Phoebé, servante (diaconesse ?) de l’Église de Cenchrées

Dans le dernier chapitre de sa lettre aux Romains, l’apôtre Paul fait l’éloge d’une chrétienne nommée Phoebé :

« Je vous recommande Phœbé, notre sœur, qui est ministre de l’Eglise de Cenchrées, afin que vous la receviez dans le Seigneur d’une manière digne des saints. Mettez-vous à sa disposition pour toute affaire où elle pourrait avoir besoin de vous, car elle a été une protectrice pour beaucoup, y compris pour moi-même.» (NBS, Romains 16.1-2).

Les historiens de l’Église ont longtemps cru que Phoebé était celle qui avait remis la lettre de Paul aux Romains; elle est mentionnée comme étant « diaconesse de l’Église de Cenchrées ». Cenchrées était une ville portuaire près de Corinthe où Paul se trouvait lorsqu’il écrivit sa lettre aux Romains. Il semble qu’elle était une femme riche et qu’elle jouissait d’une réputation bien établie de service généreux parmi les saints. Leon Morris a écrit : « Il n’y avait pas beaucoup de personnes riches dans l’Église de l’époque, mais il semble que Phoebé était une de celles-là ». [1]

C’est à ce moment de l’histoire chrétienne que les observations à son sujet étaient susceptibles de cesser. Cependant, au cours des dernières décennies, l’intérêt pour Phoebé s’est ravivé à mesure que s’intensifiait le débat sur le rôle des femmes dans l’Église. Deux mots de ce bref paragraphe ont fait l’objet d’un examen approfondi. 

Le premier est le mot grec « diakonos », présent dans la version NBS; il est traduit par « ministre ». Dans la traduction NEG , ce même mot est rendu par « diaconesse », comme on peut lire ici : 

« Je vous recommande Phœbé, notre sœur, qui est diaconesse de l’Eglise de Cenchrées »

Il n’est pas certain que la fonction de diacre soit apparue à ce stade de l’histoire de l’Église, mais il semble que Paul veuille, que nous comprenions que Phoebé était, tout bien considéré, une représentante officielle de l’Église de Cenchrées.

Thomas Schreiner a écrit : « Il est probable qu’elle occupait la fonction de diaconesse… car c’est à cette seule occasion que le terme ‟diakonos” est lié à une Église locale particulière ». [2]

Schreiner poursuit en nous mettant en garde contre notre interprétation de la fonction de « diacre » dans ce texte du premier siècle. Aujourd’hui, dans certaines Églises, le mot « diacre » signifie pratiquement ce que le mot « ancien » veut dire dans d’autres, mais c’est le résultat de l’évolution de l’utilisation du terme au 20ième siècle. Pendant la majeure partie de l’histoire du christianisme, la fonction de « diacre » était considérée comme distincte de celle d’ancien/pasteur/évêque, et avait pour but d’organiser et de superviser les ministères de bienfaisance de l’Église. Dans l’ancienne Confession baptiste de 1689, par exemple, on peut lire ce qui suit :

« Les officiers désignés par le Christ pour être choisis et mis à part par l’Église (ainsi appelée et rassemblée), pour l’administration particulière des ordonnances, et l’exécution du pouvoir ou du devoir qu’il leur confie, ou auquel il les appelle, et qui doit se poursuivre jusqu’à la fin du monde, sont les évêques ou anciens, et les diacres. » [3]

Les évêques et les anciens étaient les prédicateurs et les surveillants, tandis que les diacres s’occupaient des malades et des pauvres. Que vous ayez une conception du terme datant de la fin du XXe siècle ou une conception qui se rapproche plus à la majeure partie de l’histoire chrétienne, l’avertissement de Schreiner doit être pris en compte. Nous ne pouvons tout simplement pas être certains de l’ampleur de la fonction de diacre au 1er siècle. 

