’elle aborde. Il existe aussi la théologie biblique, qui étudie comment les livres et les passages de la Bible fonctionnent organiquement ensemble afin de produire une œuvre globale harmonieuse. Vous avez sans doute remarqué que ces deux étapes relèvent aussi beaucoup de l’interprétation. Cela est un rappel pour l’étudiant de la Bible que ces étapes ne sont pas toujours systématiques, hermétiques et certainement pas mécaniques. L’ensemble du travail d’interprétation de la Bible est une belle grande œuvre organique. Ainsi, certaines étapes se chevauchent et parfois même s’opèrent de façons simultanées. Parfois, il est même possible de revenir en arrière, car nous découvrons de nouvelles données qui nous amènent à réviser nos recherches. Il y a souvent un travail de va-et-vient dans l’interprétation biblique. Nous reviendrons davantage sur ces outils théologiques lorsque nous traiterons directement de l’étape d’interprétation des données recueillies lors de l’exégèse. 

4. Analyser les mots du texte (Analyse grammaticale, syntaxique, verbale et sémantique) 

L’étape de l’analyse textuelle est essentielle et parfois même, avec le contexte historique, l’une des plus importantes qui soit en exégèse biblique. Il s’agit de l’étape qui décortique et s’approprie le texte au niveau de ses unités littéraires les plus petites, c’est-à-dire ses mots, ses propositions, ses phrases et ses paragraphes. Pour les longs récits, l’analyse narrative sera sans doute plus utile, mais pour un discours pointilleux ou la prédication de quelques versets seulement, cette étape sera capitale. Dans l’article concernant l’analyse textuelle, plusieurs options allant d’une approche pour débutant vers une approche plus avancée ont été proposées (https://sola.org/methodes-litteraires-partie-1/).

5. Analyser les structures du texte (Analyse structurelle) 

Tous les textes de la Bible ne sont pas soumis à une structure typique des arts littéraires juifs, mais un très grand nombre le sont (A.T. et N.T. y compris, œuvres poétiques tout comme les récits). Il est donc important de la déceler si c’est le cas. Avoir accès à la structure sémitique d’un passage, c’est avoir accès à la manière dont l’auteur voulait que son œuvre soit écrite, disposée, lue et comprise. Il s’agit là d’un grand avantage non négligeable. Dans l’article concernant l’analyse structurelle, une foule de modèles, d’exemples et de ressources ont été proposés pour l’étudiant (https://sola.org/methodes-litteraires-partie-2/).

6. Analyser le sens du texte (Analyse structurale) 

Il est évident, pour qui s’y intéresse, que celui qui désire rester fidèle aux présupposés évangéliques ne pourra recevoir l’entièreté des philosophies qui se rapportent à la bannière du structuralisme. Néanmoins, au strict plan de la communication et de la linguistique, plusieurs de ces théoriciens arrivent habilement à décrire la manière dont fonctionne le sens et les réseaux de communication dans toute production littéraire. Ce genre de questions n’est pas nouveau non plus puisque l’on considère Augustin et Aristote comme des précurseurs de ce genre de réflexions. À la toute fin de de l’article concernant l’analyse structurale, il a été proposé quelques outils d’observation qui s’avèrent simples et opérationnels sur le plan exégétique pour l’étudiant et surtout présentés d’une manière non partisane (https://sola.org/methodes-litteraires-partie-3/).

7. Analyser la narration du texte (Analyse narrative) 

L’analyse narrative est l’une des étapes les plus importantes du processus. La raison en est que la Bible est majoritairement constituée d’un grand récit narratif. De plus, nous savons que les récits demandent que l’on comprenne les subtilités de leurs langages afin de saisir leurs morales qui ne sont que très rarement exposées de manière explicite. Plus encore, l’analyse narrative est aussi l’une des étapes d’exégèse les plus accessibles d’approche et satisfaisantes pour les nouveaux étudiants de la Bible. Mais il s’agit aussi d’une étape facultative, car il va de soi qu’elle ne peut s’appliquer qu’aux textes narratifs de la Bible. Dans l’article qui traite de la narratologie, l’étudiant trouvera toute la théorie, les modèles, les tableaux et les exemples nécessaires afin de pratiquer convenablement cette méthode (https://sola.org/methodes-litteraires-partie-4/).

