Le pasteur brûlé

Le ministère pastoral s’appuie souvent sur la logique de l’accomplissement. Le ministère des enfants doit grandir. Nous avons besoin d’un nouvel emplacement. L’église a besoin d’une réponse publique à un nouveau mouvement politique. Et oui, la pandémie a-t-elle aussi ajouté des charges encore plus lourdes sur nos leadeurs.

Les pasteurs ont maintenant besoin d’avoir une opinion sur l’épidémiologie, les virus infectieux, les statistiques, la politique, la marque de la bête et plus encore. Les membres de la congrégation leur envoient de plus en plus de données et d’informations. Les pasteurs absorbent tout cela, et l’effet de toute cette information ressemble à une rivière qu’on ferait passer dans un tunnel. Une quantité d’information sans fin leur est transmise.

Le pasteur se doit de réagir à tout ce qu’on lui présente, à défaut de ne pas accomplir tout ce qu’on lui met sur les épaules et d’ainsi décevoir ses membres. Il doit donc réagir à tout. 

C’est bien là que se retrouve l’évidence du burnout. « Réagir immédiatement et céder à chaque requête impulsive équivaut déjà à une maladie et représente un symptôme de l’épuisement, » explique Byung-Chul Han. Cet épuisement résulte d’une consommation sans limites, de la production sans répit et du travail sans un vrai repos. 

L’épuisement arrive lorsque nous ne reposons pas notre esprit. Nous emmagasinons, et ce, sans jamais nous arrêter. Nous le faisons tous – pensez aux réseaux sociaux et à la pression de la performance dans presque chaque aspect de nos vies. Nous avons ce genre d’attente envers nous-mêmes et envers nos pasteurs. 

Lorsque l’accomplissement est tout ce qu’il y a d’important, nous devenons alors des machines – prêtes à l’épuisement. Le constat est le suivant : nous sommes accros à ce qui conduit à l’épuisement parce que nous vivons dans une société qui sur stimule, qui opère dans la surpression et qui s’attend à ce type de performance constante. Chan avance que, « le burnout représente la conséquence pathologique de l’auto-exploitation volontaire. »

Nous devons assurément avoir des réalisations. Mais nous n’avons pas été conçus que pour des accomplissements. La vie a besoin de flux et de reflux. Nous avons besoin de sommeil et d’être ennuyé, parfois. Nous avons besoin de répits des bruits constants et des mises à jour sur nos téléphones et nos ordinateurs. Nous avons besoin de limites par rapport à cette pression constante d’être présent virtuellement. 

Lorsque nous sentons que nous ne pouvons pas tout faire, nous ne pouvons pas tout accomplir, cela ne peut qu’avoir du sens, dit Chan, dans une société qui s’écrit « rien n’est impossible ». Cependant, les écritures nous enseignent beaucoup mieux. 

« Mais qui est suffisant pour ces choses ? » (2 Cor 2.16) 

La réponse, ce n’est aucun d’entre nous. C’est dans notre faiblesse que Christ se montre fort. Comme le Seigneur l’a mentionné à Paul, « Ma grâce te suffit, car ma puissance s’accomplit dans ta faiblesse » (2 Cor 12.9).

L’Évangile résiste et nie la logique de notre société d’accomplissement. Notre valeur n’est pas rattachée à notre productivité. Nous ne sommes pas forts parce que nous pouvons faire plus que tous les autres. Nous avons de la valeur parce que nous avons été créés à l’image de Dieu et parce que nous sommes en Christ – « Jésus-Christ est en toi » (2 Cor 13.5). 

Nous vivons comme nous le faisons. Nous avons créé des heures et des horloges pour le travail. Nous nous sommes attachés au monde numérique avec son information constante. Nous attendons tout les uns des autres – nous voulons le monde et nous le voulons maintenant. Nous valorisons uniquement ce que les gens peuvent ‘faire’ et non qui nous sommes. 

Ce fardeau que nous pouvons nous-mêmes nous forcer à porter peut amener à l’épuisement. L’Évangile nous donne du repos pour notre labeur. Il nous fait savoir que notre performance ne définit pas notre identité. Christ définit notre identité. 

Les pasteurs et les congrégations devront continuer à identifier la ligne entre les attentes et la performance, la grâce et les œuvres. Mais pour ce qui est du présent, je crois que le simple fait d’admettre que nous avons un problème d’épuisement serait un bon commencement. 


Cet article a été initialement publié sur The Gospel Coalition Canada. La traduction est publiée ici avec permission.

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Wyatt Graham (PhD., Southern Baptist Theology Seminary) est le directeur général de TGC Canada. Vous pouvez le suivre sur Twitter à @wagraham.