Nous connaissons tous cette phrase bien connue de Jésus « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu », mais en comprenons-nous les impacts? J’aimerais vous proposer que Jésus a beaucoup plus à dire ici que ce qui nous apparait évident en surface. Mais avant d’en considérer les implications, prenons le temps de lire le passage rapporté par Luc dans son évangile:
Luc 20.20-26
Ils se mirent à observer Jésus; et ils envoyèrent des gens qui feignaient d’être justes, pour lui tendre des pièges et saisir de lui quelque parole, afin de le livrer au magistrat et à l’autorité du gouverneur. Ces gens lui posèrent cette question: Maître, nous savons que tu parles et enseignes droitement, et que tu ne regardes pas à l’apparence, mais que tu enseignes la voie de Dieu selon la vérité. Nous est-il permis, ou non, de payer le tribut à César? Jésus, apercevant leur ruse, leur répondit: Montrez-moi un denier. De qui porte-t-il l’effigie et l’inscription? De César, répondirent-ils. Alors il leur dit: Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Ils ne purent rien reprendre dans ses paroles devant le peuple; mais, étonnés de sa réponse, ils gardèrent le silence.
Comme vous le savez surement, à première vue le piège est évident, mais surtout inévitable; la question est posée sur la forme d’un dilemme classique, ne donnant à Jésus que deux possibilités pour répondre. Le passage ne le dit pas explicitement, mais dans le contexte il n’y a aucune manière pour Jésus de répondre à la question sans perdre des plumes. S’il répond que les juifs ne devraient pas payer le tribut (impôt) à César, certainement est-ce qu’il sera perçu comme un révolutionnaire et qu’il sera accusé d’être un ennemi de Rome (ce qui peut avoir des conséquences très fâcheuses concernant ton bien-être et ton intégrité physique!). Mais à l’inverse, si Jésus affirme que le peuple doit payer le tribut à César, il sera rapidement perçu comme un ami/défenseur de Rome (de cet envahisseur qui, à cette époque, asservissait et dominait durement la région de la Judée et de la Galilée). Donc peu importe la réponse que Jésus pouvait donner, certainement est-ce que ça allait être retenu et utilisé contre lui. Je vous avoue qu’à la place de Jésus, j’aurais très certainement échoué ce test…
Mais le Seigneur voyant le piège (v.23), retourne la situation à son avantage (tout en réussissant habillement à éviter les deux écueils du dilemme). Christ va demander à ce qu’on lui apporte un « denier »; une des pièces de monnaie la plus commune de l’époque (elle représentait habituellement le salaire moyen d’une journée de travail pour un ouvrier). Mais ce qui est intéressant, c’est de voir la remarque que le Seigneur va faire : « De qui porte-t-il l’effigie et l’inscription? » (v.24).
Un peu comme s’était le cas à l’époque, nous pouvons retrouver sur nos pièces de monnaie canadienne l’effigie de la personne en autorité (dans notre cas; le visage de la Reine d’Angleterre). Loin de moi de vouloir entrer en débat avec mes amis souverainistes, mais le visage de la reine sur notre monnaie rappel aux citoyens du Canada qu’ils doivent normalement allégeance à la reine; c’était la même idée dans l’Ancien Monde. Le dernier que Jésus tenait dans sa main portait l’image de l’empereur Tibère, le « César » qui régnait durant tout le ministère public de Jésus. Son effigie sur les pièces de monnaie avait pour but de rappeler à chaque sujet de l’empire à qui ils devaient allégeance (chaque pièce sans exception portait l’image de l’empereur en fonction).
À première vue Jésus semble donc poser une question banale à son auditoire et ce n’est donc pas surprenant de voir la foule répondre sans ambigüité « la pièce porte l’effigie de César! ». Puis vient la réponse que personne n’avait vue venir : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». Par cette affirmation, non seulement Jésus évite les deux pièges du dilemme, mais il en profite pour donner un enseignement qu’on l’on pourrait facilement négliger à première vue. Oui certainement est-ce que Jésus affirme que nous devrions payer nos impôts face à nos gouvernements (après tout nous leur remettons ce qui leur appartient; ce sur quoi ils ont mis leur empreinte). Mais plus que cela, qu’est-ce que Jésus veut dire lorsqu’il affirme que nous devrions rendre à Dieu ce qui appartient à Dieu (remarquez ici qu’il y a un parallèle/équivalence claire avec le principe concernant l’impôt à César). J’ai l’impression que cette partie est souvent négligée dans notre compréhension du passage…
De la même manière que César a mis son image sur les pièces de monnaie de l’époque, sur quoi Dieu a-t-il mis son image (qu’est-ce qui appartient à Dieu qui devrions lui redonner)? Pour le lecteur des Écritures, la réponse est bien simple; l’image de Dieu a été imprégnée en chaque être humain :
Genèse 1.27
Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme.
Et contrairement à certaines personnes qui proposent que l’image de Dieu n’ait pas survécu à la Chute, j’aimerais dire que la Bible nous affirme très clairement que chaque être humain continue de porter l’image de son Créateur et de son Roi (malgré que cette image soit maintenant tordue par le péché). Longtemps après la chute, nous voyons Dieu dire ceci à Noé alors qu’Il conclut une alliance avec lui suite au déluge :
Genèse 9.6
Si quelqu’un verse le sang de l’homme, par l’homme son sang sera versé; car Dieu a fait l’homme à son image.
