La contingence absolue et intime: Genèse 1, la création et notre relation avec Dieu

La contingence absolue et intime

Qu’est-ce que la création signifie? En d’autres mots, quelle différence peut-être identifiée à votre perception de vous-mêmes et du monde en lien avec Dieu et la doctrine de la création? 

Le théologien Nicolas Lash écrit, « …pour le scientifique, [ le concept de la création ] semble faire référence à l’établissement des conditions initiales du monde, alors que pour le théologien chrétien, ce concept ne fait que reconnaître la contingence absolue et intime de toute chose. 

La lecture de Genèse 1

Si vous lisez Genèse 1 tranquillement et d’une manière contemplative, vous verrez que l’observation la plus importante et poignante est le fait que Dieu initie et accomplit toute l’action. 

Dieu fait la narration de la création. La seule chose qu’il fait chaque jour se résume à la parole. Cependant, Dieu ne fait pas que parler, mais il divise, produit, orchestre et crée. Le refrain « et cela fut ainsi » fait écho à travers tout le cosmos alors qu’il prend forme en connectant tous les éléments à la parole de Dieu. Le seul et autre sujet de n’importe quel verbe d’action dans tout le chapitre est la terre lorsqu’elle produit la végétation sur l’ordre de Dieu. Il n’y a pas d’autres facteurs. Le constat est bien mesuré, constant, majestueux, grand, égal, formé, grandissant et magnifique.

Jour après jour, le processus créatif transforme le vide et le chaos informe à un cosmos où l’humanité peut demeurer. Tout premièrement, la lumière, ensuite la terre et l’air sont façonnés, créant une bulle ou les hommes peuvent voir, marcher et respirer. Par la suite, les plantes et les animaux sont créés pour pourvoir un environnement qui supporte la vie de l’homme, son travail ainsi que son fleurissement. Quand Dieu crée l’humanité, le narratif ralentit et Dieu prononce une bénédiction sans précédent (1.26-28). Tout le reste de la création est fait selon son genre, mais l’humanité a été faite à l’image de Dieu. Avez-vous déjà remarqué que Dieu nomme des choses de jour 1 à 3, mais qu’il ne nomme rien du jour 4 à 6? Ceci est le royaume sur lequel Adam reflètera sa nature – c’est pour cela que Dieu lui donne la responsabilité de nommer les animaux. Nous sommes le point culminant de la création. 

Le Enuma Elish comme un miroir théologique 

Nous pouvons utiliser l’ancien mythe babylonien de la création, connu sous le nom de « Enuma Elish », comme un miroir théologique pour mieux nous voir et voir Dieu dans Genèse 1. 

Une manière de regarder à cela est de demander qui est le héros dans l’histoire, quel problème il traverse et comment il arrive à le surmonter? Dans l’Enuma Elish, Marduk, le chef dieu de la cité de Babylone, est le héros. Le problème auquel il fait face est que les générations de dieux qui sont nés de la matière primordiale de la terre sont en guerre l’un contre l’autre. La déesse ainée, Tiamat, est déchaînée pour détruire ces descendants (parce qu’ils ont déjà détruit ces ancêtres ainsi que son partenaire). Une guerre s’établit à travers l’univers informe, et Marduk est le seul dieu assez puissant pour défier Tiamat. Marduk tue Tiamat dans un seul combat et ensuite il forme l’univers à partir de son corps. Tout cela a lieu avant la création de l’humanité. Voici la nature de base des choses. Le récit de l’Enuma Elish est réactionnaire : problème, réponse, problème, réponse. La royauté de Marduk est basée sur un pouvoir brutal, clairement conditionné par le fait qu’aucune autre force plus puissante ne se présente pour l’éliminer. 

Le récit d’Enuma Elish et de Genèse 1 illustre la supériorité d’un régime sur toutes les autres forces dans le monde, mais il n’y a aucune guerre ou de difficulté dans Genèse 1. L’univers n’est pas conçu à partir du corps des dieux. Il n’y a pas aucun précurseur ou de rival à Dieu du tout. Il n’y a d’ailleurs aucune problématique, mais tout simplement une initiative émanant de Dieu. Marduk triomphe dans la bataille, mais la puissance de Dieu est plus complète. Son contrôle et sa puissance sont comme un artisan avec de l’argile. Dieu n’est pas un guerrier dans Genèse 1, il est un artiste. 

Suite à la victoire de Marduk, les dieux ont bâti la cité de Babylon pour l’honorer. Toutes les campagnes militaires victorieuses dans le monde ancien ont gagné des esclaves pour les vainqueurs et la création ne démontre point de différence. Marduk couronne ses réalisations avec la brillante idée que les dieux devraient créer une race d’esclaves pour maintenir leurs temples, apporter des offrandes et brûler des bougies pour diffuser une odeur agréable. Comme tout dans l’Enuma Elish, l’humanité est constituée des restants d’un dieu mort, né du sang d’un parvenu exécuté pour ce but. L’ordre créé n’est pas à leur avantage, ils en sont prisonniers. 