Leon Morris, lui-même un égalitariste convaincu et pleinement conscient de la nécessité de faire preuve de prudence en ce qui concerne les particularités, offre une perspective très raisonnable :

« Les conditions sociales de l’époque étaient telles, qu’il devait y avoir un besoin d’ouvrières dans l’église pour aider dans des domaines tels que le baptême des femmes ou tout ce qui impliquait un contact avec leurs quartiers dans les maisons. La forme d’expression utilisée ici rend plus probable le fait qu’il s’agisse d’une administratrice plutôt que du terme plus général de « servante ». Cependant, cela est loin d’être prouvé compte tenu de la large utilisation du terme pour le concept général de service. » [4]

Par conséquent, je pense qu’il serait juste de dire que les érudits supposent avec prudence qu’une sorte de fonction de diacre était apparue, et que Phoebé était établie et reconnue à ce titre. Sa charge était axée, à tout le moins, sur le ministère auprès des femmes, et s’étendait sûrement aux soins des orphelins, des veuves et des malades.

L’autre mot controversé dans Romains 16.1-2 est le mot grec « prostatis » traduit dans la NBS par « protectrice » et dans la NEG par la phrase « elle en a aidé beaucoup ». En général, les spécialistes reconnaissent que ce mot fait probablement référence à l’aide financière apportée à l’Église et aux missionnaires chrétiens comme Paul en particulier. Dans certains contextes juridiques, ce mot peut se rapporter à un tuteur légal par exemple, mais dans le système romain, cela ne pouvait s’appliquer qu’aux hommes, et donc ce n’est pas ce que Paul dit ici. En effet, dans le grec, il y a un jeu de mots évident. Lorsque Paul dit aux chrétiens romains de « l’aider », il leur rappelle ensuite qu’elle a été une « a aidé beaucoup ». Il utilise deux mots grecs à consonance similaire, « paristemi » et « prostatis », ce qui a conduit certains traducteurs à préférer l’idée plus générale « d’aide » à celle de « bienfaiteur » ou de « patron ». Paul dit simplement : « Aidez-la comme elle en a aidé beaucoup ».

Ce qui ressort clairement de tout cela, c’est que Phoebé était une femme prospère qui a utilisé sa richesse, sa bonne volonté et ses ressources personnelles pour prendre soin des saints et contribuer à la propagation de l’Évangile. Son exemple devrait tous nous inciter à réfléchir à la manière dont nous pouvons utiliser toutes les opportunités, et mettre à profit nos ressources pour faire de même.

Cet article a été initialement publié sur The Gospel Coalition Canada. La traduction est publiée ici avec permission.

[1] Leon Morris, The Epistle to the Romans, Pillar New Testament Commentary. Accordance electronic ed. (Grand Rapids: Eerdmans, 1987), 530.

[2] Thomas R. Schreiner, Romans, Baker Exegetical Commentary On The New Testament, (Grand Rapids: Baker Academic, 1998), 787.

[3] The Baptist Confession Of 1689, Chapter 26, Paragraph 8.

[4] Leon Morris, The Epistle to the Romans, Pillar New Testament Commentary. Accordance electronic ed. (Grand Rapids: Eerdmans, 1987), 529.

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Paul est l'heureux mari de Shauna Lee et le fier papa de 5 beaux enfants, Madison, Max, Mikayla, Peyton et Noa. Il a fréquenté le Moody Bible Institute et est diplômé de l'Université York (B.A.) et du McMaster Divinity College (MDiv). Il est dans le ministère pastoral depuis 1994, servant à la fois dans les églises Fellowship et Canadian Baptist à Oakville, Mississauga et Orillia, Ontario Canada. Il est actuellement le pasteur principal de la Cornerstone Baptist Church, Orillia, une grande église à plusieurs membres du personnel passionnée par la prédication biblique et la mission locale. Il est l'hôte et le professeur de Bible du podcast « Into The Word ». Twitter: @pastrpaulcarter.

Published By: Paul Carter

Paul est l'heureux mari de Shauna Lee et le fier papa de 5 beaux enfants, Madison, Max, Mikayla, Peyton et Noa. Il a fréquenté le Moody Bible Institute et est diplômé de l'Université York (B.A.) et du McMaster Divinity College (MDiv). Il est dans le ministère pastoral depuis 1994, servant à la fois dans les églises Fellowship et Canadian Baptist à Oakville, Mississauga et Orillia, Ontario Canada. Il est actuellement le pasteur principal de la Cornerstone Baptist Church, Orillia, une grande église à plusieurs membres du personnel passionnée par la prédication biblique et la mission locale. Il est l'hôte et le professeur de Bible du podcast « Into The Word ». Twitter: @pastrpaulcarter.