La Bible est remplie de poésie. Les Psaumes, il est bien connu, sont une collection de chants en forme poétique, mais la poésie n’est pas limitée au livre des Psaumes. Le premier poème de la Bible est un chant d’amour écrit par Adam pour sa femme (Gn 2.23-34). Les prophètes ont utilisé la poésie pour exprimer le message de Dieu dans toute sa beauté et sa puissance. Même les auteurs du Nouveau Testament ont imité par moments la même forme de poésie qu’on trouve dans l’Ancien (ex. Luc 1.46-55). Toutefois, afin de bien lire la poésie biblique, il faut que l’on comprenne sa structure.
La poésie hébraïque
La poésie hébraïque s’écrit en vers; un vers peut être isolé afin d’indiquer la fin d’un regroupement, ou au début d’une section. Plus souvent, les vers sont organisés en groupes de deux à quatre lignes poétiques (un groupe de deux vers est « un distique », trois « un tercet » et quatre « un quatrain »). En 1753, Robert Lowth a développé un système pour mieux comprendre la poésie hébraïque, le parallélisme.1 Selon Lowth, le parallélisme peut être synonyme, antithétique ou synthétique. De plus, si les lignes parallèles incluent les mêmes éléments grammaticaux (par exemple : un sujet, un verbe et un complément d’objet direct), on considère qu’elles sont « complètes », mais si l’un des éléments est supprimé dans la deuxième ligne, elles sont dites « incomplètes ». Par exemple :
Ps 19.2 (les vers synonymes et complets)
Les cieux racontent la gloire de Dieu,
le firmament proclame l’œuvre de ses mains.
Pr 15.20 (les vers antithétiques et complets)
Un fils sage fait la joie de son père,
Et un homme insensé méprise sa mère.
Ps 41.2 (les vers synthétiques)
Mes ennemis parlent mal de moi :
Quand mourra-t-il ? Quand périra son nom ?
Plus récemment, Adelle Berlin a expliqué que si le système de Lowth est valable, il ne s’applique pas à tous les poèmes. Selon Berlin, il est préférable de voir les vers comme travaillant ensemble pour exprimer une idée.2 Dans Pr 15.20, les mères et les pères se réjouissent lorsque leurs enfants agissent avec sagesse. Alors que les vers semblent exprimer deux idées opposées, en réalité, ils fonctionnent ensemble pour exprimer une seule idée. La clé pour comprendre le message d’un regroupement est de reconnaître que les lignes suivantes répètent ou complètent l’idée dans les lignes qui précèdent.
Psaume 19 comme exemple
Le Psaume 19 donne un bon exemple d’une lecture améliorée de la Bible grâce à une compréhension accrue de la poésie. Dans Ps 19.2, on remarque que « les cieux » et « le firmament » sont utilisés comme des synonymes, tout comme « raconter » et « proclamer ». On peut donc en déduire que « la gloire de Dieu » est aussi utilisée comme un synonyme pour « l’œuvre de ses mains »; Dieu a manifesté sa gloire par sa création. Les versets 2-7 enseignent la « théologie naturelle » sous forme de poésie. (Paul exprime la même idée dans Rom 1.20.)
Le nombre des vers est remarquable. Dans les versets 2-4 et 8-133, il y a toujours des groupes de 2 vers (les distiques), mais dans les versets 5-7 et 14-15, il y a des groupes de 3 vers (les tercets). L’organisation révèle les deux sections de ce poème. Les tercets terminent souvent les sections d’un poème.
Donc comme la création révèle la gloire de Dieu dans les versets 2-7, la parole révèle la gloire de Dieu dans les versets 8-15. Dans la théologie systématique, on distingue habituellement la révélation générale de la révélation spéciale. Cependant, la révélation générale ne révèle pas Dieu dans une façon personnelle. Le coucher de soleil est peut-être beau, mais il ne me dit pas qui est Dieu. Les cieux déclarent la gloire de Dieu, mais pas son nom. La première section (1-7) ne parle pas d’une relation avec Dieu; au contraire, la parole de Dieu donne la sagesse (19.8). Elle est limpide (19.9). Au verset 12, David se dit « ton serviteur ». Par extension, Dieu n’est pas seulement un dieu, mais « mon Dieu ». La parole révèle le péché (19.12-13). Finalement, c’est seulement en méditant ces paroles qu’on apprend que Yahwé est « mon rocher et mon rédempteur » (19.15).
Conclusion
Pourquoi devrions-nous apprendre à lire la poésie biblique ? Dans la poésie biblique, nous voyons la beauté de l’expression artistique. Nous apprenons les mots nécessaires pour exprimer à Dieu notre joie, notre gratitude et même notre peine. Mais plus que tout cela, lorsque nous apprenons à lire la poésie biblique, nous apprenons davantage sur la personne de Dieu et comment il est devenu notre rocher et notre rédempteur (Ps 19.15).
- Lowth, Robert. Lectures on the Sacred Poetry of the Hebrews (London : T. Tegg and Son), 1835 [publication originale 1753]. ↩
- Berlin, Adelle The Dynamics of Biblical Parallelism : Revised and Expanded. (Grand Rapids : Eerdmans) 2008 [publication originale 1985]. ↩
- Les chiffres des versets viennent de la version colombe. Les versets sont les mêmes dans plusieurs de versions (Segond 21, TOB, NBS), mais la Louis Segond 1910 les compte différamment. ↩
Luke Bert (M.div., PhD 2022) est professeur d’Ancien testament et langues bibliques à SEMBEQ. Il a été ordonné par la Presbyterian Church in America. Luke fait son doctorat en linguistiques Hébraïque à University of the Free State, en Afrique de sud. Son expertise est en poésie hébraïque. Sa passion dans le ministère consiste à enseigner la théologie biblique, les langues bibliques et l’Ancien testament, ainsi qu’à partager l’évangile de Jésus-Christ à travers toute la Bible.