Le repos des pèlerins : accueillir et vivre le sabbat de Christ

Dieu consacra le septième jour

Dieu consacra le septième jour. Dieu mit ce jour à part au sein d’une créa- tion qui, de toute façon, lui appartient tout entière. Que signifie ce langage parallèle, Dieu consacra et bénit le septième jour ? Il convient de commencer en notant que l’une des grandes différences entre le septième jour et les six autres jours, c’est que dans ce septième jour rien n’est créé, rien ne prend vie,et rien n’est formé. Alors que les autres jours prennent leur sens à travers le contenu que Dieu leur donne, le septième jour ne l’est que par la parole de consécration et de bénédiction divine. Dieu lui-même est le seul « contenu » de ce jour : Dieu remplit le septième jour. C’est le jour de Dieu.

Dans le récit de Genèse 1 et 2, l’absence d’acte créateur lors du septième jour sert à évoquer l’idée de «l’ouverture» de ce jour, qui contrairement aux six autres jours n’est pas limité par ce qu’il «contient». Alors que les autres jours se terminent par la mention «il y eut un soir, il y eut un matin…», le septième jour ne comporte aucune mention temporelle, comme si ce jour était ouvert sur le reste de l’histoire humaine et prenait possession de l’espace et du temps. Dieu consacre donc le septième jour, ce jour « ouvert » sur la continuité du temps créé en le faisant sien. Dieu est le seul maître du septième jour. Il est à lui. Il en est le centre, l’essence. Dieu bénit et sanctifia le septième jour !

Cependant, si le septième jour est premièrement le signe de l’entrée de Dieu dans le temple de sa création, cette sanctification a ainsi un sens plus merveilleux que le simple « arrêt » de l’activité créatrice de Dieu. Cette mention doit nous faire marquer une pause. Dieu se reposa le septième jour. Mais ce repos qui conduit à la sanctification de ce jour est une marque imprimée à la fois au septième jour de la semaine créatrice, mais aussi à ce jour ouvert sur la suite de l’histoire humaine. Bien sûr, cela pourrait créer un problème. Il est assez facile de comprendre pourquoi Dieu sanctifie – «met à part» – le septième jour de la semaine. Il distingue le dernier jour de la semaine en fai- sant de ce dernier un jour de repos. Mais quelle pourrait être la signification de la sanctification d’un septième jour « ouvert » ? Dieu commande un repos éternel ? Impossible ! À l’évidence, le reste de la Bible nous montre que Dieu ne commande pas un repos éternel dans cette création. D’ailleurs dès Genèse 1, Dieu confie une responsabilité – une vocation – créationnelle à l’humanité, celle de prendre soin, de faire fructifier, et de faire s’épanouir sa création.

Dieu sanctifie le septième jour du reste de l’histoire en se dévoilant comme celui qui donne son sens à la semaine de la création, ainsi qu’au reste de l’histoire. Il est celui qui donne réalité à l’étendue de la création. Dieu sanctifie le septième jour de trois manières. Tout d’abord, Dieu sanctifie le reste de l’histoire humaine en affirmant qu’il est le seul qui puisse sancti- fier sa création. Il est, littéralement, celui qui sanctifie. Il est celui qui peut

prononcer la création « terminée ». Il est l’accomplissement de la création. En d’autres termes, « Dieu a accompli sa création en se reposant le septième jour et en la sanctifiant. Le fait que Dieu se soit reposé le septième jour signifie que sa création était maintenant ordonnée et complète. Ainsi, le sabbat est la consommation et le but de la création [1] ». Le repos du septième jour est la signification profonde des six jours de la création. Quel est ce but? Dieu. Dieu est le but même de la création.

Que Dieu sanctifie le sabbat a aussi une autre conséquence. Dieu est celui qui seul suffit à la création. Le sabbat est, pour nous qui faisons partie de la création de Dieu, le signe de la suffisance du Créateur. Le septième jour est aussi l’accomplissement dans la création en ce qu’il témoigne que seul le Créateur peut prendre soin de sa création. Le septième jour est ainsi, dès Genèse 1, une affirmation que rien ne peut usurper la place du Créateur. Tout doit sa vie à Dieu, et tout retourne à lui. Toute vie doit sa subsistance à Dieu. Se rappeler le sabbat, c’est donc affirmer qu’aucune de nos œuvres, aucune de nos idéologies, nos systèmes sociaux et politiques ne peuvent remplacer la bienveillante providence du Créateur. C’est lui qui crée, qui préserve; lui qui nourrit et qui fait croître – y compris dans la vie nouvelle (1 Co 3.6)! Rendons gloire au bienveillant Créateur !

