Genèse 22, mise à l’épreuve et foi

Maltraitance divine d’un enfant ?

Genèse 22.1-2
« Après ces choses, Dieu mit Abraham à l’épreuve, et lui dit : Abraham ! Et il répondit : Me voici ! Dieu dit : Prends ton fils, ton unique, celui que tu aimes, Isaac; va-t’en au pays de Morija, et là offre-le en holocauste sur l’une des montagnes que je te dirai. »

Êtes-vous devenu à l’aise avec l’idée que Dieu demande à Abraham de sacrifier son fils ? Lorsque nous lisons l’histoire pour la première fois, l’incompréhension domine. La psychopathie est la seule catégorie adéquate. Que diriez-vous à quelqu’un qui viendrait vous dire que Dieu lui a dit de tuer son enfant ?

Pour bien des lecteurs qui sont prêts à accorder le bénéfice du doute à Abraham, le blâme retombe sur le Dieu qui peut demander une telle chose, en utilisant Isaac, un enfant humain, comme un objet pour prouver un point religieux et faire passer Abraham par une épreuve qu’aucun parent ne devrait avoir à traverser. Comment cette situation peut-elle ne pas être qualifiée de double maltraitance ?

Le sacrifice d’enfants a-t-il déjà été « normal » ?

En tant que société moderne, nous n’avons pas de catégorie pour le sacrifice d’enfants. Aussi perturbant que cela puisse être, nous devons toutefois nous rappeler qu’il faisait partie de certaines cultures anciennes. Celles-ci croyaient que le sacrifice d’enfants était un moyen extrême, mais essentiel pour attirer la faveur des dieux (Jug 11.29-40; 2 Ro 3.26-27; 16.3; 17.17). À l’époque d’Abraham, le sacrifice d’enfants était une option viable.

Cependant, la pratique du sacrifice d’enfants ne signifie pas que la Bible l’approuve ou l’encourage. Tout au contraire, l’Ancien Testament le condamne continuellement (Lé 18.21; Deut 12.31; Jé 7.31; 19.5; Mi 6.6-8). Et pourtant, la tradition de l’Ancien Testament consacre les premiers-nés à YHWH (Ex 13.12-13; 22.28-29; Lé 27.26; No 3.13). En raison de cette tradition, la rédemption est fondamentale à la relation entre Israël et Dieu. Par le biais d’un substitut, le premier-né est racheté afin qu’ils puissent tous deux être « sacrifiés » à YHWH et continuer à vivre (Ex 12.1-28; 13.15; 34.19-20; No 8.16-19; 18.15; Luc 2.23). L’Écriture transforme le sacrifice en métaphore complète pour illustrer que nous devons offrir au Seigneur ce que nous possédons de plus précieux.

Isaac n’est pas seulement le fils bien-aimé d’Abraham, il est aussi l’accomplissement d’une promesse qui personnifie toute sa relation avec Dieu. Le sacrifice d’Isaac effacerait le passé et le futur d’Abraham (Rutledge, 262). Il éradiquerait la bonté et la fidélité de Dieu. Du point de vue d’Abraham, le rejet des sacrifices d’enfants par YHWH dans la loi et les prophéties n’a pas encore été établi. Abraham apprend que YHWH est le Dieu qui fournit un substitut, qui n’exige pas qu’on sacrifie nos enfants. Dans Genèse 22, le sacrifice d’enfants est un moyen puissant de mettre à l’épreuve le combat de la foi et le caractère de Dieu.

Mise à l’épreuve et foi

Que veut donc dire le « test » que Dieu fait passer à Abraham ? Pour plusieurs, l’idée que Dieu teste les humains sous-entend qu’il met devant nous des défis arbitraires ou cruels pour s’amuser à nos dépens, pour identifier les faibles dans une sorte de sélection spirituelle naturelle. D’un autre côté, elle peut supposer que Dieu ne connaît pas la vraie nature de notre foi. Ces deux hypothèses sont déconcertantes. Est-ce vraiment ce que les Écritures veulent dire lorsqu’il est écrit que Dieu éprouve quelqu’un ?

Réfléchissez au processus d’un test et à son but dans le passage paradigmatique.

Deutéronome 8.2-3
« 
Souviens-toi de tout le chemin que l’Éternel, ton Dieu, t’a fait faire pendant ces quarante années dans le désert, afin de t’humilier et de t’éprouver, pour savoir quelles étaient les dispositions de ton cœur et si tu garderais ou non ses commandements. Il t’a humilié, il t’a fait souffrir de la faim, et il t’a nourri de la manne, que tu ne connaissais pas et que n’avaient pas connue tes pères, afin de t’apprendre que l’homme ne vit pas de pain seulement, mais que l’homme vit de tout ce qui sort de la bouche de l’Éternel. »

Comme un parent patient avec son enfant, Dieu conduit son peuple sur un chemin en boucle (parfois difficile !) encore et encore (pendant 40 ans) afin de le rendre humble. Les serpents brûlants, l’eau du rocher, la manne, le grand désert terrifiant et l’exode en soi servent à nous amener une dépendance humble envers Dieu : « pour te faire ensuite du bien » (Deut 8.16).

Dans les Écritures, la mise à l’épreuve a pour but de raffiner plus que d’évaluer (Pr 17.3). La mise à l’épreuve a plus à voir avec la relation spirituelle qu’avec la connaissance divine. Le mot connaître en hébreu n’est pas un terme purement intellectuel, mais il englobe aussi la connaissance personnelle et relationnelle – par exemple : « je connais cette ville comme le creux de ma main » ou « Adam connut Ève, sa femme; elle conçut » (Ge 4.1).