Et plus près de nous, voici ce qu’affirme Jacques dans son épître :
Jacques 3.9
Par elle nous bénissons le Seigneur notre Père, et par elle nous maudissons les hommes faits à l’image de Dieu.
Voyez-vous, Dieu comme Souverain incontesté de l’univers n’a pas choisi de représenter son image sur des pièces de monnaie, mais plutôt Il l’a ancré dans tous les êtres humains. Donc de la même manière que nous sommes appelés à rendre à César ce qui lui appartient, nous sommes ici commandés par Jésus de donner à Dieu ce qui lui appartient; c’est-à-dire tout notre être dans son entièreté!
Dans le cas de Rome, c’était assez facile, car les pièces de monnaie sont extérieures à nous et ultimement elles ne nous appartiennent pas. Si César veut ravoir ce qui est à lui, nous devrions lui redonner sans problème. Mais dans la deuxième partie de l’exhortation de Jésus, chaque personne qui porte l’image de Dieu est appelée à vivre d’une manière cohérente avec le fait qu’elle appartient à Dieu et non à elle-même. Je pense qu’il y a dans notre culture un urgent besoin de réentendre ces vérités fondamentales; même pour les chrétiens. Plusieurs autres passages du NT nous exhortent en ce sens :
Luc 9.23
Puis il (Jésus) dit à tous: Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge chaque jour de sa croix, et qu’il me suive.
Romains 14.7-8
En effet, nul de nous ne vit pour lui-même, et nul ne meurt pour lui-même. Car si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur; et si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur. Soit donc que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes au Seigneur.
1 Corinthiens 6.19-20
Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes? Car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps et dans votre esprit, qui appartiennent à Dieu.
Voyez-vous, le désir de Jésus dans cet enseignement n’était pas premièrement d’enseigner au sujet des impôts humains (malgré que comme chrétien nous ayons une obligation claire d’y participer selon les exigences de nos gouvernements). Mais par cet enseignement, Jésus désire ramener notre focus sur Dieu et sur sa juste exigence de vivre pour lui; non seulement parce que nous sommes à son image et que nous lui appartenons, mais aussi parce que c’est son attente envers le genre humain (c’est pour cela que nous avons été créés!).
Cela semble définitivement prétentieux de présenter une implication aussi élevée; mais dans le cas de Jésus, Il pouvait se permettre de le dire. N’oublions pas que Christ, dans son humanité, a parfaitement incarné les attentes de Dieu envers le genre humain; Il a vécu d’une manière à constamment donner au Père ce qui lui revenait de droit (c’est d’ailleurs pourquoi est-ce qu’Il est appelé le 2ième Adam – la où Adam a échoué, Christ a réussi haut la main!).
En effet, Jésus, durant tout son ministère terrestre, de sa naissance jusqu’à son ascension, a parfaitement vécu son humanité en harmonie avec les attentes du Père (Il a parfaitement porté l’image de Dieu, non seulement parce qu’Il était l’empreinte de Dieu, étant Lui-même Dieu, mais aussi Il était parfaitement l’image de Dieu en ce qui concerne son humanité). En ce sens, le Seigneur pouvait nous exhorter à vivre d’une manière cohérente avec les attentes du Père, mais Il pouvait aussi se présenter à nous comme étant le modèle par excellence! Mais encore plus, non seulement est-ce que Christ nous redirige vers ce but, non seulement est-ce qu’Il incarne cette réalité, mais en Lui, Il nous rend capables de pouvoir l’atteindre :
2 Corinthiens 3.18
Nous tous qui, le visage découvert, contemplons comme dans un miroir la gloire du Seigneur, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur, l’Esprit.
Éphésiens 1.4-6
En lui Dieu nous a élus avant la fondation du monde, pour que nous soyons saints et irrépréhensibles devant lui, nous ayant prédestinés dans son amour à être ses enfants d’adoption par Jésus Christ, selon le bon plaisir de sa volonté, à la louange de la gloire de sa grâce qu’il nous a accordée en son bien-aimé.
Hébreux 13.20-21
Que le Dieu de paix, qui a ramené d’entre les morts le grand pasteur des brebis, par le sang d’une alliance éternelle, notre Seigneur Jésus, vous rende capables de toute bonne œuvre pour l’accomplissement de sa volonté, et fasse en vous ce qui lui est agréable, par Jésus Christ, auquel soit la gloire aux siècles des siècles! Amen!
Donc en cette période des impôts, je t’encourage évidemment à remplir ta déclaration afin de rendre à César ce qui appartient à César. Mais encore plus important, es-tu en train de rendre à Dieu ce qui Lui appartient?
Matthieu Gauthier (B.Th., SEMBEQ) est pasteur à l’Église évangélique d’aujourd’hui, à Bécancour, où il sert depuis 2013. Matthieu et son épouse Catherine ont trois enfants, Thomas, Sara-Jade et Ézékiel. Matthieu poursuit une maîtrise en théologie pastorale au Séminaire baptiste évangélique du Québec.