Approchant la montagne de Dieu: Exode 19 et la nature du pentateuque

Presque cinquante jours après la première Pâques et leur délivrance miraculeuse de l’esclavage, les enfants d’Israël arrivent au mont Sinaï dans le désert quelque part à l’est de l’Égypte. Nous pouvons lire cette histoire dans Exode 19 et les chapitres qui suivent. Terrifiés, épuisés, et complètement incertains de ce qui les attend, ils camperont à la base de cette montagne pendant presqu’un an. La présence de Dieu lui-même descend pour sceller une relation d’alliance avec son peuple. L’Éternel apparait et parle et les change pour toujours – c’est la première Pentecôte.

Est-ce que nous expérimentons la réalité qu’Exode 19 nous dépeint aujourd’hui? Si oui, comment? Où pouvons-nous aller pour nous rencontrer avec Dieu?

Exode 19 nous montre que nous pouvons expérimenter la réalité théologique que le texte dépeint. Dieu se révèle à toi à travers l’histoire de sa relation avec Israël qui est préservée pour nous dans une collection d’anciens textes hébreux. Cette collection de textes est le Pentateuque (et, en réalité, tout l’Ancien Testament). Ceci est la première publication d’une série de 10 sections sur la théologie du Pentateuque que je suis en train d’adapter de la matière que j’enseigne à William Tennent School of Theology.

Pour comprendre ce qu’est le Pentateuque, et comment il fonctionne, nous pouvons penser à trois « horizons » ou « mondes » du texte. Il y a le monde dans le texte, le monde derrière le texte, et le monde qui se trouve devant le texte.

Le monde qui est dans le texte: Dieu, Moïse, et Israël

Exode 19 est un paratonnerre théologique pour notre compréhension des Écritures parce que dans ce texte nous voyons la convergence des actions de Dieu et sa révélation pour nous. Le premier acte en vue est l’action puissante de Dieu de la rédemption:

Exode 19.3-4
« Moïse monta vers Dieu; et l’Éternel l’appela du haut de la montagne, en disant: Tu parleras ainsi à la maison de Jacob, et tu diras aux enfants d’Israël:  Vous avez vu ce que j’ai fait à l’Égypte, et comment je vous ai portés sur des ailes d’aigle et amenés vers moi. »

La seule raison pour laquelle ils se trouvent à cette montagne est que Dieu les a sauvés de l’esclavage en Égypte. La prochaine action de Dieu les changera dans un peuple unique avec un but unique en entrant dans une alliance avec eux.

Exode 19.5-6
« Maintenant, si vous écoutez ma voix, et si vous gardez mon alliance, vous m’appartiendrez entre tous les peuples, car toute la terre est à moi; vous serez pour moi un royaume de sacrificateurs et une nation sainte. Voilà les paroles que tu diras aux enfants d’Israël. » 

Mais remarquez aussi qu’il y a une troisième action à l’œuvre ici – un acte de parole – « Voilà les paroles que tu diras aux enfants d’Israël. » Ce n’est pas seulement que Dieu rachète son peuple et qu’il apparaît devant eux (action), mais il apparaît pour leur parler (interprétation). Les paroles que Dieu dit à partir de la montagne interprètent ses actions pour le peuple : puisque je vous ai sauvés, vous serez maintenant mon peuple spécial; puisque je vous ai sauvés, vous allez maintenant vivre de cette manière.

Après une période de préparation et purification rigoureuse, l’Éternel descend. Pour sa quatrième action, une théophanie, Dieu apparait sur la montagne.

Exode 19.16-20
« 16 Le troisième jour au matin, il y eut des coups de tonnerre, des éclairs, et une épaisse nuée sur la montagne; le son de la trompette retentit fortement; et tout le peuple qui était dans le camp fut saisi d’épouvante. 17 Moïse fit sortir le peuple du camp, à la rencontre de Dieu; et ils se placèrent au bas de la montagne. 18 Le mont Sinaï était tout en fumée, parce que l’Éternel y était descendu au milieu du feu; cette fumée s’élevait comme la fumée d’une fournaise, et toute la montagne tremblait avec violence. 19 Le son de la trompette retentissait de plus en plus fortement. Moïse parlait, et Dieu lui répondait à haute voix. 20 Ainsi l’Éternel descendit sur le mont Sinaï, sur le sommet de la montagne; l’Éternel appela Moïse sur le sommet de la montagne. Et Moïse monta. »

La puissance étourdissante de cette scène est capturée dans les contradictions. Un coup de trompette – un son humain – tonne au-dessus du tonnerre à partir d’une place où il n’y a pas d’humains. L’Éternel est présent dans le feu, et toutefois des ténèbres impénétrables entourent la montagne. À partir de cette manifestation bouleversante de gloire, l’Éternel parle, et il prononce les Dix Commandements, un sommaire des exigences de l’alliance.

