Cette année marque le dixième anniversaire du moment le plus bas dans ma vie jusqu’ici.
En 2012, étant toujours dans nos vingtaines, ma femme et moi avons passé par un burnout après quelques années intenses de ministère parmi les étudiants sur le campus. Cette année-là, j’ai aussi perdu ma mère dû au cancer. Nous avons lutté pour faire du sens à ce qui se passait en nous. Il y avait un épuisement émotionnel profond, comme si toutes nos réserves d’énergie émotionnelle étaient épuisées. Mais ce qui me déprimait le plus était la noirceur spirituelle, l’évaporation des affections spirituelles, l’engourdissement en ce qui concerne les choses de Dieu.
Dans un sens, nous étions simplement sur le sentier bien rodé que tant de chrétiens ont suivi avant nous : le sentier de la souffrance et de la nuit obscure de l’âme. Mais même le fait de savoir cela donne seulement un réconfort limité. L’expérience est profondément déroutante et terrifiante.
La vallée
J’ai récemment repassé quelques bouts d’écriture que j’ai trouvé sur un vieux disque dur que j’avais, et j’ai trouvé quelque chose que j’ai écrit au milieu de cette saison obscure de 2012. Ça capture l’essence de cette expérience-là. J’ai pensé que j’en partagerais une partie ici, ensemble avec trois leçons importantes qui ont été la conséquence de cette période-là de ma vie.
10 juin, 2012
Le silence de Dieu est assourdissant.
L’enfant est commotionné, désorienté. Ses bras sont tendus, mais ils atteignent seulement une froideur là où autrefois il trouvait la chaleur. Marche dans cette direction, guidé par la foi, la raison, l’expérience, et avance sur rien du tout. Marche sans rien n’atteindre. Confus, il se tourne dans une autre direction. Essaie n’importe quelle direction que tu veux et marches jusqu’à ce que tu n’aies plus ni force ni nerfs, jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une névrose crue. C’est quoi, cet abandon?
La Parole me remettra sur le bon chemin. Elle gardera mon chemin pur, sera une lampe à mes pieds. Sûrement. Elle sera une lumière pour moi dans cette noirceur. Montre-moi les grandes vues de nouveau, les chaînes de montagnes et les collines et les couchers de soleil incroyables qui sont devenus vivants pour moi à mesure que je recevais cette Parole.
Mais c’est quoi, cette tromperie? Même la grande Épée est devenue émoussée pour moi. Elle ne coupe pas à travers cette peau épaisse, ne partage plus jointures et moelles ni est-ce qu’elle expose les pensées de mon cœur. Les mots courent tous ensemble et se fondent sur la page, se mélangeant ensemble dans une soupe sans goût. Même mes textes bienaimés, mes citernes crevassées, mon cœur trop chargé et fatigué, ma grande rédemption, sont devenus tellement intolérablement familiers, tellement bien connus, et ne peuvent pas être découverts de nouveau.
Chaque mot a été lu, et rien de brille avec du renouveau. « Tu peux aussi bien t’en détourner, puisque le plus que tu attends, le plus emphatique devient le silence, » comme le dit si bien C.S. Lewis.
L’athéisme ne me fait pas peur, et en réalité ne m’attire pas. C’est peut-être différent pour d’autres, mais pour moi, ce ne serait qu’un voile mince pour excuser mon indulgence dans chaque désir imaginable de mon cœur; une grande justification pour le péché et la rébellion. Non, ma crainte n’est pas de l’athéisme, mais du christianisme fade, sans vie. Jamais ravivé, jamais renouvelé, seulement une attitude grasse et confortable, soupçonneux de « toute cette émotion » dans les autres. Que Dieu me tue, avant.
Mais plutôt, soit vrai, et rencontre-moi dans ma détresse.
Des leçons durement apprises
L’aube a pénétré ma noirceur tranquillement, de manière presque imperceptible – semblable à la manière que les enfants grandissent d’un jour à l’autre – jusqu’à ce que j’aie regardé en arrière après un an ou deux et je me suis rendu compte combien de choses avaient changé. En 2015 je m’établis dans une bonne église dans une nouvelle ville. J’ai même eu l’occasion de diriger l’adoration et prêcher de nouveau – des expressions de ministère public qui, dans les profondeurs de cette vallée-là, je n’avais pas osé croire que je pourrais faire de nouveau.
