Les gens sont ils fondamentalement bons ?

R. C. Sproul, Les gens sont-ils fondamentalement bons ?, trad. Myriam Graffe, La Rochelle, 2021, p. 41-47.

Une amie m’a raconté un jour une conversation qu’elle avait eue avec son fils de six ans. Elle lui avait demandé : « Penses-tu qu’après avoir grandi et vécu ta vie, tu iras au paradis ? » Le garçon semblait assez sûr d’aller au ciel, alors elle a approfondi un peu le sujet : « Imagine que tu te tiennes devant Dieu, qu’il te regarde droit dans les yeux et qu’il te demande : « Pourquoi devrais-je te laisser entrer au paradis ? » Que répondrais-tu à Dieu ? » Son fils a réfléchi un instant avant de répondre : « Si Dieu me demandait cela, je lui dirais : « Parce que j’ai vraiment essayé d’être bon. » » Puis un regard perplexe est apparu sur son visage et il a ajouté : « En fait, pas si bon que cela. »

C’était plutôt perspicace comme réflexion de la part d’un garçon de six ans. La plupart d’entre nous nourrissent l’idée que pour être acceptables aux yeux de Dieu au jour du jugement, il suffira d’avoir essayé, d’avoir fait de notre mieux et d’avoir été foncièrement bons. Toutefois, même un enfant de six ans, avec une compréhension limitée de la perfection de Dieu et une compréhension immature de sa propre déchéance, a dû y réfléchir à deux fois pour finalement réaliser que sa bonté n’était pas suffisamment grande. D’ailleurs, ce n’est même pas une question d’être suffisamment bons, car nous sommes très loin d’être suffisamment bons. Pourtant, l’erreur la plus grande et la plus fréquente que commettent les êtres humains est de supposer qu’ils vont être approuvés par un Dieu saint sur la base de leurs propres performances.

Comment pourrions-nous nous tenir devant Dieu ? Cette question attire l’attention sur le problème de notre état déchu. N’importe qui admettrait que personne n’est parfait. Très peu de gens diront : « Je ne suis pas un pécheur » – mais il est extrêmement rare de trouver ne serait-ce qu’une personne sur dix mille qui comprenne clairement ce que cela implique.

La Bible enseigne que la question de la chute de l’homme n’est pas qu’un simple problème secondaire dans nos vies ; le problème est bien plus profond que cela. Notre façon de comprendre cette condition est liée au « péché originel ». Presque chaque Église a une doctrine du péché originel, bien que la façon dont cette doctrine est comprise varie grandement d’un groupe à l’autre et d’un théologien à un autre. Mais toutes les Églises s’accordent au moins sur le point suivant : si nous voulons étudier sérieusement les Écritures, nous devons développer un certain concept du péché originel.

De nos jours, on nous apprend que l’homme est fondamentalement bon, que nous avons des imperfections et des taches, mais que sous ces problèmes de surface, tout le monde est juste. Pourtant, la Bible n’enseigne pas du tout que l’homme est foncièrement bon. Dans sa lettre aux Romains, Paul écrit : « Selon qu’il est écrit : Il n’y a point de juste, pas même un seul » (Ro 3.10). Cette idée est contraire à tout ce que véhicule notre culture. Peut-être qu’il voulait simplement dire que personne n’est parfait, diront-certains. Mais Paul poursuit sa lettre en disant : « Nul n’est intelligent » (Ro 3.11a). La structure des propos de Paul se présente sous la forme d’une progression elliptique et logique et se développe en description complète de la condition humaine. « Personne n’est juste » et « personne ne comprend ». Si personne n’atteint jamais la norme de justice exigée par Dieu, c’est en partie parce que personne ne comprend cette norme. Nous sommes aveugles lorsqu’il s’agit de distinguer ce qui est bien de ce qui est mal.

