Lire à travers la Bible est un exercice dangereux. Je me souviens de l’avoir fait pour la première fois en tant qu’adolescent et d’avoir été frappé et désorienté lorsque je suis arrivé à Exode 4.21:
L’Éternel dit à Moïse: En partant pour retourner en Égypte, vois tous les prodiges que je mets en ta main: tu les feras devant Pharaon. Et moi, j’endurcirai son cœur, et il ne laissera point aller le peuple.
Qu’est-ce que cela veut dire que Dieu a endurci le cœur de Pharaon? En quoi cela est-ce juste? Pourquoi ferait-il cela? Qu’est-ce que cela signifie en termes de liberté en tant qu’êtres humains? Est-ce que tout cela est une farce? Si Dieu manipule mes émotions alors comment est-ce juste pour lui de me récompenser ou de me punir pour les choix que je pense que je fais?
Ceci a été le commencement d’une bataille dans mon cerveau d’adolescent qui n’a pas été résolu jusqu’à la mi-vingtaine. Pour être clair, la tension entre la souveraineté de Dieu et notre responsabilité morale en tant qu’être humain n’est pas traitée de manière exhaustive dans le livre d’Exode – mais c’est souvent la place où le problème est premièrement rencontré. C’est dans le livre d’Exode que nous sommes premièrement confrontés à un Dieu qui est souverain même sur notre cœur humain. Alors la conversation a tendance à commencer ici et à partir de là à s’étendre sur tout l’étendu du canon biblique.
Si vous venez tout juste de commencer à lutter avec cette question il pourrait être utile de voir les vingt références du cœur endurci de Pharaon dans l’ordre dans lesquelles elles apparaissent dans le texte:
- L’Éternel dit à Moïse: En partant pour retourner en Égypte, vois tous les prodiges que je mets en ta main: tu les feras devant Pharaon. Et moi, j’endurcirai son cœur, et il ne laissera point aller le peuple. (Exode 4.21)
- Et moi, j’endurcirai le cœur de Pharaon, et je multiplierai mes signes et mes miracles dans le pays d’Égypte. Pharaon ne vous écoutera point. Je mettrai ma main sur l’Égypte, et je ferai sortir du pays d’Égypte mes armées, mon peuple, les enfants d’Israël, par de grands jugements. (Exode 7.3-4)
- L’Éternel parla à Moïse et à Aaron, et leur donna des ordres au sujet des enfants d’Israël et au sujet de Pharaon, roi d’Égypte, pour faire sortir du pays d’Égypte les enfants d’Israël. (Exode 7.13)
- L’Éternel dit à Moïse: Pharaon a le cœur endurci; il refuse de laisser aller le peuple. (Exode 7.14).
- Mais les magiciens d’Égypte en firent autant par leurs enchantements. Le cœur de Pharaon s’endurcit, et il n’écouta point Moïse et Aaron, selon ce que l’Éternel avait dit. (Exode 7.22).
