Cette pandémie ne durera pas éternellement. Les Américains approchent « l’immunité collective » à la suite d’un parcours qui n’a pas été sans embûches et qui leur a fait connaître un taux de décès par habitant 3 fois supérieur à celui du Canada. Leurs efforts de vaccination portent aussi un fruit considérable, et il est possible que leurs vies reprennent un semblant de « normal » vers le début de l’été.
Au Canada, nous observons aussi des progrès notables. Après un début de campagne de vaccination frustrant, il semblerait qu’un tiers des Canadiens devraient être vaccinés d’ici la fin de juin, et tous les Canadiens qui le désirent d’ici le début du mois de septembre. Bien que le virus de la COVID-19 survivra probablement plus ou moins indéfiniment, tout comme l’ont fait l’influenza et d’autres virus du type SRAS, il semble maintenant qu’il deviendra endémique et sera géré et contenu à toutes fins pratiques. Les confinements et les autres protocoles de sécurité mis en place temporairement pour contrôler les éclosions commenceront tranquillement à disparaître, et cette saison très difficile se terminera enfin. Les églises seront capables d’ouvrir à 100% de leur capacité, les fidèles pourront chanter aussi fort qu’ils le voudront, se serrer la main et manger ensemble, et les amitiés seront rétablies.
La joie viendra dès le matin.
Et alors, une toute nouvelle phase du ministère pastoral commencera.
Les 12 derniers mois ont été incroyablement difficiles pour les pasteurs – comme ils l’ont été pour bien d’autres personnes – mais les 12 prochains mois de relance, de retrouvailles, et de reconstruction promettent de l’être encore plus. La COVID-19 a soufflé à travers l’église évangélique d’Amérique du Nord tel un ouragan de catégorie 5. Alors que nous commençons à sortir de nos abris de confinement pour évaluer les dégâts, l’ampleur de la tâche qui nous attend risque d’être accablante pour plusieurs. J’offre les conseils suivants pour notre persévérance et notre joie mutuelle :
Allez à votre rythme
J’ai perdu le compte du nombre d’événements, de conférences, de mariages et de funérailles qui ont dû être reportés ou suspendus à cause de la COVID. Dès que les restrictions de rassemblement s’assoupliront, tous ces événements, d’une manière ou d’une autre, tenteront de se reprogrammer et auront lieu. En tant que pasteur, il ne vous sera tout simplement pas possible de diriger toutes les funérailles, d’officier chaque mariage, de parler à chaque conférence ou de participer à chaque séminaire qui se trouve actuellement sur votre liste d’attente. Si vous ne faites pas attention, vous serez réservé tous les soirs et fins de semaine des 6 prochains mois – cela en plus du fait que la plupart d’entre nous n’avons pris qu’une fraction de nos vacances au cours de la dernière année civile.
C’est une recette vers l’épuisement professionnel.
Ne le faites pas.
Si vous avez des associés ou des assistants, partagez la charge – et acceptez la critique pour l’avoir fait. Je sais que les membres peuvent se sentir lésés si vous ne célébrez pas les funérailles de leur tante, mais tout le monde dans votre église a une tante. Et un oncle. Et un cousin. Et vous ne pouvez tout simplement pas prendre soin d’un cercle si large d’une manière efficace et concrète. Dites à votre conseil que vous ne serez pas en mesure de le faire, et demandez leur soutien pour faire face à ceux qui seront contrariés.
Si vous êtes pasteur d’une église plus petite et n’avez pas de personnel de soutien, alors invitez vos anciens à partager ce fardeau. Les anciens sont des pasteurs. Ce sont des bergers. Ils peuvent célébrer des funérailles. Ils peuvent faire des rencontres de préparation au mariage. Ils peuvent même prêcher un sermon. Les former et déléguer pourrait s’avérer plus qu’un simple mécanisme d’adaptation, cela pourrait même préparer votre église à la croissance et à l’expansion futures.