En regardant en arrière une décennie plus tard, je trouve trois leçons qui en ressortent – des leçons qui pourraient aider d’autres, qu’ils soient en train de souffrir comme je souffrais, ou qu’ils cherchent à servir de telles personnes.
1. Ne te laisse pas diriger ou guider par tes sentiments.
La présence palpable de Dieu est précieux, mais pas impératif. Nous pouvons, et devons, apprendre à obéir à notre Seigneur même quand il semble distant. Ceci a été une leçon difficile et nécessaire à apprendre. Dans ma marche chrétienne, et spécialement dans ma lutte contre le péché. J’ai appris qu’il y a une douceur spéciale dans ce genre d’obéissance. Les paroles de Tite 2.11-12 ont pris vie pour moi dans cette saison-là. Paul écrit que la grâce de Dieu nous enseigne « à renoncer à l’impiété et aux convoitises mondaines, et à vivre dans le siècle présent selon la sagesse, la justice et la piété. »
L’idée que Dieu était en train de m’enseigner à travers une saison sombre et difficile, était drôlement encourageante. Mes sentiments, qu’ils soient bons ou mauvais, ne changeaient pas ce que j’avais à faire, c’est-à-dire renoncer au péché et vivre dans l’obéissance. Je croyais toujours, n’est-ce pas? Donc, peu importe comment je me sens, continuons avec la prochaine chose que Dieu m’a donnée à faire, que ce soit d’être un employé travaillant et honnête, ou un bon père et mari fidèle.
Que les sentiments viennent et partent comme ils veulent – mais ne te laisse pas guider ou diriger par eux.
2. Dieu n’a pas besoin que je fasse (ou que tu fasses) de grandes choses.
L’approche à la vie chrétienne de “fais de grandes choses pour Dieu” est formidable jusqu’à ce que ça devienne la matraque que Satan utilise pour te frapper. Comme jeune adulte orienté vers le ministère, j’avais absorbé des grandes visions de missions qui transformant le monde et des possibilités de ministère qui étaient devenu la nourriture régulière servie dans les conférences de Passion au début des années 2000.
Pour être clair, je me réjouis du fait que Dieu utilise certaines personnes de manières extraordinaires, et je pense que tout chrétien fidèle devrait être ouvert à être utilisé de n’importe quelle manière que Dieu a ordonnée. (Éph. 2.10). Mais il y a un manque d’équilibre dans la manière que ceci a travaillé dans mon cœur. J’avais passé ces dernières années avec un genre d’énergie frénétique avec laquelle je cherchais à remplir mes jours et mes semaines avec des ministères divers. Le jeu s’appelait l’efficacité, et maximiser mon impact.
Mais quand je me suis trouvé sans les ressources émotionnelles et spirituelles pour pouvoir continuer dans un leadership visible, mon sens d’identité était menacé. Si je n’étais pas le gars qui mène, qui enseigne, et qui sert de mentor, alors qui étais-je? La réponse à cette question existentielle m’est venu de quelque chose que j’ai entendu dire par le feu David Powlison. Ça m’a frappé comme une massue. Il a dit que si tu veux savoir si ton ministère est devenu une idole dans ta vie, imagine le scenario suivant : à cause d’une circonstance imprévue et hors de ton contrôle, ta seule option vocationnelle est de laver le plancher dans un McDonald. C’est un bon travail honnête, et tu rends le monde plus propre, et tu es toujours un enfant de Dieu. Pourrais-tu être satisfait avec ça?
Loin d’être un scenario hypothétique, mon échec à entrer dans un ministère vocationnel ma obligé à lutter avec cette même question d’une manière très réelle. Éventuellement, quelque chose de pourrie à l’intérieur de mon cœur devait mourir avant que je me sente vraiment en paix avec le prospect d’une vocation qui ne soit pas dans le ministère. Je devais apprendre que l’obéissance quotidienne non spectaculaire plaisait autant à mon Seigneur que le ministère public – et beaucoup mieux pour moi dans certaines manières. Je crois qu’un ministère public peut seulement être bâti sur cette base.