8. Analyser la rhétorique du texte (Analyse de la rhétorique gréco-romaine) 

L’analyse de la rhétorique est aussi une étape facultative qui ne concerne, cette fois-ci, que les discours que l’on retrouve dans le Nouveau Testament. Son champ d’application est relativement petit, mais cette méthode, associée à une bonne analyse textuelle, peut quand même s’avérer très utile pour décortiquer les discours néotestamentaires. L’article traitant de l’analyse de la rhétorique gréco-romaine fournit toutes les informations nécessaires à l’étudiant désireux de pratiquer cette méthode (https://sola.org/methodes-litteraires-partie-5/).

9. Analyser les effets du texte sur le lecteur (Analyse de l’acte de lecture)  

Le « Reader-Response » représente probablement l’étape facultative la plus négligeable d’entre toutes. Certaines applications intéressantes demeurent toutefois possibles et elles ont été présentées dans la section concernant les approches post-structurales. Si l’étudiant est intéressé par cette approche, il peut toujours retourner consulter cette article (https://sola.org/les-methodes-dinterpretation-biblique-post-structurales/) ; néanmoins, dans un assez court temps de préparation imparti pour un sermon, il vaut mieux prioriser les autres étapes.  

10. Interpréter et appliquer le texte (Théologie Biblique, Théologie Systématique et Théologie Pratique)

Cette portion du résumé final concernant l’étape d’interprétation et ses outils théologiques sera plus étoffée que les autres. En effet, elle a pour but de synthétiser, mais de manière pratique, tout ce qui concerne les règles d’interprétation de l’histoire de l’Église, la manière d’être christocentrique et de produire des applications pertinentes et concrètes. Lorsqu’on passe de l’étape de l’exégèse à celle de l’herméneutique, pour être sûr d’être conforme à tous les avertissements prodigués dans ce guide, nous proposons à l’étudiant de considérer cinq phases : 1) Respecter les règles d’interprétation de la Bible ; 2) S’assurer que son interprétation est christocentrique ; 3) Maîtriser la théologie biblique ; 4) Maîtriser la théologie systématique ; 5) Maîtriser la théologie pratique. 

A. Respecter les règles d’interprétation de la Bible (Orthodoxie et orthopraxie) 

i. Connaître et garder en tête les règles d’interprétation tout au long de l’exégèse (comme une paire de lunettes)

En tant qu’étudiant de la Parole de Dieu, nous désirons que nos applications soient conformes à la bonne doctrine et produisent de bonnes applications. Les sept règles d’interprétation de l’histoire de l’Église, qui ont été présentées dans l’article approprié, (https://sola.org/comment-passer-de-lexegese-a-lhermeneutique/) doivent bien être connues et maîtrisées par l’étudiant. Elles doivent constituer une sorte de paire de lunettes à travers lesquelles il lit les Écritures. Pour ceux qui se le demandent, je rappelle que ces règles ne sont que l’expression pratique des présupposés évangéliques qui découlent de la Bible elle-même et qui ont été traités dans le chapitre d’introduction.  

ii. Valider à la fin du processus que l’interprétation respecte les règles (comme un test) 

Comme nous l’avons déjà stipulé, en interprétation, aucune étape n’est totalement hermétique. Elles se croisent régulièrement. Les règles d’interprétation ont pour vocation d’être une sorte de paire de lunettes (qui résume en elles-mêmes les présupposés évangéliques concernant la Bible) à travers laquelle on lit et on comprend la Bible. Mais il arrive que ces règles puissent aussi, par sécurité, servir de test que l’on fait passer à notre interprétation lors de l’étape finale de notre travail. Si notre interprétation, notre doctrine ou nos applications ne passent pas le test, alors il faut retourner à l’étape d’exégèse. Il s’agit d’une précaution. 

