Si vous avez déjà essayé de lire à travers le livre de Proverbes d’un seul coup – honnêtement – c’était probablement une expérience ennuyante. Un verset après l’autre de dictons, alternant entre ce qui est évident et ce qui est obscur, fâchant et intrigant, sans contexte ou application claire. Si vous avez l’impression de ne pas recevoir la pleine valeur du livre de Proverbes en le lisant de cette manière, vous n’avez pas tort. Dans mes derniers articles1, j’ai présenté des concepts qui appuient les Proverbes, et maintenant, en conclusion, j’aimerais offrir quelques stratégies pratiques pour la lecture. Dans ces deux prochaines publications, nous allons en regarder trois. Nous avons besoin de (1) peser les lignes, (2) raconter une histoire, et (3) garder les thèmes en perspective.
Rappelez-vous qu’un des buts de la croissance en sagesse est, en réalité, d’être capable de comprendre les proverbes:
Proverbes 1.5-6
Que le sage écoute, et il augmentera son savoir,
Et celui qui est intelligent acquerra de l’habileté,
Pour saisir le sens d’un proverbe ou d’une énigme,
Des paroles des sages et de leurs sentences.
Les Proverbes sont souvent comme des énigmes, des casse-têtes, avec lesquels il faut s’asseoir patiemment jusqu’à ce qu’ils se dévoilent. Ce sont de la poésie, mais non pas le même genre de poésie avec laquelle vous êtes habitués. Un proverbe est comme l’essence embouteillée de poésie biblique – une paire de lignes bourrées de jeux de mots, d’images, de fausses pistes, et de punchlines. Les Proverbes ne donnent pas leur message facilement. Comme un nœud mêlé bien serré, il se peut que vous deviez travailler un proverbe pour un temps avant de le démêler. Mais pendant que vous tirez dessus, le proverbe est en train de tirer sur vous. La forme même du proverbe fait partie de la stratégie pour vous rendre sage.
Pesez les lignes
La poésie biblique est caractérisée par une paire de lignes qui se font écho d’une variété de manières. Cette caractéristique de lignes doubles de la poésie biblique forme la rhétorique du livre des Proverbes. La relation entre les lignes et la manière dont ils agissent entre eux est souvent ce qui donne la morale. Les deux lignes du proverbe doivent être « pesées » l’une contre l’autre. Qu’est-ce qui les unit? Qu’est-ce qui les distingue? Qu’est-ce qui est plus important : les différences, ou les similarités?
Quelques proverbes se développent à partir d’une comparaison frappante:
Prov 10:10
Celui qui cligne des yeux est une cause de chagrin,
Et celui qui est insensé des lèvres court à sa perte.
D’autres proverbes présentent un contraste clair:
Prov 10:12
La haine excite des querelles,
Mais l’amour couvre toutes les fautes.
D’autres encore développent une idée à travers les deux lignes:
Prov 10:22
C’est la bénédiction de l’Éternel qui enrichit,
Et il ne la fait suivre d’aucun chagrin.
Ce genre de parallélisme se prête à des dichotomies – justes/méchants, sages/insensés, riches/pauvres, jeunes/vieux (10.1-4). Ces dichotomies sont souvent stéréotypées, noir et blanc, et orientées vers l’action. Dans Proverbes, les actions des gens révèlent leur caractère. Ces lignes nous donnent des parallèles qui séparent vraiment les gens en différents camps afin de nous aider à voir les choses de façon plus claire et faire les bons choix. Vous pourriez les considérer comme étant des illustrations textuelles des métaphores de « deux chemins » ou « deux manières de vivre » qui sont développées dans Proverbes 1-9. Une stratégie aidante pour peser les lignes, c’est de réécrire un proverbe dans vos propres mots pour en faire ressortir la morale ou le principe de manière plus claire.
Finalement, bien des proverbes jouent avec ces conventions de poésie, images et stéréotypes pour vous pousser à penser de manière profonde :
Prov 11:16
Une femme qui a de la grâce obtient la gloire,
Et ceux qui ont de la force obtiennent la richesse.
Ce n’est pas évident de savoir si ce verset est en train d’établir une comparaison ou un contraste. Une femme qui a de la grâce et des hommes qui ont de la force (ou des hommes violents) sont clairement un contraste (femelle/mâle, singulier/pluriel, grâce/force ou violence), mais l’honneur et la richesse sont tous les deux de bonnes choses, n’est-ce pas? Est-ce que ce verset essaie de défier notre point de vue positif concernant la richesse en l’associant avec la violence et le mettant en contraste avec l’honneur? Ou est-ce que ce verset essaie de nous montrer quelque chose concernant la nature brisée de ce monde – qu’autant la grâce et la violence ont leurs récompenses? Ou est-ce qu’il y a un contraste implicite dans le mot « obtient » – cela signifie quelque chose de différent d’obtenir de l’honneur qu’obtenir des richesses? L’une des choses peut être saisie, mais l’autre doit être reçue? Est-ce que ça veut dire que le proverbe suggère une différence de qualité entre les sortes de récompenses? Si on pense à toute la communauté, la femme qui a de la grâce reçoit sa récompense de la part de la communauté parce qu’elle l’a enrichie, mais les hommes violents prennent leur récompense de la communauté et la rendent plus pauvre.
Ce proverbe crée tout un réseau d’interprétation. Sa signification se trouve dans la relation entre les lignes, mais seulement si ça devient clair pour nous dans le contexte de la vraie vie.