En regardant autour au panorama du ministère, et en observant mes amis et mes connaissances qui servent dans divers rôles, il me semble que ceci est une leçon que Dieu a la tendance à enseigner à ses sous-bergers d’une manière ou d’une autre, tôt ou tard. Et comme toutes les leçons que j’ai apprises, j’ai besoin d’un rappel de temps en temps.
3. Ne t’éloigne pas du troupeau, mais cherche ceux qui comprennent.
En partie parce que nous avions déménagé vers une nouvelle région durant cette saison obscure, cela nous a pris du temps à connecter avec une église locale. En le faisant, c’est devenu clair que ce n’est pas tout le monde qui sait comment traiter avec les souffrances des autres. En effet, quelques personnes bien voulantes ont dit des choses qui ne sont vraiment pas aidantes. Ce qui m’a vraiment servi dans ces jours, étaient les paroles écrites de ceux qui avaient passé par ces ténèbres avant moi et qui pouvaient servir comme guides.
Qui étaient ces guides? J’en mentionnerai deux : un ancien et un contemporain. Le premier, et principal, était Richard Sibbes et son œuvre classique, The Bruised Reed. Rien ne m’a aidé à comprendre le cœur de Dieu envers l’humble saint, autant que son exposition de quelques versets dans Ésaïe 42. Cela a parlé directement à mon état découragé, en appliquant l’amour patient de Christ à mes blessures. La version que j’avais, un petit livre de poche, a eu beaucoup d’usage et je le recommande fortement.
Si le premier guide était pastoral et didactique, le deuxième était artistique et indirect : le roman Gilead, par Marilynne Robinson. Je ne suis pas certain de pouvoir expliquer exactement comment cela a répondu à ce que je ressentais, mais quelque chose dans la prose de ce roman spécial était comme un baume pour mon âme. Et c’était encore plus significatif pour moi puisque c’était ma mère qui me l’avait premièrement recommandé et m’avait prêté sa copie. Quoiqu’elle fût partie, elle m’a encore fait du bien.
Finalement, et plus important, il y avait une personne qui, à part de ma femme, a fait plus pour m’aider que personne d’autre : mon mentor, Marvin Brubacher. Son doux encouragement, sa fidélité en priant pour moi, sa confiance que Dieu pouvait remettre les morceaux ensemble, bien, c’est au-delà de ce que je peux décrire suffisamment en paroles. Il était prêt à s’asseoir avec moi dans la noirceur pour un long temps, et c’est une chose rare. De moindres hommes auraient passé à des prospects plus prometteurs comme disciples et leaders, longtemps avant. Ça me donne des frissons à penser où je serais aujourd’hui sans sa voix dans ma vie durant la dernière décennie.
Tout chrétien a besoin d’être en communauté. Mais le chrétien qui souffre, a aussi besoin de la présence douce et des paroles des saints qui ont déjà marché à travers la vallée ténébreuse. Si tu es en train de souffrir, cherche une telle personne; si tu as déjà souffert, cherche pour trouver ceux qui sont en train de passer par ce que tu as vécu (2 Corinthiens 1.3-4).
Conclusion
En regardant en arrière, je suis reconnaissant pour tout, même si une grande partie était misérable. Dieu m’a discipliné et formé dans des manières que je ne savais pas que j’avais besoin. Je peux seulement emprunter les paroles des écrivains des psaumes: « Il m’est bon d’être humilié, afin que j’apprenne tes statuts » (Psaume 119.71); et « Du sein de la détresse j’ai invoqué l’Éternel: L’Éternel m’a exaucé, m’a mis au large » (Psaume 118.5).
Cet article a été initialement publié sur The Gospel Coalition Canada. La traduction est publiée ici avec permission.
Phil Cotnoir
Phil Cotnoir est un mari, un père de quatre enfants, un lecteur avide, un rédacteur et un éditeur indépendant. Il est diplômé de Heritage College & Seminary (B.Th) et a servi comme ancien dans son Église locale près de Montréal. Il travaille dans le monde de l'automatisation industrielle et tient un blogue à www.philcotnoir.com.