B. S’assurer que l’interprétation est christocentrique 

Encore une fois, il est surtout question ici de condenser l’enseignement concernant l’importance et la manière d’avoir une interprétation centrée sur l’Évangile, car c’est surtout ce dernier élément qui fait la différence entre une prédication biblique et chrétienne et tout autre message dans le monde. 

i. Comprendre que la Bible est “christotélique”.

Dans l’article concernant ce sujet (https://sola.org/les-defis-de-lhermeneutique-partie-9-comment-passer-de-lhermeneutique-a-lhomiletique/),  nous avons déjà mentionné qu’être christocentrique ou centré sur l’Évangile ne veut pas dire qu’il faut absolument raconter l’œuvre de la croix explicitement dans tous les messages, ou bien trouver dans n’importe quel texte un lien douteux à faire avec Jésus. Non, être christocentrique c’est plutôt comprendre que la Bible est “christotélique”, c’est-à-dire qu’elle pointe vers Jésus comme son accomplissement ultime. Ce n’est pas tant qu’il faut absolument parler de Jésus ou de la croix dans tous les messages que de comprendre que tous les sujets de la Bible doivent tôt ou tard être compris et interprétés selon l’œuvre et la personne de Jésus.

ii. Savoir interpréter l’A.T. à la lumière du N.T. et comprendre le N.T. sur la base de l’A.T. 

Lorsque l’on étudie un texte du N.T., il faut toujours se demander s’il y a une référence à l’A.T. et lorsque l’on étudie un texte de l’A.T. il faut toujours chercher comment ce qui se déroule dans le passage trouve son parfait accomplissement dans le N.T. Plusieurs manières de connecter l’A.T. et le N.T. ont été présentées dans la section concernant le christocentrisme. Nous tenons aussi à informer l’étudiant que l’outil de la théologie biblique peut s’avérer une aide précieuse lorsqu’il arrive à cette étape. Nous y reviendrons.  

iii. Garder en tête que Dieu est le seul héros et Jésus le seul homme juste (Besoin, Grâce, Jésus, Réponse).

Bryan Chapell ainsi que Florent Varak parlent souvent de « prédications rédemptrices », c’est-à-dire que chaque passage de la Bible présente les faiblesses, les besoins et les manquements humains. Autrement dit, la Bible présente souvent un élément défectueux de la condition humaine. Cette dysfonction s’exprime dans un contexte précis et antique dans notre passage biblique, mais le principe est, quant à lui, universel et intemporel. C’est pourquoi, une fois qu’il est bien identifié grâce à l’exégèse, nous pouvons établir, lors de l’étape de l’herméneutique, un pont avec nos auditeurs et décrire dans quel contexte moderne ces derniers expérimentent aussi cette dysfonction humaine. Le travail d’interprète consiste à identifier quel élément défectueux, se rapportant à la nature humaine et commune à tous les hommes, le texte est en train de mettre en lumière. Ensuite, la Bible présente toujours Dieu comme le héros afin que l’homme apprenne comment dépendre de lui. L’expression ultime de la réponse au besoin de l’homme est l’envoi de Jésus ; ainsi en regardant à Jésus nous découvrons la réponse ultime à nos dysfonctions.

iv. Comprendre qu’on n’est sauvé que par l’Évangile et que le reste de la vie chrétienne ne procède que de lui.