Paul écrit que la raison pour laquelle nous ne savons pas ce qui est bien vient du fait que nous ne comprenons pas qui est Dieu. « Nul ne cherche Dieu », dit Paul (Ro 3.11b). Aucune personne naturelle, en dehors de la régénération, ne cherche Dieu. Les gens cherchent désespérément la paix de l’esprit, le soulagement de la culpabilité, un sens, une signification et une valeur à leur vie. Mais pendant tout ce temps, ils fuient Dieu aussi vite qu’ils le peuvent. Dieu ne se cache pas ; le problème ne vient pas du fait qu’il ne peut être trouvé, mais plutôt du fait qu’il n’est pas dans notre nature de le chercher. Notre nature déchue nous pousse au contraire à le fuir.

Paul poursuit en disant : « Tous sont égarés, tous sont pervertis ; il n’en est aucun qui fasse le bien, pas même un seul » (Ro 3.11,12). Nous avons tendance à voir le mot bon comme relatif, signifiant que quelque chose est jugé bon ou mauvais en fonction d’une norme. Mais parfois, nous ne sommes pas d’accord avec la norme, ce qui conduit à des interprétations différentes. Cependant, selon la norme parfaite de bonté de Dieu, personne ne fait le bien.

Un homme s’est un jour approché de Jésus et lui a demandé : « Bon maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ? » (Mc 10.17b.) Jésus, comprenant qu’il ne savait pas à qu’il s’adressait, lui a répondu : « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Il n’y a de bon que Dieu seul. Tu connais les commandements : Tu ne commettras point d’adultère ; tu ne tueras point ; tu ne déroberas point ; tu ne diras point de faux témoignage ; tu ne feras tort à personne ; honore ton père et ta mère » (Mc 10.18,19). Alors l’homme a ajouté : « Maître, j’ai observé toutes ces choses dès ma jeunesse » (Mc 10.20). J’ai souvent entendu ce genre de réponse. Mais si vous vivez selon les dix commandements, vous périrez selon les dix commandements, car « tous ceux qui ont péché sans la loi périront aussi sans la loi » (Ro 2.12a). Je ne suis pas en train de dire que vous devez ignorer les dix commandements. Je soulève simplement ce que Paul a écrit : « personne ne sera justifié devant lui par les œuvres de la loi » (Ro 3.20a).

C’est l’idée qu’il pouvait se justifier par ses œuvres que le jeune homme avait en tête lorsqu’il a dit : « J’ai […] observé toutes ces choses dès ma jeunesse » (Lu 18.21). Sa réponse trahissait une profonde ignorance. Jésus aurait pu dire : « Tu ne comprends pas ce que la loi de Dieu exige. Soit tu as une vision très simpliste de ce qui est exigé par la loi, soit tu as une vision surfaite de tes propres performances. » Au lieu de cela, il a répondu : « Il te manque une seule chose ; va, vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel. Puis viens, et suis-moi » (Mc 10.21). Les Écritures nous disent que l’homme s’en est allé tout triste, car il avait de grands biens. Rappelez-vous, cet homme venait de dire qu’il avait observé toute la loi de Dieu. En réalité, Jésus insinuait : « As-tu vraiment observé les dix commandements ? Eh bien, commençons par le premier : « Tu n’auras pas d’autres dieux devant moi. » Maintenant, va vendre tout ce que tu as. » Le jeune homme ne pouvait pas observer celui-là ; alors comment aurait-il pu parvenir à : « Tu ne tueras point » ou « Tu ne voleras point » ?

De toute évidence, l’homme riche n’était pas présent lors du sermon sur la montagne, quand Jésus a expliqué que lorsque la loi dit « Tu ne tueras point », elle contient également une interdiction de se mettre en colère contre son frère (Mt 5.21,22). Dieu vous jugera si vous haïssez les autres, si vous répandez des commérages à leur sujet, si vous les calomniez ou même si vous n’êtes simplement pas gentil avec eux. Tout cela découle de la loi interdisant le meurtre ; de même, l’interdiction de commettre un adultère inclut tout ce qui s’y rattache de près ou de loin (Mt 5.27,28). Jésus a dit que le plus grand commandement est : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée » (Mt 22.37). Personne au monde n’a jamais été capable d’observer ce commandement plus de cinq minutes ; personne n’a jamais donné la totalité de son cœur à Dieu.