Faites attention de ne pas prendre des engagements extérieurs en rationnant le soin de votre assemblée. Chaque conférence annulée, et chaque ministère arrêté cherchera à reprendre de la vitesse, et ils vous appelleront pour demander votre aide. Impliquez votre conseil d’anciens dans les décisions concernant l’allocation de votre temps et de vos ressources. Dans cette saison particulière, ne prenez pas ce genre de décision par vous-même. C’est le moment de vous appuyer sur la pluralité.
Priorisez votre famille
Douze mois sont une période très longue dans la vie d’une famille ordinaire. Une année civile normale contient un certain nombre d’anniversaires, un certain nombre d’événements marquants, peut-être des vacances et une poignée d’autres occasions spéciales. Toutes ces choses auront été affectées et reportées à cause de la COVID.
J’ai 5 enfants qui couvrent la gamme complète de la petite enfance et l’adolescence, donc nous avons beaucoup de rattrapage à faire. Mon fils a gradué du Secondaire – mais n’a pas pu traverser l’estrade, recevoir son diplôme ou célébrer avec ses amis et sa famille. Ma fille adolescente a raté un voyage aux États-Unis avec son groupe de danse. Ma fille de 12 ans n’a pas eu son voyage père-fille au PNC Park à Pittsburgh. Ma femme est désespérément en manque de sommeil, de soleil et de sable.
Si je dis oui à tous les funérailles, mariages, conférences et voyages missionnaires qui sont présentement sur ma liste d’attente, je devrais reporter davantage chacun de ces événements familiaux et ces étapes importantes. Cela enverrait un message que je ne veux pas que ma famille reçoive.
Dieu a fait de moi leur pasteur à eux aussi. Et leur père. Et son mari. Je suis censé aimer ma femme comme Christ aime l’église. Je suis censé élever mes enfants dans la crainte et les avertissements du Seigneur. Aimer et élever sont des choses qui prennent habituellement énormément de temps dédié, alors ne laissez pas votre famille en confinement alors que vous sortez pour sauver le monde.
Ce fouillis prendra toute une vie à nettoyer, alors allez à votre rythme et priorisez votre famille.
Triez et analysez
La nécessité est la mère de l’invention, du moins c’est ce que disait ma mère quand j’étais jeune. Au cours des 12 derniers mois, nous avons fait une panoplie de choses que nous n’avions pas à faire avant – et que nous ne savions pas comment faire auparavant. Les pasteurs sont devenus plutôt bons à produire et éditer des vidéos. Nous connaissons Boxcast, Recast, et Zoom. Nous avons compris comment faire des rencontres de prière en ligne, comment organiser de l’aide aux repas à partir d’une application, et comment suivre des contacts avec Eventbrite.
Certaines de ces compétences et technologies devraient être gardées et certaines devraient être abandonnées. Savoir quoi faire avec chacune exigera de la sagesse et du discernement.
C’est probablement une bonne chose que nous ayons tous appris comment diffuser nos services en ligne. Cela sera utile aux malades, à ceux qui voyagent et à ceux qui ne peuvent pas sortir. Cependant, même s’il peut nous sembler efficace de tenir nos rencontres sur zoom, il y a quelque chose d’essentiellement humain aux interactions en personne. Par conséquent, dès qu’il sera sécuritaire de le faire, les réunions de prières, les réunions de conseil et celles du personnel devraient se dérouler en personne.
Nous devons également effectuer une analyse approfondie de nous-mêmes et de nos membres afin de détecter et d’éliminer les virus théologiques. Nous avons tous été poussés plus profondément dans le cyberespace et les médias sociaux que ce qui est bon pour nous. En l’absence d’interaction en personne, les membres ont cherché à s’impliquer par d’autres moyens. C’est ce à quoi l’on peut s’attendre. Mais cela exigera des mesures correctives de votre part, en tant que pasteur.
Nos membres ont été exposés à plusieurs voix théologiques et autorités en ligne qui ne correspondent probablement à aucune expérience véritable que vit la communauté de l’église. Il y a plusieurs choses qui ne survivent que sur Internet. Il y a plusieurs voix et points de vue qui font de formidables podcasts, mais qui ne contribuent pas à la croissance personnelle ni à la sanctification. Les pasteurs évangéliques ont découvert au cours des 6 derniers mois combien nos jeunes gens se sont radicalisés à travers les voix en ligne. Tout cela devra être traité. Tout cela devra être évalué. Nous devrons procéder à une dé-catéchisation exhaustive une fois que tout ceci sera terminé et que nous serons en mesure de commencer à nous rencontrer et à parler en personne.