Ce dernier point est le simple rappel que l’Évangile et ses conséquences vont toujours ensemble, mais ne doivent jamais être confondus. L’Évangile est une Bonne Nouvelle de ce qui a déjà été accompli pour nous en Jésus et non un bon conseil de ce que nous devons accomplir pour gagner quoi que ce soit. Cette Bonne Nouvelle produit du fruit certes, mais ce n’est pas en collant des pommes sur un chêne qu’on en fait spontanément un pommier. L’étudiant doit développer une compréhension robuste de la grâce. Il doit bien comprendre les concepts de justification et de sanctification.

v. Comprendre que l’homme ne peut rien sans Dieu, que Jésus a tout parfaitement accompli pour ceux qui lui appartiennent, que l’application s’adresse au croyant régénéré en Jésus, que sa motivation et sa puissance procèdent de l’Évangile et que sa performance n’affecte pas sa justification, mais bien sa sanctification.

Ce point n’est que l’extension logique du précédent. Le nouveau qui entre dans l’église tout comme l’ancien ont besoin tous les deux de l’Évangile. On ne gradue jamais de l’Évangile. La sanctification n’est que la seigneurie de Jésus qui gagne de plus en plus de terrain dans le cœur du croyant, en renversant ses idoles, en lui permettant de réprimer sa chair, de résister au monde et à Satan au moyen de la repentance, de la dépendance de Dieu, de son Esprit ainsi que la confiance et la compréhension qu’il a de l’Évangile de Jésus-Christ.  

vi. Se questionner : 1) Où est le besoin de l’homme ? 2) Où la grâce de Dieu s’exprime-t-elle ? 3) Que nous dit ce texte sur Jésus et l’Évangile ? 4) Quelle est la réponse de l’homme ?  

Une fois ces derniers éléments bien acquis, l’étudiant peut alors se poser ces questions d’ordre plus pratique. 

C. Maîtriser la théologie biblique

Tel que mentionné un peu plus tôt, trois outils théologiques permettront à l’étudiant d’atteindre les objectifs de ce manuel en matière d’interprétation des données de l’exégèse. L’interprète doit comprendre le fonctionnement de ces outils et la manière de les utiliser. 

i. Comprendre le but de la théologie biblique

Dans un premier temps, la théologie biblique observe la manière avec laquelle la Bible se présente à nous comme une révélation progressive totalement unie et cohérente et de quelle manière elle culmine dans l’œuvre de Jésus-Christ. Dans un deuxième temps, elle tente de relever les différents liens organiques qui relient un texte spécifique à l’ensemble de son intrigue.

ii. Questionner le texte 

a. Comprendre le grand récit biblique

Ce point a été traité dans le chapitre concernant la critique des formes, mais il peut être approfondi grâce à des volumes spécialisés tels que : Bruce Walke, Théologie de l’Ancien Testament, Excelsis, 2012 ; George E. Ladd, Théologie du Nouveau Testament, Excelsis, 2010 ; Craig L. Blomberg, Théologie du Nouveau Testament, Excelsis, 2021

b. Situer notre passage dans sa progression

Encore une fois, les derniers ouvrages recommandés peuvent s’avérer particulièrement utiles pour cette tâche. 

c. Relever des connexions entre les deux testaments

Il s’agit de celles qui ont été déjà présentées et développées dans le chapitre concernant l’herméneutique christocentrique. 

  1. Thématique
  2. Promesse 
  3. Annonce
  4. Attente 
  5. Type 
  6. Comparaison
  7. Symbole 
  8. Citation-allusion 
  9. Progression
  10. Contraste
  11. Manque  

d. Chercher à comprendre comment l’œuvre de Jésus fait une différence

Comment les différents éléments exprimés dans votre passage trouvent-ils leur pleine compréhension dans la personne et l’œuvre de Jésus ? 

