La transmission de la foi est l’une des missions essentielles de l’Église de Jésus. Cependant, est-ce suffisant d’annoncer la Bonne Nouvelle de la grâce ? « La chrétienté sans formation de disciples sera toujours une chrétienté sans Christ.1 » Dietrich Bonhoeffer, par cette déclaration-choc, souligne l’importance capitale de la formation de disciples dans l’essence même de ce qu’est la chrétienté. Le fameux verset, « allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » (Matthieu 28.19-20), est alors une puissante ordonnance, un défi — le but premier de l’Église de Jésus. Jésus ne lance pas cette ordonnance sans avoir lui-même été le formateur par excellence. Lors de son ministère sur Terre, il nous donne l’exemple de ce qu’est la formation de disciples. Pensons-y un instant : il prit sous son aile, douze hommes imparfaits; ces hommes ne pouvaient pas imaginer le périple qu’ils allaient parcourir. Douze hommes ordinaires, sous le leadership de Jésus, allant jusqu’à subir la persécution pour propager le message de Jésus, allant même jusqu’à donner leur vie pour ce message qu’ils portaient comme la vérité; la Bonne Nouvelle de la grâce en Jésus.
Le but de cette série d’articles
C’est justement dans le but de définir le concept de la formation de disciples que nous lançons cette nouvelle série d’articles. Bien plus que l’annonce de l’Évangile, la formation de disciples est un processus continu d’accompagnement, de formation et de transformation prenant place dans la vie active de celui qui a rencontré le Christ ressuscité. Nous avons tous une petite définition de ce que devrait être la formation de disciples, mais la grande question est : comment la Bible présente-elle la formation de disciples ?
Jésus
Les textes des différents Évangiles nous offrent une perspective intéressante sur la formation de disciples. Nous pouvons y voir Jésus prenant douze hommes bien ordinaires, afin de les former et les préparer à être des pêcheurs d’hommes. Il forme leurs connaissances, il leur enseigne de nouvelles compétences et il travaille leur caractère. Jésus utilise une grande variété de méthodes pour transformer ces hommes ordinaires en serviteurs dévoués. Les nombreux enseignements contribuent à former leurs connaissances, il leur démontre comment réinterpréter l’Ancien Testament à la lumière de sa personne et de son œuvre, les paraboles et les grands sermons leur ouvrent les yeux sur la réalité de qui est le Fils de Dieu et ce que cela signifie d’être un disciple.
Jésus travaille aussi leurs compétences, par exemple, lorsqu’il envoie les disciples en mission : « Jésus parcourait les villages des environs en enseignant. Alors il appela les douze et commença à les envoyer deux à deux, et il leur donna autorité sur les esprits impurs. Il leur recommanda de ne rien prendre pour le voyage, sauf un bâton, de n’avoir ni pain, ni sac, ni argent dans la ceinture, de chausser des sandales et de ne pas mettre deux chemises. Puis il leur dit : « Si quelque part vous entrez dans une maison, restez-y jusqu’à votre départ. Et si, dans une ville, les gens ne vous accueillent pas et ne vous écoutent pas, retirez-vous de là et secouez la poussière de vos pieds en témoignage contre eux. » Ils partirent et prêchèrent en appelant chacun à changer d’attitude. Ils chassaient beaucoup de démons, appliquaient de l’huile à beaucoup de malades et les guérissaient » (Marc 6.6-13). Ce n’est que dans la pratique que la théorie prend vie, de plus Jésus fait preuve de confiance en envoyant ses disciples pour mettre en pratique les enseignements qu’ils avaient reçus de lui.
Finalement, Jésus travaille aussi le caractère de ses disciples. Plusieurs épisodes des évangiles nous démontrent des disciples au caractère qui nous font sourire ou sourciller. Prenons par exemple, l’épisode où l’apôtre Jean et son frère, après s’être fait refuser l’accès au passage à travers la Samarie, disent à Jésus : « Seigneur, veux-tu que nous commandions que le feu descende du ciel et les consument ? Jésus se tourna vers eux, et les réprimanda, disant : vous ne savez de quel esprit vous êtes animés. Car le Fils de l’homme est venu, non pour perdre les âmes des hommes, mais pour les sauver » (Luc 9.54-56). Il est intéressant de voir l’évolution de l’apôtre Jean en particulier, lorsque dans ses épîtres il met un accent particulier sur l’amour, un contraste frappant entre le feu du ciel et l’amour qu’il prêche, contraste qui est le résultat de la formation et de l’enseignement de Jésus.