- Et les magiciens dirent à Pharaon: C’est le doigt de Dieu! Le cœur de Pharaon s’endurcit, et il n’écouta point Moïse et Aaron, selon ce que l’Éternel avait dit. (Exode 8.15)
- J’établirai une distinction entre mon peuple et ton peuple. Ce signe sera pour demain. (Exode 8.19)
- Mais Pharaon s’endurcit cette fois aussi le cœur et ne laissa pas partir le peuple. (Exode 8.32)
- Pharaon s’informa de ce qui était arrivé; et voici, pas une bête des troupeaux d’Israël n’avait péri. Mais le cœur de Pharaon s’endurcit, et il ne laissa point aller le peuple. (Exode 9.7)
- L’Éternel endurcit le cœur de Pharaon, et Pharaon n’écouta point Moïse et Aaron, selon ce que l’Éternel avait dit à Moïse. (Exode 9.12)
- Pharaon, voyant que la pluie, la grêle et les coups de tonnerre avaient cessé, continua de pécher, et il endurcit son cœur, lui et ses serviteurs. (Exode 9.34)
- Le cœur de Pharaon s’endurcit, et il ne laissa point aller les enfants d’Israël, selon ce que l’Éternel avait dit par l’intermédiaire de Moïse. (Exode 9.35)
- L’Éternel dit à Moïse: Va vers Pharaon, car j’ai endurci son cœur et le cœur de ses serviteurs, pour faire éclater mes signes au milieu d’eux. C’est aussi pour que tu racontes à ton fils et au fils de ton fils comment j’ai traité les Égyptiens, et quels signes j’ai fait éclater au milieu d’eux. Et vous saurez que je suis l’Éternel. (Exode 10.1-2)
- L’Éternel endurcit le cœur de Pharaon, et Pharaon ne laissa point aller les enfants d’Israël. (Exode 10.20)
- L’Éternel endurcit le cœur de Pharaon, et Pharaon ne voulut point les laisser aller. (Exode 10.27)
- Moïse et Aaron firent tous ces miracles devant Pharaon, et l’Éternel endurcit le cœur de Pharaon qui ne laissa point aller les enfants d’Israël hors de son pays. (Exode 11.10)
- Et, comme Pharaon s’obstinait à ne point nous laisser aller, l’Éternel fit mourir tous les premiers-nés dans le pays d’Égypte, depuis les premiers-nés des hommes jusqu’aux premiers-nés des animaux. Voilà pourquoi j’offre en sacrifice à l’Éternel tout premier-né des mâles, et je rachète tout premier-né de mes fils. (Exode 13.15)
- J’endurcirai le cœur de Pharaon, et il les poursuivra; mais Pharaon et toute son armée serviront à faire éclater ma gloire, et les Égyptiens sauront que je suis l’Éternel. Et les enfants d’Israël firent ainsi. (Exode 14.4)
- Et les Égyptiens sauront que je suis l’Éternel, quand Pharaon, ses chars et ses cavaliers, auront fait éclater ma gloire. (Exode 14.8)
- Et moi, je vais endurcir le cœur des Égyptiens, pour qu’ils y entrent après eux; et Pharaon et toute son armée, ses chars et ses cavaliers, feront éclater ma gloire. (Exode 14.17)
Comme mentionné ci-haut, il y a exactement 20 références différentes à l’endurcissement du cœur de Pharaon dans le livre d’Exode. Voici quelques observations superficielles d’un point de vue générale:
Observations superficielles
- Dix des vingt déclarations sont attribuées à l’action du côté de Dieu
Précisément la moitié des références au cœur endurci de Pharaon attribue directement cette réalité à l’action souveraine de Dieu sur lui. Les deux premières d’entre elles, toutefois, sont proleptiques dans leur nature, voulant dire qu’elles font référence à des actions futures du côté de Dieu:
L’Éternel dit à Moïse: « En partant pour retourner en Égypte, vois tous les prodiges que je mets en ta main: tu les feras devant Pharaon. Et moi, j’endurcirai son cœur, et il ne laissera point aller le peuple. » (Exode 4.21)
Et moi, j’endurcirai le cœur de Pharaon, et je multiplierai mes signes et mes miracles dans le pays d’Égypte. Pharaon ne vous écoutera point. Je mettrai ma main sur l’Égypte, et je ferai sortir du pays d’Égypte mes armées, mon peuple, les enfants d’Israël, par de grands jugements. (Exode 7.3-4)
Ici Dieu semble dire qu’il endurcira Pharaon dans un état de rébellion délibérée pour démontrer son pouvoir complet sur Pharaon et par extension, sur tous les faux dieux et les forces moins fortes d’Égypte.