Selon Walter Moberly, la mise à l’épreuve et son résultat sont importants pour Dieu parce qu’ils impliquent la relation et la réaction. Lorsque l’Ange de l’Éternel dit : « je sais maintenant que tu crains Dieu » (Ge 22.12), nous pouvons voir que la relation entre Abraham et Dieu s’est approfondie de manière significative (Moberly, 105-107). Dans l’histoire, Abraham exprime sa crainte de Dieu par un calme étrange (v.5, 8) qui se traduit par une confiance profonde dans le caractère de Dieu (Hé 11.19). L’orientation du cœur d’Abraham est rendue visible par le fait qu’il n’a pas refusé à Dieu sa possession la plus précieuse, aimée et irremplaçable : Isaac. Dire qu’Abraham craint Dieu est la plus grande preuve de la qualité de sa relation avec le Seigneur (Deut 10.12-13; Éccl 12.13; Hé 11.17-19).

La logique théologique du sacrifice d’Isaac

Au premier plan, le récit se concentre sur la qualité et la mise à l’épreuve de la foi d’Abraham. En arrière-plan, l’histoire met autant l’accent sur le caractère de Dieu : YHWH est suprêmement fidèle parce qu’il pourvoit (Ge 22.8, 14).

La foi d’Abraham, ensuite, peut être lue comme un modèle pour le chrétien (Hé 11.17-19; Ja 2.18-24) et le bélier devient une image de Christ (Jean 1.29, 36; 1 Pi 1.19, Ap 5.12). Cette interprétation illustre comment Dieu récompense richement la foi. Le fait qu’Abraham ait été prêt à sacrifier son fils bien-aimé démontre aussi l’amour de Dieu le Père (Ro 8.32; 4.20-25).

Selon une autre interprétation, Abraham devient une image de christ par son obéissance autodestructrice. En exigeant le sacrifice d’Isaac, Dieu semble se tourner contre Abraham et lui enlever son seul espoir. Fleming Routledge dit : « C’est “la route de la perdition.” Dieu demande à Abraham de brûler le moyen de salut, ne lui laissant comme option que le mort et l’enfer » (Rutledge, 262). C’est Christ à Gethsémané, en sueurs de sang, qui prie que la coupe s’éloigne de lui et Christ sur la croix qui crie : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Ces interprétations sont jointes dans un seul détail du texte : Où prennent place tous ces évènements ? Où est situé le mont Morija (Ge 22.1, 14) ?

Il n’y a qu’un seul autre endroit dans les Écritures où le nom Morija est employé :

2 Chroniques 3.1
« Salomon commença à bâtir la maison de l’Éternel à Jérusalem, sur la montagne de Morija, qui avait été indiquée à David, son père, dans le lieu préparé par David sur l’aire d’Ornan, le Jébusien. »

Walter Moberly souligne l’importance de ce détail : « Abraham doit offrir en sacrifice, à l’endroit où le Temple serait construit, ce qui lui couterait tout » (Moberly, 131). Le récit à propos d’Abraham, le premier récit de l’ordre chronologique qui établit que Dieu fournit un substitut réalisé par la foi humaine qui rachète la vie, prend place à l’endroit exact où 1000 ans plus tard le Temple serait construit et où 1000 autres années plus tard, Jésus ferait son entrée au pays de Morija pour mourir. Lorsqu’un chrétien confesse : « à la montagne du Seigneur il sera pourvu », Golgotha est la montagne et Christ la provision. YHWH est le Père fidèle qui est prêt à sacrifier son Fils bien-aimé (Mt 3.17; Jean 3.16). Christ est le serviteur fidèle qui est prêt à s’abandonner à la perdition. L’œuvre de Christ englobe tout. Il est le bélier, Isaac et, à Gethsémané, il est aussi Abraham qui marche dans la noirceur par la foi.Si nous faisons une lecture isolée de Genèse 22, nous pouvons imaginer Dieu comme un tyran, mais puisque nous avons la lumière du reste des Écritures, Genèse 22 nous montre que Dieu ne nous demande jamais de sacrifier plus que ce qu’Il a payé lui-même. Alors, Dieu nous appelle à imiter l’obéissance radicale et sacrificielle d’Abraham parce que Dieu, en Christ, a parcouru cette route avant nous et il a fourni ce qu’il commande une fois pour toutes.


Seigneur, que nous persévérions dans la foi et te trouvions fidèle. Enseigne-nous à te louer pour ta provision lorsque nous ne comprenons pas le chemin que tu nous demandes de prendre. Aide-nous à mieux comprendre et apprécier le chemin de la perdition que Christ a marché avant nous. Enseigne-nous à marcher par la foi. Raffine-nous et délivre-nous de ce qui nous retient afin que nous puissions voir ta bonté.


Cet article a été initialement publié dans la série Splintered Light. La traduction est publiée ici avec permission.

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Alex Kirk est un partenaire ministériel de Training Leaders International, professeur invité d'Ancien Testament à la William Tennent School of Theology et doctorant en théologie et religion (Ancien Testament / Bible hébraïque) à l'Université de Durham. Il enseigne partout dans le monde et écrit un bulletin mensuel sur la vie, le ministère et les Écritures appelé SPLINTERED LIGHT. Alex et sa femme, Meghan, vivent dans le nord-est de l'Angleterre avec leurs trois filles.