Irving Hexham, À la rencontre des religions du monde : une évaluation chrétienne des grandes traditions religieuses, trad. Marie-Andrée Gagnon, Impact Académia, 2021, p. 227-228, 231-233.
Lorsque Jésus a envoyé ses disciples dans le monde, il leur a confié le Grand Mandat : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit » (Matt 28.19). Les chrétiens étaient tenus de prêcher la « bonne nouvelle du royaume […] dans le monde entier ». Alors seulement « viendra la fin » (Matt 24.14).
Aujourd’hui, nous avons encore l’obligation de proclamer l’Évangile. Il existe cependant une grande différence entre notre époque et celle des débuts de l’évangélisation. Depuis la fin du dix-huitième siècle, les chrétiens affrontent une propagande antichrétienne croissante. Au début, cette propagande a pris la forme d’attaques rationalistes contre les croyances chrétiennes, l’existence de Dieu et la fiabilité de la Bible. Ces attaques ont par la suite pris des dimensions psychologiques et sociales qui incluaient la reconnaissance d’autres religions en tant qu’argument contre la foi chrétienne. Vers la fin du dix-neuvième siècle, les théosophistes sont allés plus loin en prônant activement les vertus des autres grandes religions du monde. Par conséquent, nous avons maintenant pour double tâche de défendre notre foi et de proclamer l’Évangile.
Beaucoup de bonnes personnes vivent sans Christ. Comme l’Église primitive et les missionnaires chrétiens l’ont toujours reconnu, il existe de « bons païens », ou, en termes actuels, membres d’autres traditions religieuses qui sont bons. Les chrétiens ont beaucoup en commun avec eux en tant que citoyens du monde contemporain et ont l’obligation de leur annoncer l’Évangile de Christ d’une manière leur permettant de le comprendre et de lui accorder de la valeur.
Cela signifie que si nous souhaitons préserver notre propre intégrité, nous devons comprendre ce en quoi ils croient et pourquoi, les respecter, et ne pas condamner aveuglément leurs croyances et leurs pratiques.
Il importe de ne pas oublier ce qui sépare les chrétiens et le christianisme d’autres traditions religieuses et de leurs adeptes : notre Dieu est un Dieu personnel, et il nous a créés à son image par amour pour nous. En effet, les doctrines comme celle de la Trinité revêtent une très grande importance parce qu’elles nous révèlent que l’amour, la personnalité et la communication existaient en Dieu avant même la Création. Les gens ont tort d’affirmer que « toutes les religions sont les mêmes »…
La marche à suivre
Dès le début, les chrétiens ont développé trois techniques de communication efficaces pour propager l’Évangile, que l’Église a adoptées avec un franc succès. Premièrement, ils ont reconnu que Jésus reviendrait, mais qu’il a clairement indiqué que nous ne savions pas quand son retour se produirait. Les chrétiens doivent entretenir une vision à long terme et bâtir pour l’avenir (Matt 24).
Les chrétiens ont acquis le savoir-faire nécessaire pour soigner les malades, ce qui, malgré les compétences que possédaient les médecins de l’Antiquité, était une aptitude nouvelle et transformatrice de la vie. Ils ont également fondé des orphelinats et des hospices pour servir tant les jeunes que les personnes âgées. Comme le démontrent les formidables cathédrales européennes, ils planifiaient l’avenir en créant des institutions et en construisant des bâtiments en vue des futures générations. On a mis des centaines d’années à bâtir certaines églises et cathédrales.
Deuxièmement, les chrétiens ont développé des arguments rationnels et logiques du christianisme fondés sur la présentation de preuves. Au début de l’Évangile selon Luc, nous lisons ceci :
Plusieurs ayant entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, suivant ce que nous ont transmis ceux qui ont été des témoins oculaires dès le commencement et sont devenus des ministres de la parole, il m’a aussi semblé bon, après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses depuis leur origine, de te les exposer par écrit d’une manière suivie, excellent Théophile, afin que tu reconnaisses la certitude des enseignements que tu as reçus. (Luc 1.1‐4)
Depuis le début, les chrétiens insistent sur la véracité de leurs affirmations. Une étude de l’histoire intellectuelle de l’Occident démontre que les chrétiens Augustin d’Hippone (354-430), Bède le Vénérable (672-735), Anselme de Cantorbéry (1033-1109), Thomas d’Aquin (1225-1274), Martin Luther (1483-1546), Jean Calvin (1509-1564), Jonathan Edwards (1703-1758), Charles Hodge (1797-1878) et Abraham Kuyper (1837-1920) étaient non seulement des prédicateurs exceptionnels, mais aussi à l’avant-garde de la vie intellectuelle de leur époque. Ils ont pris au sérieux les idées qui prévalaient alors et ont jonglé avec elles.
Troisièmement, les chrétiens ont interagi avec la société d’alors en tant que réformateurs ayant façonné la vie de millions de personnes et ayant créé des cultures que même leurs détracteurs admiraient. Ce faisant, ils ont cherché à changer la société au fil de réformes graduelles. Leur opposition implicite à l’esclavage, dont les résultats ont mis des siècles à commencer à apparaître, en constitue d’ailleurs un bon exemple. Malheureusement, l’esclavage a repris vers la fin du seizième siècle et au dix-septième siècle, mais un autre mouvement chrétien anti-esclavage a émergé, ce qui a conduit à l’abolition de l’esclavage en Europe et dans les Amériques avant la fin du dix-neuvième siècle.
Il est regrettable qu’après la Réforme, l’approche intégrée à l’évangélisation soit presque tombée aux oubliettes et que les chrétiens se soient mis à favoriser les conversions instantanées. Pendant environ cinq cents ans, cette méthode a bien fonctionné au sein de sociétés solidement ancrées dans la tradition chrétienne et les histoires bibliques. De nos jours, ce n’est toutefois plus le cas. Nous devons plutôt retourner à une forme d’évangélisation plus ancienne et plus lente. Cela signifie qu’il nous faut opter pour une vision à long terme, bien faire valoir des arguments rationnels et vivre manifestement selon les enseignements bibliques. Nous devons aussi reconnaître que les chrétiens sont la cible d’une guerre de propagande visant à détruire l’Église.
Étant donné que beaucoup de chrétiens ignorent les réalisations passées de l’Église, ils se laissent facilement intimider par leurs détracteurs et ont tendance à avoir honte des comportements dont ces derniers accusent leurs prédécesseurs. Pour assurer la paix d’esprit des croyants, les Églises doivent instruire leurs membres au sujet de leur foi comme c’était le cas auparavant. Les chrétiens doivent transmettre leur foi à leurs enfants et interagir avec les membres d’autres religions. La tâche qui nous incombe est de taille, mais comme le démontre son histoire, l’Église a déjà vécu des situations semblables. Nous devons laisser briller notre lumière devant tous, afin qu’ils voient nos bonnes œuvres et en glorifient Dieu (Matt 5.16).
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À la rencontre des religions du monde
Irving Hexham
Irving Hexham (Ph. D., University of Bristol) est professeur d’études religieuses à l’université de Calgary et professeur adjoint de christianisme mondial à l’université de Liverpool Hope. Il a publié des ouvrages universitaires, des articles académiques de grande importance, des articles de vulgarisation et des critiques de livres. Il a rédigé, entre autres, un rapport pour l’agence des Nations unies pour les réfugiés sur les conflits religieux en Afrique et un autre pour le ministère du Patrimoine canadien sur les publications religieuses au Canada.