D. Maîtriser la théologie systématique

i. Comprendre le but de la théologie systématique

La théologie systématique a pour but de rassembler, d’interpréter et de synthétiser, toujours de manière harmonieuse, ce que l’ensemble de la Bible dit à propos d’un sujet ou d’un thème spécifique.

ii. Garder en tête la distinction entre les dogmes non-négociables, les doctrines importantes pour une église ou un mouvement et les opinions secondaires

Il existe des dogmes non négociables qui distinguent les vrais chrétiens historiques des sectes chrétiennes et de toute autre religion. Il existe aussi des différences de doctrines importantes qui peuvent parfois justifier le fait d’appartenir à un mouvement d’églises plutôt qu’à un autre. Finalement, les opinions secondaires personnelles et les cas de conscience peuvent parfois différer d’un croyant à l’autre, mais la Parole nous exhorte à vivre dans l’unité qu’apportent le Christ et son Esprit.   

  1. Dogmes non négociables :
    1. L’autorité des Écritures
    2. La trinité
    3. La divinité et l’humanité du Christ
    4. La justification par la grâce au moyen de la foi
  2. Doctrines importantes pour une église ou un mouvement :
    1. Le Salut
    2. Les dons de l’Esprit
    3. La fin des temps
    4. La place de la femme dans le ministère de l’enseignement 
  3. Opinions secondaires :
    1. L’alcool
    2. Les tatouages 
    3. L’Halloween
    4. Les films et la musique

iii. Connaître les dix grandes doctrines qu’étudie la théologie systématique

Dans de nombreux manuels de théologie systématique, les grandes doctrines sont présentées sous 10 rubriques classiques. 

  1. La doctrine de Dieu (Théologie)
  2. La doctrine de la Bible (Bibliologie)
  3. La doctrine des anges et des démons (Angéologie et Démonologie)
  4. La doctrine de l’homme (Anthropologie)
  5. La doctrine du péché (Hamartiologie)
  6. La doctrine du Salut (Sotériologie)
  7. La doctrine du Christ (Christologie)
  8. La doctrine du St-Esprit (Pneumatologie)
  9. La doctrine de l’Église (Ecclésiologie) 
  10. La doctrine de la fin des temps (Eschatologie)

iv. Identifier le ou les thèmes ou sous-thèmes théologiques traités directement ou indirectement dans votre texte.

v. Dans un premier temps, à l’aide d’un bon outil, vérifier que votre interprétation ne contredit pas ce que la Bible enseigne autre part.

vi. Dans un second temps, toujours à l’aide d’un bon outil, valider que votre interprétation ne déroge pas aux dogmes non négociables, qu’elle demeure cohérente avec les doctrines importantes de votre église et que vous êtes en mesure de distinguer vos opinions personnelles. Suggestion : Théologie Systématique de Wayne Grudem, Excelsis, 2012.

E. MAÎTRISER LA THÉOLOGIE PRATIQUE 

La théologie pratique est l’art d’appliquer le texte biblique pour nous aujourd’hui. Une fois que tout le travail a bien été fait, vérifié et revérifié, il est maintenant temps d’appliquer le texte à la vie des auditeurs. 

i. À l’aide de son étude, se demander ce que l’auteur voulait exprimer et ce que les premiers lecteurs ont compris. 

ii. Distinguer ce qui est contingent de ce qui est permanent dans le texte.

iii. Distinguer ce qui est descriptif de ce qui est prescriptif.

iv. Distinguer le principe abstrait de l’application spécifique.

v. Trouver un contexte analogue dans la vie de vos auditeurs qui serait comparable à celui de ceux qui ont reçu premièrement le texte.

vi. À l’aide de la théologie biblique, se demander comment Jésus fait une différence.

vii. Tenter de préciser votre application.

Quel est le but de l’application ?

  • Faire connaître (information)
  • Faire croire (foi)
  • Faire faire (action)
  • Faire ressentir (émotion) 
  • Appeler à la repentance
  • Appeler à l’adoration 
  • Appeler à la réjouissance `
  • Appeler à l’action 
  • Parler à nos désirs profonds
  • Dénoncer les mauvais désirs profonds
  • Révéler nos vrais besoins 

À quel domaine ou sphère de la vie s’applique notre texte ?