Certains diront peut-être : « Je fais des sacrifices. Je donne mon argent aux pauvres. Je fais toutes sortes de bonnes œuvres. » Cependant, pour qu’une action soit bonne aux yeux de Dieu, elle doit non seulement être extérieurement conforme à la loi de Dieu, mais elle doit aussi jaillir d’un cœur qui aime entièrement Dieu. Si une de mes actions comporte la moindre trace d’égoïsme, d’orgueil, d’arrogance ou de quoi que ce soit d’autre qui vienne gâcher cette œuvre, alors elle ne sera pas bonne aux yeux de Dieu. Comme le péché touche absolument tout, Paul n’exagérait pas quand il a dit : « Il n’en est aucun qui fasse le bien, pas même un seul. » Certaines personnes pensent qu’elles ont suffisamment de bonté pour satisfaire aux exigences de Dieu – mais leur bonté ne répond pas aux exigences fixées par Dieu.

L’apôtre a encore écrit : « Leur gosier est un sépulcre ouvert ; ils se servent de leur langue pour tromper ; ils ont sous leurs lèvres un venin d’aspic ; leur bouche est pleine de malédiction et d’amertume ; ils ont les pieds légers pour répandre le sang ; la destruction et le malheur sont sur leur route ; ils ne connaissent pas le chemin de la paix ; la crainte de Dieu n’est pas devant leurs yeux » (Ro 3.13-18). Craignez-vous Dieu ? Avez-vous un sens de l’honneur et de la révérence à son égard ?

Dieu vous a créé, et il vous a fait à son image. En faisant cela, il vous a donné la capacité et le besoin de révérer votre créateur. Vous savez que Dieu est digne de votre honneur, de votre révérence et de votre adoration – et qu’il est de votre responsabilité morale de lui donner ces choses. Cependant, nous sommes si profondément désobéissants depuis si longtemps qu’au bout d’un moment, nous avons perdu la crainte de Dieu. Paul poursuit en disant que le problème ne vient pas seulement du fait que nous avons raté la cible ou que nous nous sommes éloignés de Dieu, mais que nous sommes en réalité devenus ennemis de Dieu dans notre état naturel (voir Ro 5.10).

Quand nous parlons du péché originel, nous ne parlons pas du péché qu’Adam et Ève ont commis, mais du résultat de ce premier péché. Le péché originel fait référence à notre condition de pécheur. Autrement dit, nous péchons parce que nous sommes pécheurs ; ce n’est pas parce que nous péchons que nous sommes pécheurs. Depuis la chute de l’humanité, il est dans la nature des êtres humains d’être enclins au péché et attirés par lui. David a lui-même écrit : « Voici, je suis né dans l’iniquité, et ma mère m’a conçu dans le péché » (Ps 51.7). Dans le ventre de notre mère, nous prenons vie dans un état déjà corrompu. Au moment même où nous sommes conçus, nous participons déjà à la chute de la condition humaine. Ainsi, nous naissons avec une disposition et une inclination au péché. Voilà ce qu’est le péché originel.


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R. C. Sproul
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R. C. Sproul (1939-2017) était un ancien enseignant ordonné dans la Presbyterian Church in America et a eu une brillante carrière d'enseignant universitaire dans divers collèges et séminaires, y compris le Reformed Theological Seminary à Orlando et Jackson, Mississippi. Il était également le fondateur de Ligonier Ministries, un ministère international d'éducation chrétienne situé près d'Orlando, en Floride.

Published By: R. C. Sproul

R. C. Sproul (1939-2017) était un ancien enseignant ordonné dans la Presbyterian Church in America et a eu une brillante carrière d'enseignant universitaire dans divers collèges et séminaires, y compris le Reformed Theological Seminary à Orlando et Jackson, Mississippi. Il était également le fondateur de Ligonier Ministries, un ministère international d'éducation chrétienne situé près d'Orlando, en Floride.