Les prochaines références liées au cœur de Pharaon font toutes appel à la responsabilité morale de Pharaon. Le savant de la Torah Juive Nahum Sarna, par exemple, explique ceci :
« Il est à noter que dans les cinq premiers fléaux l’obstination de Pharaon viennent de lui-même. C’est seulement plus tard qu’elle est attribuée à la causalité divine. »
Alors Dieu pousse Pharaon plus loin dans une direction dans laquelle il allait déjà pour qu’il puisse plus facilement révéler son pouvoir et sa souveraineté sur l’Égypte.
- Dix des vingt déclarations sont attribuées au caractère essentiel de Pharaon
Dans la liste des vingt références données au-dessus des références 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12 et 17 tous attribuent la responsabilité morale à Pharaon pour l’état de son cœur endurci et obstiné. Alors que Dieu évoque son intention d’endurcir le cœur de Pharaon au chapitre quatre il n’agit pas sur le cœur de Pharaon avant le chapitre neuf après qu’il y ait eu sept références à l’état préexistent du cœur de Pharaon comme étant dur et têtu.
- L’action de Dieu était temporaire et de focalisation limitée.
Les références à Dieu qui endurcit le cœur de Pharaon apparaissent toutes comme ayant un but spécifique : pour prolonger la rencontre de pouvoir entre Dieu et Pharaon jusqu’à temps qu’il soit clair pour tous que Pharaon est un simple mortel et que Yahweh, est Dieu. Douglas K. Stuart commente utilement ici en disant :
« Le fait que Dieu cause à Pharaon d’être têtu n’est pas présenté dans le narratif comme un phénomène général permanent (élection éternelle ou rejet) mais plutôt une action ad hoc de Dieu, temporaire en nature (i.e. l’esprit de Pharaon n’a pas été têtue de manière permanente pour qu’il n’y ait pas de possibilité de se repentir plus tard dans la vie) et est limité au but spécial d’humilier les Égyptiens et leur fausse religion. »
Donc, nous avons raison d’observer le principe ici: Dieu est souverain même sur le cœur des êtres humains et il peut les tourner et les endurcir de manière particulière pour l’accomplissement de ses buts divins. Toutefois, nous voudrions consulter une variété d’autres passages avant de se poser sur une compréhension particulière de la tension entre la souveraineté de Dieu et le libre arbitre humain.
Commentaire apostolique
L’apôtre Paul se réfère à ce scénario dans le livre d’Exode dans son épître aux Romains. Il dit:
Que dirons-nous donc? Y a-t-il en Dieu de l’injustice? Loin de là! Car il dit à Moïse: Je ferai miséricorde à qui je fais miséricorde et j’aurai compassion de qui j’ai compassion. Ainsi donc, cela ne dépend ni de celui qui veut, ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. Car l’Écriture dit à Pharaon: Je t’ai suscité à dessein pour montrer en toi ma puissance, et afin que mon nom soit publié par toute la terre. Ainsi, il fait miséricorde à qui il veut, et il endurcit qui il veut. (Romains 9.14-18)
La première chose que nous devrions noter est que Paul est pressé de justifier Dieu devant les accusations potentielles d’injustice. Il est conscient qu’avoir parlé si ardemment à propos de la souveraineté de Dieu aurait probablement exposé Dieu à des accusations d’injustice. Si Dieu est la cause de tout, alors comment est-il juste en en recevant quelques-uns et en condamnant les autres? Y-a-t-il de l’injustice du côté de Dieu?
« Que dirons-nous donc? Y a-t-il en Dieu de l’injustice? Loin de là! » (Romains 9.14)
Donc, peu importe comment nous interprétons l’interaction entre la souveraineté divine et la responsabilité morale humaine, elle ne doit jamais être énoncé d’une manière à ce que Dieu paraisse comme injuste. Dieu ne pousse personne à pécher. À aucun point dans l’histoire Pharaon est présenté comme voulant être raisonnable et miséricordieux, mais comme étant contrarié par un Dieu qui interfère. Cette préoccupation n’est pas unique aux interprétateurs Chrétiens; le commentateur Juif Nahum Sarna est également empathique:
“La culpabilité personnelle de Pharaon est incontestable.”