Entre-temps, découvrez qui (et quoi) les membres de votre église ont écouté, et préparez-vous à adresser les influences malveillantes.
Accorder la grâce
Un grand nombre de choses idiotes et inconsidérées ont été dites sous la pression de cette pandémie. Lorsque les gens vivent un stress personnel, financier et spirituel, ils réagissent de façon prévisible et humaine. Il est important de ne pas réagir de façon excessive par rapport à ce que vous avez entendu. Lorsque les amis de Job étaient scandalisés par ses protestations véhémentes, il a répondu en demandant :
« L’âne sauvage crie-t-il auprès de l’herbe tendre? Le boeuf mugit-il auprès de son fourrage? » (Job 6.5, NEG)
Les créatures répondent aux stimulus externes. C’est une réalité amorale de la vie corporelle. N’y pensez pas trop. Soyez prompt à pardonner et prompt à oublier.
La plupart des églises ont été divisées sur une grande variété de questions déroutantes et potentiellement controversées spécifiques au brouillard entourant la COVID-19. Quelle est la gravité de ce virus? Quelle autorité l’état a-t-il pour restreindre nos cultes dans l’intérêt de la santé publique? Les masques sont-ils utiles ou simplement une panacée pour les moutons? Si vous n’avez pas eu de conversation désagréable avec une personne de votre église à propos d’une de ces questions, vous devez être un très bon pasteur. Le reste d’entre nous avons eu de telles conversations tous les deux jours depuis les 11 derniers mois. Certaines des choses qui nous ont été dites ont définitivement dépassé nos limites. Nous avons probablement nous-mêmes dépassé certaines limites.
Je recommande de couvrir tout cela avec beaucoup d’indulgence.
L’esprit humain ne peut tolérer qu’une certaine quantité de stress et d’incertitude. Tel un panneau 200 ampères auquel on demande 500 ampères, une certaine quantité de puanteur, de fumée et de claquement est à prévoir.
Traitez les relations brisées, mais ne cherchez pas à résoudre chaque rencontre maladroite.
Écoutez plus attentivement
J’imagine que plusieurs pasteurs sortiront du confinement comme des chevaux de course qui sortent de l’enclos de départ. Les extrovertis se serreront dans les bras, les prédicateurs gronderont comme le tonnerre et les dirigeants prépareront et planifieront le futur.
Très bien.
Il y a un temps pour détruire et un temps pour reconstruire.
Mais avant d’aller trop loin dans ce processus, nous devons absolument nous assurer que nous avons appris les leçons de l’exil.
Dans Esdras 9 se trouve une histoire qu’il serait sage de revisiter. Esdras fut envoyé par le roi de Perse pour aider à reconstruire la nation et la liturgie des Juifs. Une première vague d’exilés était retournée plus tôt sous la direction de Zerubbabel et Josué, et avait reconstruit et dédicacé le temple à nouveau. Malgré leurs efforts remarquables, la communauté dans son ensemble était en état de déclin. Esdras fut envoyé pour les ramener sur la bonne voie, et pourtant, lorsqu’il arriva, il réalisa que le peuple avait échoué à apprendre les leçons essentielles de l’exil. Ils n’avaient pas compris que la bénédiction de Dieu était plus importante que le leadership et les habiletés humaines. Ils avaient désobéi à Dieu en mariant des femmes étrangères. Ils avaient commis exactement les mêmes péchés qui avaient initié leur déclin en tant que nation.