Exode 20.1 …
Alors Dieu prononça toutes ces paroles, en disant…

Dans une lecture simple de ce texte, l’Éternel dit ces paroles directement au peuple, mais la vue et les bruits les ruinent. Leur nature fragile est bouleversée et comme Adam dans le Jardin, ils reculent devant la présence de l’Éternel.

Exode 20.18-21 (cf. 19:9)
« 18 Tout le peuple entendait les coups de tonnerre et le son de la trompette; il voyait les flammes de la montagne fumante. À ce spectacle, le peuple tremblait, et se tenait dans l’éloignement. 19 Ils dirent à Moïse: Parle-nous toi-même, et nous écouterons; mais que Dieu ne nous parle point, de peur que nous ne mourions. 20 Moïse dit au peuple: Ne vous effrayez pas; car c’est pour vous mettre à l’épreuve que Dieu est venu, et c’est pour que vous ayez sa crainte devant les yeux, afin que vous ne péchiez point. 21 Le peuple restait dans l’éloignement; mais Moïse s’approcha de la nuée où était Dieu. »

Mais voyez-vous comment Moïse interprète le but de ce qu’ils sont en train d’expérimenter? Tout ce qui est devant vous, les vues et les sons qui se déversent sur vous, a comme dessein de vous attirer dans une sorte spéciale de relation avec Dieu, une relation dans laquelle vous vous approchez de lui, vous confiant en lui dans la foi.

Les actions et les paroles de Dieu convergent à Sinaï pour former les israélites dans un peuple qui portera son nom. Ceci est la réalité historique de l’Ancien Testament, le monde à l’intérieur du texte.

Mais le peuple se tient loin.

Le monde derrière le texte: le Livre de l’Alliance 

Donc, autant les actions que les paroles de Dieu ont lieu à l’intérieur de l’histoire, dans un temps et un lieu réels. Mais elles sont enregistrées pour nous comme une collection diverse de littérature ancienne. Ceci est la réalité littéraire du Pentateuque, le monde derrière le texte. En d’autres mots, le processus derrière lequel nous arrivons à lire ce texte, le processus à travers lequel nous pouvons expérimenter Sinaï avec les israélites, est un processus littéraire.

Le moment où Dieu parle sur la montagne au peuple d’Israël et le moment où cet évènement est enregistré et interprété pour « les générations de ceux qui l’aiment », ne sont pas le même moment. Dans le monde derrière le texte, Moïse enregistre les paroles de Dieu (voir Exode 24.3-4). Ce « Livre de l’Alliance » (comme l’appelle Exode 24.7) représente la semence, le noyau littéraire-historique, du Pentateuque. Il préserve non seulement les actions de rédemption de Dieu (l’évènement), mais aussi leur signification pour nous (interprétation). 

Les actions salvifiques et les paroles révélatrices de Dieu dans leur forme écrite en tant qu’Écritures ont un intérêt qui s’étend bien au-delà de l’intérêt du monde à l’intérieur du texte. Elles incluent les spectateurs et les buts qui dépassent le moment original.

Le monde devant le texte: le Pentateuque au temps présent

Avez-vous remarque qu’Exode 19 vous inclut? Le but de l’apparence de Dieu était que « le peuple entende » et ·qu’il ait toujours confiance en lui (19.9).  Comme Bruce Waltke mentionne, « Le Nouveau Testament représente l’Ancien Testament comme étant ce que Dieu dit (et non pas qu’il a dit) à nous (et non pas à eux). » Les Apôtres ont une croyance claire et forte que nous entendons l’Éternel nous parler directement dans les mots de l’Ancien Testament (1 Cor 9.9-10; Héb 12.5-6). Comme l’auteur de l’épître aux Hébreux le dit à ses lecteurs, dans le temps présent, « Aujourd’hui, si vous entendez sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs » (Ps 95.7-11; Héb 3.7, 15; 4.7). Ceci est la réalité théologique du Pentateuque, le monde devant le texte. Quand Dieu est apparu à son peuple sur cette montagne-là, il y est apparu pour vous.