  • Social ?
  • Église et communauté ?
  • Familial ?
  • Devoir de citoyen du Royaume ?
  • Devoir de citoyen du monde commun ? 
  • Économie ?
  • Finances ?
  • Sexualité ?
  • Consommation ? 
  • Travail ?
  • Religieux ?
  • Spirituel ?
  • Politique ?

viii. S’assurer que l’interprétation demeure christocentrique et non moraliste.

a. Le quoi (Important, mais pas suffisant) 

Bien-sûr qu’il faut dire aux gens ce que Dieu attend d’eux, c’est le “quoi” de l’application. Le quoi est important, mais pas suffisant ! Présenter le standard parfait de Dieu et la conséquence éternelle pour celui qui ne l’atteint pas est une bien mauvaise nouvelle. Il faut plus. 

b. Le qui (À des chrétiens régénérés) 

Nous prêchons toujours l’Évangile, car seuls ceux qui le reçoivent et sont transformés par l’Esprit de Dieu peuvent convenablement répondre à la prédication de la Bible. On n’enseigne pas au monde et aux membres de notre église comment se comporter en chrétiens. On veut qu’ils soient transformés en chrétiens. 

c. Le pourquoi (À cause de l’Évangile et de l’espérance)

Les gens n’ont pas besoin de comprendre seulement ce qu’ils doivent faire, mais pourquoi ils doivent le faire. Ils doivent comprendre la profonde motivation surnaturelle qu’apporte l’Évangile de Jésus-Christ et comment cette dernière constitue l’espérance au quotidien du croyant. 

d. Le comment (À cause du fruit que produit l’Évangile dans notre vie par la puissance de l’Esprit)

Le pire message est celui qui parle des standards parfaits de Dieu, mais qui laisse l’auditeur seul face à son incapacité. Il faut que son insuffisance soit claire pour lui, de sorte à l’amener aux pieds de Jésus et à pouvoir connaître la joie de se confier dans son œuvre. Ensuite, il doit comprendre comment fonctionne son cœur toujours rempli d’idoles destructrices qui volent la place de Jésus, comment sa chair est friande de ces idoles, portée vers elles plutôt que vers Dieu et comment le monde et les démons nourrissent continuellement par leurs influences cette rébellion. Pour vivre une véritable transformation, les croyants doivent comprendre de quoi ils doivent se repentir, dans quoi puiser leur espérance, leur motivation et leur puissance, mais aussi voir comment Dieu œuvre au plus profond de leur cœur et de leur nature. Lorsqu’une prédication ne parle que des actions à poser ou ne pas poser, elle envoie le message que c’est ce que tu fais qui détermine si tu es chrétien ou non. Alors que dans la Bible, c’est l’identité du chrétien et sa nature qui déterminent ce qu’il fait. Nous voulons que les gens changent d’identité en Jésus en se repentant et qu’ils comprennent leur ancienne nature et le fonctionnement de leur nouvelle nature. Paradoxalement, les gens qui insistent sur le faire, les actions et le comportement veulent normalement plus de piété dans l’église, mais tristement, c’est justement en insistant sur le faire et en n’agissant pas sur l’être, le cœur et la nature qu’ils n’atteindront jamais le but escompté. 

La Bible utilise souvent une imagerie végétale afin d’exprimer cette idée. La Parole de Dieu, autrement dit la Bonne Nouvelle de la grâce de Dieu révélée dans l’œuvre de Jésus, est souvent présentée comme une semence, comme une graine. La foi dans cette semence est la racine qui grandit tout au long de la vie chrétienne et la rend de plus en plus solide, forte et inébranlable. Le fruit que produit cette semence, fortifié par la foi en elle, est le désir de plaire et d’obéir à Dieu et une capacité nouvelle de le faire. Finalement, il faut un jardinier pour préparer la terre (le cœur) à recevoir la semence, en prendre soin, la nourrir avec l’eau, retirer les mauvaises herbes et émonder les mauvais anciens fruits ; la Bible présente à la fois Jésus et l’Esprit comme étant ce jardinier.

iv. Dénoncer le légalisme, dénoncer l’antinomisme et exposer le christianisme.