Raconter une histoire
Vous voyez, les proverbes ne sont pas vraiment des vérités éternelles, ils sont plutôt des potentialités. Il y a une plaisanterie fameuse que « un proverbe dans une collection est mort » (Wolfgang Mieder, cité dans Clifford 2009, 243)2. Enlignés comme des bibelots sur une tablette, ces dictons peuvent sembler banaux, même vides. Les proverbes ne s’appliquent pas dans l’abstrait. Ils s’appliquent seulement dans des particularités de situations de la vraie vie.
La Bible même nous montre comment les proverbes fonctionnent, puisque nous trouvons occasionnellement des proverbes à l’intérieur des histoires. Je pense que l’histoire de David et Saül dans 1 Samuel 24 est le meilleur exemple de ceci. Dans le verset 14, David dit, « ‘Des méchants vient la méchanceté’, dit l’ancien proverbe. » À première vue, le proverbe de David est insipide – une tautologie – mais dans le contexte de l’histoire ça transperce l’âme et l’esprit.
Saül a dédié sa vie à voir mourir David. Vous voyez, Saül avait perdu son droit à la royauté en désobéissant ouvertement à la parole de l’Éternel et David a été oint comme roi sur Israël à sa place (1 Samuel 15). Le fait même que David respire est une menace existentielle pour Saül. Et Saül a pris les choses entre ses propres mains. David, pour sa part, démontre plusieurs fois qu’il prend l’onction de l’Éternel – le sien et celui de Saül – avec beaucoup plus de sérieux que ne le fait Saül.
Dans 1 Samuel 24, David est poursuivi depuis longtemps déjà. Avec sa bande de partisans engagés, il vit sur les bords, dans le désert, se cachant dans des cavernes et évitant Saül. Pendant qu’il chasse David, Saül se détient pour se rafraichir dans l’ombre d’une caverne. Plus profondément dans l’ombre, David s’est abrité avec ses hommes. Pendant que Saül est assis avec le pantalon baissé, David se faufile et coupe un morceau de son vêtement. Quand Saül et sa troupe montent sur leurs chevaux pour partir, David les appelle depuis l’ouverture de la caverne:
1 Sam 24:9, 12-14
… « Ô roi, mon seigneur!! » … « Vois, mon père, vois donc le pan de ton manteau dans ma main. Puisque j’ai coupé le pan de ton manteau et que je ne t’ai pas tué, sache et reconnais qu’il n’y a dans ma conduite ni méchanceté ni révolte, et que je n’ai point péché contre toi. Et toi, tu me dresses des embûches, pour m’ôter la vie! L’Éternel sera juge entre moi et toi, et l’Éternel me vengera de toi; mais je ne porterai point la main sur toi. Des méchants vient la méchanceté, dit l’ancien proverbe. Aussi je ne porterai point la main sur toi. »
Le proverbe de David prend un sens tandis qu’il fait un point profond concernant son propre caractère en contraste à celui de Saül. Saül, évidemment, essaie de tuer David, mais David, quand il avait ce que quelques-uns pourraient considérer comme étant une occasion donnée de Dieu, n’a pas tué Saül. Avec le vêtement de Saül dans sa main, le proverbe de David démontre son caractère. S’il était vraiment méchant, n’aurait-il pas planté un couteau dans le cœur de Saül sans hésitation?
Le message de David bouleverse Saül.
1 Sam 24:17-18
« Et Saül éleva la voix et pleura. Et il dit à David: « Tu es plus juste que moi; car tu m’as fait du bien, et moi je t’ai fait du mal. » »
Le proverbe évident et peu inspirant de David tombe ici comme une foudre. Les proverbes sont comme des éclairs de brillance qui nous aident à voir la vraie nature de notre monde dans le moment. Ou, pour utiliser une métaphore un peu différente, ils sont comme des lentilles qui aident à focaliser le caractère du monde. Les proverbes ne sont pas des promesses ni même des vérités éternelles, ils sont des potentialités qui attendent à être amenés à la vie pour clarifier les morales ou les vérités dans une situation complexe.
Sans avoir une histoire pour les faire vivre, ce n’est pas toujours évident de savoir ce qu’un proverbe signifie. Afin d’obtenir le sens d’un proverbe, il faut les réanimer en racontant une histoire ou en se rappelant une situation de la vie où le proverbe pourrait s’appliquer. Quand vous rencontrez des proverbes évidents ou déconcertants, demandez-vous, « Quand est-ce que ceci m’a paru vrai? » ou « Dans quel genre de situation serait-ce utile de me rappeler de ceci? » Pouvez-vous mettre de la chair sur les os du proverbe et y respirer de la vie afin que ça puisse se promener?
Seigneur, ta parole chasse la morosité de nos vies et de nos cœurs. Elle nous aide à voir les choses telles qu’elles sont réellement. Aide-nous à avoir une vision de cette vie qui soit éclairée par ta parole. Aide-nous à revenir toujours à toi, car où d’autre pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle.
Cet article a été initialement publié dans la série Splintered Light. La traduction est publiée ici avec permission.
- Voir les articles « À qui les Proverbes sont-ils destinés ? », « La crainte + le Seigneur : un regard sur Proverbe 1.7 », et « Que fait le livre des Proverbes ? ». ↩
- Clifford, Richard J. 2009. « Reading Proverbs 10-22. » Interpretation 63. ↩
Alex Kirk est un partenaire ministériel de Training Leaders International, professeur invité d'Ancien Testament à la William Tennent School of Theology et doctorant en théologie et religion (Ancien Testament / Bible hébraïque) à l'Université de Durham. Il enseigne partout dans le monde et écrit un bulletin mensuel sur la vie, le ministère et les Écritures appelé SPLINTERED LIGHT. Alex et sa femme, Meghan, vivent dans le nord-est de l'Angleterre avec leurs trois filles.