Prendre conscience de la présence du septième jour, le jour de Dieu, c’est nous ancrer dans la conviction que «Dieu a la volonté et la capacité de fournir suffisamment de ressources aux humains pour qu’ils puissent survivre et s’épanouir. Cette conscience est fondée sur la conviction que la vie et le bien-être sont en fin de compte des dons de Dieu, et non le produit d’un effort humain, bien que ces dons soient souvent canalisés par le travail humain [2] ». Il est, il était, et il demeurera toujours celui en qui la création peut se confier. S’étant consacré la création, il en compte les nuages, envoie les éclairs, nourrit le lion, comme le corbeau (Jb 38).

Ensuite, Dieu sanctifie la création en se la consacrant. Il en est non seulement le Créateur, mais elle lui appartient. Il n’est pas un créateur qui, après avoir formé une création dont il se désintéresserait, l’abandonnerait à ses

propres desseins. Dieu demeure le Roi-Créateur à qui appartient la création : «À l’Éternel la terre et ce qui la remplit, le monde et ceux qui l’habitent!» (Ps 24.1.) C’est à Dieu qu’appartiennent la terre et tout ce qu’elle renferme : elle lui est consacrée. Elle lui appartient en propre. Elle est comme le symbole de sa royauté.

L’affirmation selon laquelle la terre appartient au Créateur fait d’ailleurs partie de la grandiose description de la loi d’amour que Dieu, dès l’Ancien Testament, donne à son peuple. Qu’est-ce que Dieu demande de son peuple ? Le texte bien connu du Deutéronome, que Jésus résumera en Matthieu 22.37 : «Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être et de toute ta pensée », nous le rappelle : « que tu craignes l’Éternel, ton Dieu, afin de marcher dans toutes ses voies, d’aimer et de servir l’Éternel, ton Dieu, de tout ton cœur et de toute ton âme; si ce n’est que tu observes les com- mandements de l’Éternel et ses prescriptions…» (Dt 10.12,13) À la suite de cette grande affirmation, le texte souligne ceci : « Voici qu’à l’Éternel, ton Dieu, appartiennent les cieux et les cieux des cieux, la terre et tout ce qui s’y trouve » (Dt 10.14). Si nous devons suivre le Seigneur en toutes choses, y compris à travers une attitude généreuse, c’est parce que tout appartient à Dieu – incluant les biens qu’il nous confie. La foi en Dieu n’implique pas seulement une relation à Dieu et avec les autres êtres humains. Elle inclut aussi nécessairement l’affirmation que la terre appartient à Dieu – et cela aura des conséquences radicales.

Enfin, Dieu sanctifie le reste de l’histoire humaine en annonçant qu’il y aura un jour de repos éternel. La référence à un repos éternel évoque bien sûr pour nous la lettre aux Hébreux (chap. 3 et 4). Peut-être un peu trop rapidement, nous aurions tendance à ne relier le repos éternel qu’à ce passage important de cette épître. Ce serait oublier que la sanctification de ce jour par Dieu au moment même de la création est le fondement du repos éternel d’Hébreux 3,4. Ainsi, le repos final qui est au cœur du quatrième chapitre de la lettre aux Hébreux n’est pas quelque chose d’entièrement nouveau qui apparaîtrait dans le Nouveau Testament. Cette promesse est là, en germe, dans la création elle-même. L’annonce du repos divin en Genèse 2 est bien une anticipation de cette éternité que nous attendons.

1. Scott J. Simmons, «The Sabbath in Redemptive History», A Place for Truth, < http:// truthplace.wordpress.com > (page consultée le 13 avril 2020), traduction libre.

2. Lowery, « Sabbath and Survival: Abundance and Self-Restraint in a Culture of Excess », p. 158, traduction libre.

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Yannick Imbert
Plus de publications

Yannick Imbert est professeur d’apologétique et directeur de Master à la Faculté Jean Calvin (Aix-en-Provence). Il est aussi président des Éditions Kérygma, ainsi que membre de la Commission Théologique du Conseil National des évangéliques de France (CNEF). Il a écrit plusieurs ouvrages dont une introduction à l’apologétique, Croire, expliquer, vivre, ainsi qu’un ouvrage consacré au transhumanisme, Le charme de l’andréide.

Published By: Yannick Imbert

Yannick Imbert est professeur d’apologétique et directeur de Master à la Faculté Jean Calvin (Aix-en-Provence). Il est aussi président des Éditions Kérygma, ainsi que membre de la Commission Théologique du Conseil National des évangéliques de France (CNEF). Il a écrit plusieurs ouvrages dont une introduction à l’apologétique, Croire, expliquer, vivre, ainsi qu’un ouvrage consacré au transhumanisme, Le charme de l’andréide.