Face à cette découverte, Esdras réagit ainsi :
« Lorsque j’entendis cela, je déchirai mes vêtements et mon manteau, je m’arrachai les cheveux de la tête et les poils de la barbe, et je m’assis désolé. Auprès de moi s’assemblèrent tous ceux que faisaient trembler les paroles du Dieu d’Israël, à cause du péché des fils de la captivité; et moi, je restai assis et désolé, jusqu’à l’offrande du soir. » (Esdras 9:3-4)
Le manque de réflexion profonde face à leurs propres expériences en tant que nation – l’omission de lire la providence de Dieu – a presque abouti à la perte totale de la bénédiction divine sur leur entreprise.
La morale de cette histoire se trouve tout près de la surface.
En général, les évangéliques ont tendance à être de nature activiste. Mais les activistes sont très mauvais à lire l’histoire; ils sont bien trop occupés à l’écrire. Mais en temps de crise, en temps de changements, en temps de bouleversements, en temps d’émondage et de correction, il faut lire la providence. Quelqu’un doit se poser la question: qu’est-ce qui vient de nous arriver? Pourquoi est-ce arrivé? Qu’est-ce que cela veut dire?
Plusieurs d’entre nous, les pasteurs, avons passé la majeure partie des 12 derniers mois à nous concentrer sur l’agent plutôt que sur l’auteur de notre confinement présent. Nous avons beaucoup pensé au gouvernement, et peut-être pas assez à Dieu. Cela doit changer. Il doit y avoir une pause de prière et de pénitence avant de reprendre nos activités.
En tant qu’évangéliques, ce sera difficile – mais ce sera encore plus difficile pour ceux d’entre nous qui sommes des pasteurs évangéliques. Mais cela en vaudra la peine. Ne reconstruisons pas simplement tout ce que la COVID a détruit. Arrêtons-nous, prions et repentons-nous.
Il y a peut-être des choses que Dieu veut que nous laissions derrière.
Renouons notre engagement envers les principes fondamentaux
Le fait que Jésus parle du père comme d’un vigneron devrait nous préparer à l’expérience de l’émondage occasionnel. Un de mes amis pasteurs qui a travaillé avec nous pendant quelques années nous appelait « l’église qui ne dort jamais ». Avant la COVID, nous étions une communauté très occupée. Nous avions le calendrier de planification le plus coloré de l’histoire des calendriers de planification colorés – que personne n’a touché depuis près de 11 mois maintenant.
Évidemment, les choses ont changé.
La COVID a presque tout dépouillé. C’était difficile, mais également très utile. Cela nous a montré les choses sans lesquelles nous pouvons vivre, et celles sans lesquelles nous ne pouvons pas vivre. Cette information sera prise en compte dans les plans de reconstruction, de l’autre côté de la pandémie.
D’autres choses pourront être ajoutées plus tard, une fois que nous nous serons mis en route, mais initialement, je planifie me concentrer étroitement sur les éléments suivants:
- Prêcher la parole
- La prière
- Bâtir la communauté
- Prendre soin des pauvres
- Investir dans les missions
Ce sont les bases. Et tout le reste en découle.
De toutes les choses que la COVID a faites, elle a certainement dégagé notre calendrier. Maintenant, c’est à nous de ne remettre que les choses qui servent et avancent clairement la mission de l’église. Comme Stephen Covey nous l’a rappelé il y a de nombreuses années, assurons-nous de mettre les grosses roches en premier.
Et que Dieu seul soit glorifié!
Pasteur Paul Carter
Cet article a été initialement publié sur The Gospel Coalition Canada. La traduction est publiée ici avec permission.
Paul est l'heureux mari de Shauna Lee et le fier papa de 5 beaux enfants, Madison, Max, Mikayla, Peyton et Noa. Il a fréquenté le Moody Bible Institute et est diplômé de l'Université York (B.A.) et du McMaster Divinity College (MDiv). Il est dans le ministère pastoral depuis 1994, servant à la fois dans les églises Fellowship et Canadian Baptist à Oakville, Mississauga et Orillia, Ontario Canada. Il est actuellement le pasteur principal de la Cornerstone Baptist Church, Orillia, une grande église à plusieurs membres du personnel passionnée par la prédication biblique et la mission locale. Il est l'hôte et le professeur de Bible du podcast « Into The Word ». Twitter: @pastrpaulcarter.