Je suis un évangélique. Ce mot évangélique signifie souvent beaucoup plus que ce que je veux dire, ou bien pratiquement rien du tout pour bien des gens. Par évangélique, je veux dire surtout que j’adhère à la centralité de l’évangile et l’autorité des Écritures dans le sens large qui a été émis par la Réformation Protestante en Europe.
Toutefois, quelques-uns à l’intérieur ou à l’extérieur de ce mouvement maintenant nébuleux sont tombés dans des manières de penser qui ne représentent simplement pas la manière dont je comprends ce que cela veut dire d’être évangélique.
D’un côté, des chrétiens ont essayé de progresser au-delà des croyances traditionnelles du passé. Quelques-uns vont au-delà des croyances chrétiennes concernant l’autorité des Écritures, une sexualité basée dans la révélation biblique et naturelle, et une multitude d’autres idées.
De l’autre côté, quelques-uns ont tellement rétréci l’ampleur de la fidélité chrétienne qu’ils deviennent virtuellement divisifs. Si un évangélique ne peut pas s’associer avec ceux qui diffèrent sur des questions importantes mais néanmoins secondaires (ex. les dons spirituels, la manière de baptiser, les réponses à la pandémie, etc.), alors nous avons cessé de saisir ce que cela veut dire de baser notre communion autour de l’Évangile de Jésus-Christ.
Ce groupe étroit – ceux qui rendent de plus en plus étroit l’ampleur de leur fidélité chrétienne à quelques assemblées seulement – représente ce que j’appellerais la droite fondamentaliste.
En disant fondamentaliste, je ne veux pas dire le Fondamentalisme du début du vingtième siècle. J’utilise le mot de manière familière. En effet, par le mot « fondamentalisme », je veux dire ces gens avec des tendances divisives qui veulent couper l’association avec des chrétiens qui n’adhèrent pas à leurs convictions concernant des questions secondaires ou tertiaires.
L’énergie divisive
Dans notre contexte, la pression du marché aussi bien que la culture théologique a tendance à créer des groupes avec une énergie divisive. La pression du marché fomente la division parce qu’à moins qu’une personne invente une bataille pour la « vérité, » alors cette personne ne peut pas galvaniser sa tribu, ne peux pas vendre des billets pour ses conférences, et ne peux pas vendre ses livres et ses media.
Pour le dire tout court, il faut s’attaquer aux moulins à vent pour avoir des suiveurs et survivre financièrement. Comme T.T. Shields a dit à Martyn-Lloyd Jones, « Sais-tu, chaque fois que je me permets ce que tu appelles une de ces « batailles de chien, » les ventes du Gospel Witness vont en montant. Qu’est-ce que tu en penses?
En termes de culture théologique, un vide perçu de forts leaders parmi les évangéliques a laissé la place pour que des personnalités agressives gagnent des partisans. La personnalité la plus forte, les dénonciations les plus dires, et la rhétorique la plus extrême contre les autres – cela crée des partisans. Ça perpétue l’idée qu’une personne demeure fidèle seulement si elle est impliquée dans la controverse.
Pour plusieurs, la bataille les fait sentir vivants. Et sans bataille, il n’y a aucun sentiment. Ils s’appuient sur leurs passions et leurs désirs pour confirmer leur foi. S’ils se sentent enflammés, ils vivent. S’ils accomplissent ce qu’ils désirent et reçoivent la louange de la part de ceux de leur camp, ils sont fidèles. Et un tel comportement attire la foule. Martyn Lloyd-Jones a expliqué, « J’ai toujours remarqué que s’il y a une bataille de chien, la foule se rassemble; cela ne me surprend pas. Les gens aiment ce genre de chose. »
Toutefois, c’est un piège. Paul explique, « Faites donc mourir ce qui, dans vos membres, est terrestre, la débauche, l’impureté, les passions, les mauvais désirs, et la cupidité, qui est une idolâtrie. » (Colossiens 3.5 NEG). L’intensité passionnée de certains ministères polémiques nous dit plus concernant ce qui est terrestre en eux que ça dit concernant un ministère fidèle. La passion polémique « est une idolâtrie. »
Être confiant sans être un abruti
Comment, donc, pouvons-nous parler clairement au sujet de la vérité de Dieu sans tomber dans le piège des attitudes et des actions que nous venons de décrire? Il faut qu’il y ait un moyen d’être confiant dans la vérité sans être un abruti à ce sujet. Cette confiance de parler tout haut ne peut pas être la propriété unique des diviseurs fondamentalistes.
Nous nous sommes vus attrapés entre les pressions de maintenir l’unité de la foi tout en reconnaissant le besoin de parler avec une confiance franche (Éphésiens 4.13,15). Quelquefois nous avons la hardiesse de parler contre des formes progressives du christianisme. Nous décrions le comportement de ceux qui sont en dehors de nos milieux.
J’ai l’impression, toutefois, que nous avons trop peur de parler avec confiance contre les fondamentalistes divisifs qui existent souvent très près de nos associations. L’idée semble être que si nous restons tranquilles assez longtemps, le problème s’en ira. Ou ils se joindront peut-être à nous.
La chose est : ayant lu une histoire après l’autre de chrétiens durant ces 2000 années qui se sont écoulées, je n’ai jamais vu que cette stratégie ait fonctionné. Dans la Deuxième Guerre Mondiale, Neville Chamberlain a dit cette phrase fameuse, « Nous aurons la paix dans notre époque. » Il avait tort. Apaiser ce qui ne peut pas être apaisé, ne fonctionne jamais. Tu donnes un pouce, ils prennent un mille.
Ceux de nous qui tenons fermes à l’inerrance des Écritures et de l’Évangile de Jésus-Christ, devons trouver le moyen de le faire sans la rhétorique acérique mordante du fondamentalisme moderne. Ce ne sont pas eux seuls qui ont le droit de parler avec confiance au sujet de la vérité.
Et cette confiance, combinée avec l’amour de Dieu répandu dans nos cœurs est importante (Romains 5.5). Nos âmes sont en jeu. Dans la même conversation citée ci-haut, T.T. Shields a salué l’œuvre polémique de Joseph Parker, en disant : « Tu es sûrement aidé par sa manière d’écraser les libéraux? »
« Non, je ne suis pas aidé, » (Martyn Lloyd-Jones) a répondu. « Tu peux écraser les libéraux par tes arguments et en même temps être troublé dans ta propre âme. »
Nous ne voulons pas écraser nos propres âmes dans le but de détruire les libéraux ou ceux que nous pensons se sont compromis. Nous devons trouver la manière de faire un pont entre la foi confiante et un cœur plein d’amour.
Dans un autre article, j’ai exposé une fondation biblique pour faire justement cela (cliquer ici pour le lire). Mais pour le moment, je vous offre cet article pour réfléchir sur ce que ça veut dire d’être confiant dans la vérité sans être un abruti. C’est possible. Par l’Esprit de Dieu, nous pouvons le faire.
Cet article a été initialement publié sur The Gospel Coalition Canada. La traduction est publiée ici avec permission.
Wyatt Graham (PhD., Southern Baptist Theology Seminary) est le directeur général de TGC Canada. Vous pouvez le suivre sur Twitter à @wagraham.