Hébreux 12.18-25, 28-29
« 18 Vous ne vous êtes pas approchés d’une montagne qu’on pouvait toucher et qui était embrasée par le feu, ni de la nuée, ni des ténèbres, ni de la tempête, 19 ni du retentissement de la trompette, ni du bruit des paroles, tel que ceux qui l’entendirent demandèrent qu’il ne leur en soit pas adressé une de plus; 20 car ils ne supportaient pas cette déclaration: Même si une bête touche la montagne, elle sera lapidée. 21 Et ce spectacle était si terrible que Moïse dit: Je suis épouvanté et tout tremblant! 22, Mais vous vous êtes approchés de la montagne de Sion, de la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, des myriades qui forment le chœur des anges, 23 de l’assemblée des premiers-nés inscrits dans les cieux, du juge qui est le Dieu de tous, des esprits des justes parvenus à la perfection, 24 de Jésus qui est le médiateur de la nouvelle alliance, et du sang de l’aspersion qui parle mieux que celui d’Abel.

25 Gardez-vous de refuser d’entendre celui qui parle; car si ceux qui refusèrent d’entendre celui qui publiait des oracles sur la terre n’ont pas échappé, combien moins échapperons-nous, si nous nous détournons de celui qui parle du haut des cieux… 28 « C’est pourquoi, recevant un royaume inébranlable, montrons notre reconnaissance en rendant à Dieu un culte qui lui soit agréable, avec piété et avec crainte, 29 car notre Dieu est aussi un feu dévorant. »

Quand vous ouvrez votre Ancien Testament pour lire un passage comme Exode 19, vous entrez dans la réalité spirituelle qu’elle décrit comme ayant lieu sur la montagne parce que Dieu est présent pour vous en Christ par le Saint-Esprit. De la manière dont j’encadre cette définition, tel que je la vois révélée dans ce texte, le monde à l’intérieur du texte (la réalité historique) et le monde derrière le texte (la réalité littéraire) nous servent – nous, le monde devant le texte (la réalité théologique).

Il y a un récit dans l’histoire de l’Église qui embouteille cette foudre. Blaise Pascal est né en 1623 en France. Le monde était en train de changer rapidement. La Réforme avait renversé la manière dont l’Europe se portait envers Dieu, et la Renaissance de l’érudition conduisait tranquillement à de nouvelles manières d’expérimenter et de penser au sujet du monde que nous appelons maintenant les Lumières. À l’âge de 31 ans, Blaise Pascal avait déjà cimenté sa place dans les annales de l’histoire scientifique et l’érudition des Lumières :

À l’âge de 19 ans, Pascal faisait des expériences originales dans les mathématiques et la science physique. Afin d’aider son père, qui était un percepteur d’impôts, il a inventé le premier dispositif de calcul (quelques-uns l’appellent le premier ‘ordinateur’) connu comme ‘la Pascaline’. Avec cette dernière invention, il s’était fait une renommée (à l’âge de 19 ans!) et a commencé sa carrière scientifique très diversifiée. Il a vérifié les théories de Galileo et de Torricelli (qui a découvert les principes du baromètre), culminant dans la fameuse loi des hydrauliques qui affirme que la pression sur la surface d’un fluide se transmet également à chaque point dans le fluide. Il a ajouté des documents importants sur le vacuum, sur le poids et la densité de l’air, et le triangle mathématique. Il a développé la théorie de la probabilité, qui est encore utilisée de nos jours. Il a inventé la seringue, l’ascenseur, et on lui donne le crédit pour avoir inventé la première montre-bracelet et pour avoir dressé la carte de la première route d’autobus à Paris.

