Il y a quelques mois, mon fils a sorti un vieux bulletin d’église plié de la poche de sa veste : 23 février 2020. C’était le bulletin d’un des derniers dimanches que nous avions assisté à l’église de manière présentielle avant la pandémie.
Un des derniers dimanches où je m’étais assise sur un banc en bois, avec le soleil qui brillait à travers des vitraux de notre sanctuaire du 19e siècle au centre-ville de Toronto. Un des derniers dimanches où nous nous sommes glissés dans notre rangée familière, en retard, faisant signe de tête à Becky et Rob, à Janey et Jung. Un des derniers dimanches où nous avons fait taire notre plus jeune durant la communion, passant le cabaret de petits biscuits sans gluten et de jus de raisin au-dessus de sa tête.
Durant ces quinze derniers mois, notre église, comme beaucoup d’autres, ne s’est pas réuni de manière constante pour le culte hebdomadaire. Quand nous avons annulé les réunions, nous avons voulu nous soumettre aux autorités gouvernementales. En restant chez nous, nous avons voulu aimer nos voisins aussi.
Merci Seigneur, un grand nombre parmi nous sommes maintenant permis d’y retourner : à nos bancs en bois (et chaises pliantes); à nos vitraux (et gymnases d’école); à nos enfants agités et notre repas de l’évangile.
Le rassemblement physique du peuple de Dieu est essentiel à la vie de discipulat chrétien. Quand nous lisons le dixième chapitre de l’épître aux Hébreux, il semble qu’une des manières primordiales dans laquelle nous « retenons fermement la profession de notre espérance » (v.23) et nous « veillons les uns sur les autres, pour nous exciter à l’amour et aux bonnes œuvres » (v.24) est de nous asseoir l’un à côté de l’autre, dimanche après dimanche, et repassons ensemble la vraie histoire du monde. Ensemble, nous nous rappelons que le monde est brisé à cause de la rébellion humaine. Ensemble, nous proclamons qu’il est renouvelé par le moyen de l’œuvre terminée (et encore à venir) de Christ.
Au moins la moitié de cette histoire a été rendue plus réelle durant notre année de pandémie et les crises de maladie, de mort, de bouleversement social, de familles brisées, et de solitude. Après 2020, on n’a pas besoin de nous convaincre que le monde a besoin d’être secouru. Mais la fin avec espérance de l’histoire du monde? Ceci est plus difficile de voir, quelque chose de plus difficile à croire. Ça exige la foi, ce qui est encore une raison de plus pour laquelle le rassemblement des chrétiens est si nécessaire.
À l’église, nous croyons, chacun, les uns pour les autres.
Je peux penser à bien des fois où je me suis trainée à l’église dans les années passées, fatiguée par ma semaine, et abattue par de mauvaises nouvelles. Je me suis assise dans un banc, aussi maussade que Jonas. Mais alors Gwen prie en avant. Alors David se penche sur le piano. Alors Ezra chante très fort, trois bancs derrière moi, tandis que sa mère a l’air gênée. La Bible est ouverte, l’Évangile est prêché, et Dan soulève le pain une fois de plus pour proclamer, « le corps de Christ, brisé pour vous. »
L’espérance me calme comme un ballast – et comme l’écrivain de ce vieux cantique dit, « Je n’ai rien à craindre, mes lendemains sont assurés. »
Pour ceux parmi nous qui pouvons retourner à l’église, ça ne sera pas facile. Quelques-uns parmi nous auront peur. Nous rendant à l’église (où les protocoles importants de sécurité sont en place), nous avons encore besoin de nous confier en Dieu qui nous appelle à nous réunir. Nous devons croire que quelque chose se passe dans ce rassemblement physique de l’église qui ne peut pas être reproduit virtuellement ni obtenue par médiation à travers d’un écran.
Mais la peur ne sera pas notre seul obstacle pour retourner à l’église. Pour beaucoup parmi nous, nous trouvons cela difficile surtout parce que nous en avons perdu l’habitude. Ce qui est important, c’est le mot que l’écrivain d’Hébreux utilise dans le dixième chapitre : « N’abandonnons pas notre assemblée, comme c’est la coutume de quelques-uns » (10.25). Ce mot nous rappelle à quel point nos vies spirituelles, autant individuelles que collectives, dépendent des rythmes et de routines. Ça nous rappelle comment une habitude spirituelle peut agir comme un courant, nous portant, nous envoyant, sur notre vie avec Dieu.
La mauvaise nouvelle concernant l’habitude est que les habitudes ont besoin du temps pour se former. Le changement, à cause de l’habitude, est lent et régulier. Nous avons vécu à travers une longue année dans laquelle « faire » l’église dans nos pyjamas est devenu confortable et facile. Établir une nouvelle habitude (ou reprendre une ancienne habitude) exige toujours que nous surmontions de la résistance. Si nous attendons que ça nous « tente » de retourner à l’église, il se peut que ce jour n’arrive jamais.
Mais il y a aussi une bonne nouvelle : les habitudes n’exigent pas de l’astuce. Retourner à l’église pourrait donner l’impression de courir à travers la boue – mais courir c’est comme marcher. Tu l’as appris il y a longtemps, et ce n’est pas probable que tu l’aies oublié. Tu mets simplement un pied devant l’autre. Tu mets ton cadran. Tu t’habilles. Tu quittes ta demeure et tu marches ou tu conduis au long des rues désolées.
À la porte de l’église, tu saisis ton bulletin, et tu entres dans ton banc. Quand ça commence à entonner le premier cantique, tu pries : « Je crois. Viens au secours de mon incrédulité. »
Et par la grâce de Dieu tu le fais, au moins pour une semaine de plus.
Cet article a été initialement publié sur The Gospel Coalition Canada. La traduction est publiée ici avec permission.
Jen Pollock Michel vit à Toronto avec sa famille. Elle est l'auteure de Surprised by Paradox: The Promise of ‘And’ in an Either-or World (IVP, 2019), Keeping Place: Reflections on the Meaning of Home (IVP, 2017), et Teach Us to Want: Longing, Ambition and the Life of Faith (IVP, 2014). Vous pouvez la suivre sur Twitter.