Nous ne voulons pas que nos messages soient moralistes, mais nous ne souhaitons pas non plus qu’ils soient amoraux. Une bonne prédication arrive à souligner habilement comment ces deux pièges opposés ne constitue ni l’un ni l’autre le véritable christianisme.   

11. Organiser les idées du texte (Homilétique) 

Tel que mentionné dans l’article concernant l’art de la prédication biblique (…), un message moyen bien apporté ira toujours plus loin qu’un excellent message mal amené. Il existe de nombreux ouvrages d’excellente qualité concernant la prédication, l’étudiant n’a pas à s’inquiéter d’une pénurie de matériel, comme cela était le cas pour l’exégèse et l’herméneutique. Pour ce qui est des bases de l’homilétique, l’étudiant pourra aisément les retrouver dans la section appropriée de ce manuel. Pour plus d’information, parmi tous les ouvrages disponibles sur le sujet, le présent auteur suggère fortement ces deux ouvrages : Bryan Chapell, Prêcher : L’art et la manière, Excelsis, 2019 ainsi que Florent Varak, Philippe Viguier, Manuel du prédicateur : Du texte au message, Clé Lyon, 2018.

12. Proclamer le texte (Prédication)

L’art de l’homilétique traite surtout de la manière de composer son message alors que l’art de la proclamation parle plutôt de la communication, de la prestance et de la proclamation du message. Il s’agit de l’étape ultime, celle où l’étudiant livre enfin le message de la Parole de Dieu devant un auditoire. Aussi, normalement, les ouvrages qui traitent de l’art de la prédication biblique, tel que proposé dans le paragraphe précédent, englobent également ce thème. Au besoin, l’étudiant peut s’y référer.   

Conclusion 

L’étude complète et rigoureuse d’un texte biblique est ardue et demande du temps au début, mais il ne faut pas se décourager. Plus nous nous pratiquons, moins cela demande du temps et devient tranquillement un réflexe pour l’exégète qui se développe. Plus vous allez investir du temps dans la lecture et la pratique, plus cela sera rentable plus tard. C’est comme dans n’importe quelle autre discipline. Une fois les techniques bien maitrisées, on peut commencer à laisser l’art s’exprimer librement. Vous êtes donc encouragés à ne pas abandonner, mais plutôt à vous donner du temps et de la pratique. Bon courage à vous, chers amoureux de la Parole de Dieu. Mais comme nous le rappelle Jean-Sébastien Morin dans son module d’herméneutique (Morin, Herméneutique I, p. 3), l’investissement en vaut vraiment la peine : « Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, inébranlables, progressez toujours dans l’œuvre du Seigneur, sachant que votre travail, dans le Seigneur, n’est pas inutile. »  (1Co. 15.58).

Simon Archambault
Plus de publications

Simon Jean-Claude Archambault est pasteur des ados depuis 10 ans au Canada et depuis 5 ans à l’Église le Portail dans la ville de Laval ainsi que responsable des formations bibliques. Détenteur d’un baccalauréat en Théologie Biblique de l’ITF et d’une maîtrise en exégèse de l’UdeM, il est aussi membre du Concile SOLA et professeur d’herméneutique à l’Institut de Théologie pour la Francophonie (ITF).

Published By: Simon Archambault

Simon Jean-Claude Archambault est pasteur des ados depuis 10 ans au Canada et depuis 5 ans à l’Église le Portail dans la ville de Laval ainsi que responsable des formations bibliques. Détenteur d’un baccalauréat en Théologie Biblique de l’ITF et d’une maîtrise en exégèse de l’UdeM, il est aussi membre du Concile SOLA et professeur d’herméneutique à l’Institut de Théologie pour la Francophonie (ITF).