Pharaon était arrogant.
Pharaon croyait qu’il avait un pouvoir supérieur.
Pharaon pensait être lui-même un dieu!
Ces péchés faisaient déjà partie du caractère essentiel de Pharaon avant que Dieu soit présenté dans le narratif comme agissant directement sur le cœur de Pharaon dans le chapitre 9. Donc, il ne peut y avoir aucune charge d’injustice contre Dieu.
Ce que Paul suggère dans ce passage est que Dieu a agi sur Pharaon de manière à mieux démontrer son propre pouvoir et sa majesté devant les nations. En effet, la Bible est prudente d’enregistrer les effets de cette démonstration sur les gens aussi loin que la terre de Canaan. Lorsque Rahab a donné refuge aux espions Israélites, elle a indiqué une connaissance précédente de l’œuvre salvatrice de Dieu en Égypte comme une partie de la raison pour l’avoir fait:
« Et leur dit: L’Éternel, je le sais, vous a donné ce pays, la terreur que vous inspirez nous a saisis, et tous les habitants du pays tremblent devant vous. Car nous avons appris comment, à votre sortie d’Égypte, l’Éternel a mis à sec devant vous les eaux de la mer Rouge, et comment vous avez traité les deux rois des Amoréens au-delà du Jourdain, Sihon et Og, que vous avez dévoués par interdit. Nous l’avons appris, et nous avons perdu courage, et tous nos esprits sont abattus à votre aspect; car c’est l’Éternel, votre Dieu, qui est Dieu en haut dans les cieux et en bas sur la terre. » (Josué 2.9-11)
Dans Romains 9 l’Apôtre Paul note que Dieu est souverain, libre et juste dans ses actions avec respect avec les êtres humains. Il était juste dans ses relations avec Pharaon. Pharaon croyait qu’Il était un dieu et a alors agi cruellement envers les Israélites. Il était adéquat et juste pour Dieu de faire de son humiliation une expérience prolongée et prononcée. Dieu était miséricordieux dans ses actions envers les Hébreux. Ils étaient abattus et dans un esclavage cruel et Dieu les a libérés.
Voici qui Dieu est – et c’est ce que Dieu se déclare être dans le livre d’Exode. Le Seigneur a dit à Moïse lorsqu’il s’est caché dans la fente d’un rocher:
« L’Éternel répondit: Je ferai passer devant toi toute ma bonté, et je proclamerai devant toi le nom de l’Éternel; je fais grâce à qui je fais grâce, et miséricorde à qui je fais miséricorde. » (Exode 33.19)
Toute personne mérite d’être traitée selon leur caractère essentiel et leur nature – et certains seront, comme Pharaon était. Mais Dieu, dans sa souveraine liberté, démontrera une miséricorde particulière à certains.
Aux humbles.
Aux captifs.
Aux pauvres.
Et à l’esclave.
Parce que c’est ce que Yahweh est – Grâces soient rendues à Dieu!
Cet article a été initialement publié sur The Gospel Coalition Canada. La traduction est publiée ici avec permission.
Paul est l'heureux mari de Shauna Lee et le fier papa de 5 beaux enfants, Madison, Max, Mikayla, Peyton et Noa. Il a fréquenté le Moody Bible Institute et est diplômé de l'Université York (B.A.) et du McMaster Divinity College (MDiv). Il est dans le ministère pastoral depuis 1994, servant à la fois dans les églises Fellowship et Canadian Baptist à Oakville, Mississauga et Orillia, Ontario Canada. Il est actuellement le pasteur principal de la Cornerstone Baptist Church, Orillia, une grande église à plusieurs membres du personnel passionnée par la prédication biblique et la mission locale. Il est l'hôte et le professeur de Bible du podcast « Into The Word ». Twitter: @pastrpaulcarter.