Nous pouvons voir dans la façon de procéder de Jésus, une intention particulière pour la formation de ses disciples. Elle ne consiste pas à une croissance personnelle des individus dans un but égocentrique, mais bien à une formation ayant pour but le service de l’Église. La rédaction des Évangiles et des Épîtres qui constituent notre Bible est un témoignage de la fidélité et de la persévérance de ces disciples, le tout pour le bien commun de l’Église.
Paul
Nous pouvons voir que la formation de disciples ne se limite pas à Jésus seulement; il délègue le mandat de la formation de nouveaux disciples lors de son ascension. Nous pouvons voir le fruit de cette continuité de la mission, par les écrits de Paul et de son dévouement dans la formation de son jeune protégé Timothée. La deuxième épitre à Timothée, dernière lettre de Paul avant son exécution, nous donne un aperçu de l’importance de la transmission de la foi et de l’enseignement : « Toi, donc mon enfant, sois puissant dans la grâce qui est en Jésus-Christ. Et ce que tu as entendu de moi en présence de beaucoup de témoins, confie-le à des gens dignes de confiance qui seront capables, à leur tour, de l’enseigner à d’autres » (2 Timothée 2.1-2).
Paul enchaine avec une déclaration d’intention. Son ministère a été de communiquer la Bonne Nouvelle de la grâce de Jésus et maintenant le mandat est passé à Timothée. Ce qu’il a entendu de Paul, il doit maintenant être en mesure de le transférer, de le confier droitement à des gens de confiance et ces gens devront à leur tour communiquer à d’autres le message. Il est important de noter que Paul va ajouter que ce que Timothée a entendu de Paul n’est pas un message caché, mystique ou secret, car il l’a déclaré « en présence de beaucoup de témoins » (2 Timothée 2.2). Philip Towner souligne que cette déclaration n’est pas anodine, mais qu’elle sert à authentifier le message qu’il lui confie et son origine2, cette mesure étant nécessaire face à la contestation et au découragement qui ont touché certains suite à l’emprisonnement de Paul à Rome. La mission de Timothée n’est pas seulement d’être un encouragement : «Confier l’Evangile n’était pas simplement une question de tape sur l’épaule ; il fallait que Timothée enseigne et modèle la foi.3 » Paul termine cette section en donnant à Timothée la responsabilité de continuer le modèle de formation de disciples. Deux qualités sont présentées pour ceux qu’il doit prendre sous son aile pour la formation. Premièrement, ils doivent être dignes de confiance : « la solidité de la foi est supposée. Cette qualité est davantage liée à la fiabilité par rapport à l’enseignement apostolique (par opposition à celle des hérétiques), à la loyauté envers le Christ et Paul (par opposition à ceux qui l’ont abandonné) et à l’engagement de réaliser ce que l’on a promis de faire.4 » Deuxièmement, ils doivent être en mesure d’enseigner aux autres, dans la mesure d’une préservation juste de l’enseignement et de la communication et du partage de ce message.
En conclusion
La formation de disciples a une fondation clairement biblique. De Jésus à Paul, nous pouvons voir que la transmission de la foi est l’un des objectifs, mais pas le seul. La vie chrétienne est plus qu’une accumulation de connaissances, mais aussi une mise en pratique de ce qu’on sait, tout en laissant le Saint-Esprit modeler notre être dans son entièreté. Des connaissances à la pratique, en passant par notre caractère, Jésus désire notre transformation à sa gloire et il mandate l’Église dans le rôle crucial de faire des disciples de Jésus.
Bill Hull souligne l’importance de la formation de disciples de la façon suivante : « Le discipulat est la priorité absolue de Dieu parce que Jésus l’a pratiqué et nous a commandé de le faire, et ses disciples l’ont continué.5 » Maintenant, à nous de continuer le travail en formant une génération de « suiveux » de Jésus-Christ.
- Dietrich Bonhoeffer, The Cost of Discipleship, p. 64. ↩
- Philip H. Towner, The Letters to Timothy and Titus, The New International Commentary on the New Testament, William B. Eerdmans Publishing Company, Grand Rapids, Michigan, 2006, p. 490. ↩
- Philip H. Towner, The Letters to Timothy and Titus, p. 491. ↩
- Philip H. Towner, The Letters to Timothy and Titus, p. 491. ↩
- Bill Hull, The complete Book of Discipleship, NavPress, 2006, p. 25. ↩
Jim Pereira est pasteur à l’Église le Portail, il est le responsable de la formation de disciples. Détenteur d’un baccalauréat en Théologie Pratique de l’ITF et candidat à la Maîtrise en étude théologique au Collège Presbytérien de Montréal (McGill), il est aussi membre du Concile SOLA.