Ce n’est point une exagération de dire que l’Enuma Elish décrit la naissance de l’humanité comme le résultat d’un mode de vie compétitif et autodestructeur qui culmine dans une grossesse mal conçue dans l’arrière-salle d’une boîte de nuit sous l’emprise de la conquête. Ces parents divins sont co-dépendants et les enfants apprendront à manipuler et à se débrouiller par eux-mêmes. 

Enuma Elish et Genèse 1 couronnent tous deux l’ordre créé par l’humanité, mais Genèse 1 conduit vers l’humanité comme le point culminant de l’histoire. Les jours de la création représentent la conception délibérée d’un jardin pour l’humanité. Les hommes et les femmes ne sont pas faits à partir du sang d’un rebelle déchu, mais ils sont créés à l’image de Dieu pour refléter sa gloire en régnant sous sa souveraineté divine. Le rôle de l’humanité dans le monde n’est pas de nourrir Dieu et Lui donner à boire – comme s’il avait besoin de nous! – mais de refléter sa gloire et sa souveraineté en régnant sous Lui. Dieu bénit l’humanité, au lieu que ce soit le contraire. 

Apprendre à dire « Dieu a créé le monde » 

D’un point de vue contre-intuitif, nous pouvons observer l’import cosmique de la création si nous le rendons intensément personnel. Imaginez-vous une petite fille de cinq ans qui demande à sa mère, « D’où viennent les bébés? » Maintenant, sa mère pourrait lui donner un compte rendu exhaustif du procédé biologique par lequel nous venons tous à la vie – un sperme et un ovule et les choses que les parents doivent faire pour les unir ensemble – suivi par neuf mois de gestation dans le liquide amniotique qui est la mer primordiale de l’utérus. Même si cette information est vraie, cette narration n’est décidément pas la chose la plus importante que nous voulons que nos enfants sachent. Cette histoire n’aurait pas vraiment de sens pour cette petite fille puisqu’elle ne répondrait pas réellement à la question plus profonde qu’elle demande. 

Certes, la mère pourrait répondre en racontant à la petite fille la vieille légende de la cigogne qui amène le bébé et qui le dépose dans le berceau. Pareillement, cette histoire est toujours insatisfaisante et pire encore, elle n’est pas du tout vraie, alors elle érode la confiance. Si cette petite fille croit à cette histoire étant petite, elle aura à la désapprendre plus tard. 

Et si la mère répondait comme ceci? Lorsqu’une mère et un père s’aiment, parfois Dieu décide de leur donner un cadeau. Dieu prend ce cadeau et il le place à l’intérieur de la mère, juste sous son cœur. Ensuite, Dieu, la mère et le père veillent sur ce cadeau qui grandit et qui grandit. Quand il est finalement prêt à voir le jour, alors Dieu retire le bébé de sa maman et le place dans ses bras. 

Maintenant, cette histoire aura du sens pour cette petite fille et en plus, elle saura répondre à la question que la fille se pose vraiment, « D’où est-ce que je viens? », « Quel est mon lien par rapport à toi? ». Mais plus que ça, cette histoire est véridique. Genèse 1 nous enseigne à dire « Dieu a créé le monde » de la même manière que nous enseignons à nos petits enfants à dire « Dieu m’a créé ». Voici une manière d’affirmer la contingence absolue et intime de l’humanité au sein de la création, à la fois individuellement et collectivement sur Dieu. (cf. Ps 139 :1, 13-14, 16).

Jean Calvin a écrit en quelques mots cette belle application : 

Et donc nous pouvons déduire que ce qui était la fin pour laquelle toutes choses ont été créées; à savoir qu’aucune des commodités et des nécessités de la vie ne peut manquer aux hommes. Dans l’ordre même de la création, la sollicitude paternelle de Dieu pour l’homme est visible parce qu’il a fourni au monde tout ce qui était nécessaire et même une immense profusion de richesses avant d’avoir formé l’homme. Donc, l’homme était riche même avant qu’il ne soit né… Nous sommes donc instruits à rechercher uniquement de Dieu ce qui est nécessaire pour nous, et dans l’utilisation même de ces dons, nous nous devons de nous exercer en méditant sur sa bonté ainsi que son soin paternel. 


Seigneur, enseigne-nous à confesser que ce monde est le tien, que tu l’as fait et que tu nous as fait dans celui-ci. Tu nous aimes, tu prends soin de nous et nous vivons dans ta présence. Apprends-nous à nous appuyer sur ta bonté et ton soin paternel – à chercher en toi seul ce dont nous avons besoin. Que nous puissions nous voir seulement à la lumière de qui tu es.


Cet article a été initialement publié dans la série Splintered Light. La traduction est publiée ici avec permission.

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Alex Kirk est un partenaire ministériel de Training Leaders International, professeur invité d'Ancien Testament à la William Tennent School of Theology et doctorant en théologie et religion (Ancien Testament / Bible hébraïque) à l'Université de Durham. Il enseigne partout dans le monde et écrit un bulletin mensuel sur la vie, le ministère et les Écritures appelé SPLINTERED LIGHT. Alex et sa femme, Meghan, vivent dans le nord-est de l'Angleterre avec leurs trois filles.