Genèse 3, la nudité et la nature de la chute

Nus et sans honte

Dans l’interprétation influente de Jordan Peterson de Genèse 3, l’histoire de la chute, il se concentre sur un aspect de l’histoire qui est souvent négligé dans les études théologiques : la nudité. Ce thème émerge tout premièrement dans Genèse 2.25. 

Genèse 2.25
Et l’homme et sa femme étaient tous deux nus, et ils n’avaient point honte. 

La nudité sans la honte représente la manière dont les Écritures dépeignent la vie dans le jardin. Est-ce que ce détail saisissant pourrait être une clé interprétative pour comprendre la nature théologique de la chute ? Quelle est l’association entre la nudité et la honte?

Connaître le bien et le mal

Considérez ce que le serpent promet à la femme. Que pense-t-elle pouvoir gagner en mangeant le fruit? Le serpent lui promet que le fruit défendu « ouvrira ses yeux » et lui donnera la connaissance divine. 

Genèse 3.5
Mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous serez comme Dieu, connaissant le bien et le mal.

Après avoir mangé, les mots du serpent deviennent réalité, étant accompagnés d’une torsion cruelle. La connaissance divine ne devient rien de mieux que la conscience de soi – ce sentiment d’affaissement que vous êtes sur la scène et sans vêtements. 

Genèse 3.7a
Les yeux de l’un et de l’autre s’ouvrirent, ils connurent qu’ils étaient nus

Maintenant, avant de se presser à conclure que le serpent leur a tout simplement menti, remarquez que Dieu confirme que ce que le serpent leur a promis est effectivement devenu réalité.

Genèse 3.22
L’Éternel Dieu dit: Voici, l’homme est devenu comme l’un de nouspour la connaissance du bien et du mal.

Alors, il semble que la « connaissance du bien et du mal » et la connaissance de notre nudité sont fondamentalement liées, mais que veut dire réellement la « connaissance du bien et du mal »? Le passage de 2 Samuel 14.17-20 est tout simplement un des quelques passages qui fait mention de cette expression :

2 Samuel 14.17-20
« Ta servante a dit: ‘Que la parole de mon seigneur le roi me donne le repos.’ Car mon seigneur le roi est comme un ange de Dieu, prêt à entendre le bien et le mal » Le roi répondit, et dit à la femme: « Ne me cache pas ce que je vais te demander. » Et la femme dit: « Que mon seigneur le roi parle! » Le roi dit alors: « La main de Joab n’est-elle pas avec toi dans tout ceci? » Et la femme répondit: « Aussi vrai que ton âme est vivante, ô roi mon seigneur, il n’y a rien à droite ni à gauche de tout ce que dit mon seigneur le roi. C’est, en effet, ton serviteur Joab… Mais mon seigneur est aussi sage qu’un ange de Dieu, pour connaître tout ce qui se passe sur la terre. »

Voici que la femme sage de Tekoa flatte David en exaltant ses forces de discernement et sa capacité à prendre de bonnes décisions. L’habileté de David à discerner le bien et le mal est synonyme à l’habileté de savoir toutes choses, et ces deux qualités sont des qualités divines, comme l’ange de Dieu. Maintenant, ça ne veut pas dire que David possédait l’omniscience divine. Toutefois, cela suggère que David possédait la connaissance adéquate pour régner au-dessus des autres – pour prendre des décisions et des jugements pour leur bien-être. Dans d’autres passages les très jeunes et les très vieux manquent de la « connaissance du bien et du mal », ce qui veut dire qu’ils n’ont pas la capacité de prendre des décisions pour eux-mêmes (Deut 1.39; Ésa 7.15-16; 2 Sam 19.35).

Être comme Dieu en ce qui a trait à connaître le bien et le mal est une façon de dire que quelqu’un possède l’intellect et la connaissance suffisante pour décider ce qui est mieux pour eux-mêmes. En mangeant le fruit, la femme tentait d’atteindre l’autonomie, la prérogative de décider pour elle-même ce qui est mieux. 

Savoir que nous sommes nus 

Dans la foulée de cette rébellion, la conscience de la nudité et de la honte envahissent l’homme et la femme.

Genèse 3.7
Les yeux de l’un et de l’autre s’ouvrirent, ils connurent qu’ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des ceintures.

Genèse 3.10-11
Il répondit: « J’ai entendu ta voix dans le jardin, et j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. Et l’Éternel Dieu dit: Qui t’a appris que tu es nu? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger? »

Dieu connecte immédiatement la conscience de l’homme de sa nudité avec le fait d’avoir mangé de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. En d’autres mots, le seul moyen que l’humanité pouvait saisir qu’ils étaient nus était de manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Pourquoi ces choses sont-elles connectées? Encore une fois, Jordan Peterson nous porte son aide. Il pointe que lorsque nous nous tenons nus devant une autre personne, nous nous offrons pour l’évaluation la plus douloureuse en exposant nos vulnérabilités les plus profondes de l’avant. Nos vulnérabilités physiques font miroir aux vulnérabilités émotionnelles et physiques que nous portons en nous tout le temps. Notre nudité est notre vulnérabilité. 