À ce point dans sa vie, Pascal avait tâté dans la religion, mais son engagement aux mathématiques et à la science physique passait avant tout. Vers la fin de ses vingtaines, il a régressé dans ce qu’il a appelé « une période mondaine ». Une nuit, toutefois, quand il avait 31 ans, il a eu une expérience mystique qui l’a changé pour toujours. Aussitôt que c’était terminé, il a écrit la note suivante, une impression crue de cette nuit-là:

L’an de grâce 1654, lundi, 23 novembre, jour de Saint Clément, pape et martyr, et autres au Martyrologe, Veille de saint Chrysogone, martyr, et autres, depuis environ dix heures et demie du soir jusqu’à environ minuit et demi
FEU
Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob,
non des philosophes et des savants
Certitude. Certitude. Sentiment, Joie, Paix
Dieu de Jésus-Christ,
Ton Dieu sera mon Dieu
Oubli du monde et de tout, hormis Dieu
Il ne se trouve que par les voies enseignées dans l’Évangile
Grandeur de l’âme humaine
Père juste, le monde ne t’a point connu, mais je t’ai connu
Joie, Joie, Joie, pleurs de joie
Je m’en suis séparé
Mon Dieu, me quitterez-vous?
que je n’en sois pas séparé éternellement.
Cette est la vie éternelle, qu’ils te connaissent seul vrai Dieu,
et celui que tu as envoyé,
Jésus-Christ
Jésus-Christ,
Jésus-Christ,
Je m’en suis séparé ; je l’ai fui, renoncé, crucifié,
que je n’en sois jamais séparé
Il ne se conserve que par les voies enseignées dans l’Évangile
Renonciation totale et douce
Soumission complète à Jésus-Christ et à mon directeur.
Joie éternelle pour l’exercice d’un jour sur la terre.
Que je n’oublie jamais tes paroles. Amen. [Ps119:16]

Il a donné comme titre à cette note « Mémorial » et l’a cousu dans la doublure de son veston au-dessus de son cœur où elle a demeuré jusqu’à ce qu’il meure seulement huit ans plus tard à l’âge de 39 ans – son propre petit document privé d’alliance. L’héritage qu’il a laissé des huit dernières années de sa vie n’était pas des découvertes scientifiques (tristement?), mais une œuvre profonde non terminée de philosophie théologique et d’apologétique connue simplement comme « les Pensées ». Dans cette œuvre il a écrit, « Le cœur a ses raisons que le raisonnement ne connaît pas. »

Rencontrer l’Éternel et l’entendre parler, ça nous change. Interpréter les Écritures c’est entrer dans une conversation théologique qui fait la connexion à partir du cœur du Dieu Trinitaire à Moïse à l’auteur de l’épître aux Hébreux aux Pères de l’Église à des génies de la mathématique comme Blaise Pascal, et à toi – avec ta Bible dans les mains, que tu sois assis dans ton fauteuil préféré à la maison, ou debout devant ton église. 

Tu t’approches à l’Éternel pour l’entendre te parler depuis les nuées. En effet, ta capacité d’ouvrir ta Bible et de lire ce passage est un résultat direct de la réalité historique et spirituelle dont nous lisons dans le texte – les actions et les paroles rédemptrices qui convergent. L’Éternel a racheté son peuple. L’Éternel parle à son peuple. Ce n’est rien de facile. Tu aurais le droit d’en être terrifié (19.16; 20.18-19). Tu dois t’examiner (19.10-11). Tu dois écouter et répondre (19.8). Mais dans les ténèbres, la fumée, et le feu, Christ est en train de t’adresser une invitation : approche-toi à cette montagne, et je t’y rencontrerai.


Seigneur, je te remercie que tu es notre Seigneur qui apparait à nous et qui nous parle. Que nous puissions apprendre à nous approcher à la montagne de ta Parole avec une due révérence, sachant que nous entendons ta voix. Mais que nous ne manquions pas de nous approcher, sachant que tu nous appelles à nous approcher en Christ. Attire-nous dans une vraie relation avec toi qui nous transforme.


Cet article a été initialement publié dans la série Splintered Light. La traduction est publiée ici avec permission.

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Alex Kirk est un partenaire ministériel de Training Leaders International, professeur invité d'Ancien Testament à la William Tennent School of Theology et doctorant en théologie et religion (Ancien Testament / Bible hébraïque) à l'Université de Durham. Il enseigne partout dans le monde et écrit un bulletin mensuel sur la vie, le ministère et les Écritures appelé SPLINTERED LIGHT. Alex et sa femme, Meghan, vivent dans le nord-est de l'Angleterre avec leurs trois filles.