Ma fille, Rue, a trois ans. À travers ses journées, elle prononce les mots « Moi toute seule » comme un refrain. La plupart du temps en tant que parents, notre devoir est de se tenir à l’écart et de la laisser apprendre et se développer. Elle peut se servir ses propres céréales, mettre son manteau et son chapeau et descendre ses legos. Il y a cependant d’innombrables moments chaque jour où elle est bloquée et d’autres moments où elle ne réalise pas qu’elle se met en danger, et nous avons à intervenir (ex. le four est allumé; ce chien semble méchant). Si elle avait à faire son sac et à s’en aller par la porte d’entrée – en nous donnant son « Moi toute seule » suprême – elle ne survivrait probablement pas du tout. 

Ce qui arrive dans le jardin est que l’humanité, testée et trompée par le serpent, a décidé que nous préférerions nous débrouiller tout seuls plutôt que de faire confiance à la provision de Dieu. Aussitôt que l’humanité décide de se débrouiller toute seule, tout à coup notre nudité – notre vulnérabilité – devient notre problème. Alors le serpent n’avait pas tort, mais le mensonge est que « devenir comme Dieu, connaissant le bien et le mal » est quelque chose auquel les êtres humains devraient aspirer. Si vous choisissez d’être comme Dieu vous demandez alors d’être responsable de votre propre vulnérabilité, votre faiblesse, votre finitude et vos inaptitudes – vous choisissez une vie d’anxiété à propos du futur. Choisir d’être comme Dieu c’est prendre la place de Dieu. Vous devenez votre propre idole.

Notre rébellion nous laisse inévitablement isolés – d’autres humains et de Dieu – parce que lorsque nous sommes sévèrement conscients de nos vulnérabilités, nous nous précipitons à nous défendre à tout prix. Nous n’avons plus honte. Maintenant notre vulnérabilité, symbolisée par la nudité, nous fait honte. Et nous craignons profondément la honte. Lorsque l’homme et la femme ont fait des vêtements à partir des feuilles de figue, c’était un essai pathétique et vain de cacher leur vulnérabilité et de se protéger. C’est là la rupture de la confiance et de la dépendance envers Dieu. 

Il vaut la peine d’accorder de la réflexion et de la prière sur comment vous saisissez la « connaissance du bien et du mal » pour vous-mêmes et comment vous vous « cousez des feuilles de figue ». Où êtes-vous en train de rejeter la protection bénévolente de Dieu en fabriquant des solutions inadéquates? 

Relation restauratrice 

En nous focalisant sur notre nudité comme une clé interprétative, nous pouvons voir que la rupture de la relation de l’humanité avec Dieu est un élément central de la chute. Mais les relations ne sont jamais d’un seul côté, alors il y a une dimension d’espoir dans l’histoire. Dieu vient vers nous en prenant ses propres pas pour nous protéger et pour reconstruire la relation. Il y a plusieurs manières subtiles dont le Seigneur fait cela vers la fin du chapitre, mais si nous nous concentrons sur la nudité, sa provision des vêtements est assurément la plus frappante.

Genèse 3.21
L’Éternel Dieu fit à Adam et à sa femme des habits de peau, et il les en revêtit.

Comme la contrepartie à l’homme et la femme qui ont cousu des feuilles de figues ensemble, cet acte symbolique démontre que Dieu gardera pour l’humanité une position de protection et de provision. Même après notre rébellion, le Seigneur ne nous laisse pas nous débrouiller nous-mêmes, mais il couvre nos faiblesses. Il n’abandonnera pas son peuple même si nous l’abandonnons. Dieu vient vers l’humanité. Alors que nous le faisons encore confiance, nous commençons à réduire la souffrance et à restaurer la relation (Jac 4.6-10; Matt 6.25-34). 


Seigneur, nous te louons parce que tu viens vers nous même quand nous nous rebellons contre toi. Que nous puissions te faire confiance même lorsque nous manquons d’une vue compréhensive du monde. Nous confessons, Seigneur, que tes lois sont pour notre bien et nous amènent la vie et non la mort. Garde-nous de nous cacher derrière des feuilles de figues – aide- nous à vivre nu et sans honte dans ta présence.


Cet article a été initialement publié dans la série Splintered Light. La traduction est publiée ici avec permission.

Site Web | Plus de publications

Alex Kirk est un partenaire ministériel de Training Leaders International, professeur invité d'Ancien Testament à la William Tennent School of Theology et doctorant en théologie et religion (Ancien Testament / Bible hébraïque) à l'Université de Durham. Il enseigne partout dans le monde et écrit un bulletin mensuel sur la vie, le ministère et les Écritures appelé SPLINTERED LIGHT. Alex et sa femme, Meghan, vivent dans le nord-est de l'Angleterre avec leurs trois filles.