Je suis Dieu, et non pas un homme

Dane Ortlund, Doux et humble de cœur : l'amour de Christ pour les pécheurs et les affligés, trad. Marie-Andrée Gagnon, Éditions Cruciforme, 2021, p. 80-83.

Nous lisons ceci dans le livre d’Osée :

Mon peuple est enclin à s’éloigner de moi; on les rappelle vers le Très-Haut, mais aucun d’eux ne l’exalte. Que ferai-je de toi, Éphraïm ? Dois-je te livrer, Israël ? Te traiterai-je comme Adma ? Te rendrai-je semblable à Tseboïm ? Mon cœur s’agite au-dedans de moi, toutes mes compassions sont émues. Je n’agirai pas selon mon ardente colère, je renonce à détruire Éphraïm; car je suis Dieu, et non pas un homme, je suis le Saint au milieu de toi ; je ne viendrai pas avec colère (Os 11.7-9).

Nous avons là tous les éléments soulevés jusqu’ici dans ce chapitre : le peuple de Dieu, son impiété, le cœur de Dieu et une affirmation explicite de sa sainteté. Et à quelle conclusion en vient ce passage ? La remarque à retenir est celle-ci : c’est compte tenu des péchés de ses enfants que le cœur de Dieu le porte avec compassion vers eux.

Dieu voit son peuple dans toute sa souillure morale. Il s’est égaré non pas à l’occasion, mais sans cesse, de sorte que Dieu dit de son peuple qu’il « est enclin à s’éloigner de [lui] » (v. 7). Cette inclination désigne une rébellion invétérée. Mais à vrai dire, ce peuple lui appartient néanmoins. Que se produit-il donc dans le cœur de Dieu ? Ici, nous devons user de prudence. Dieu est Dieu. Il n’est donc pas à la merci d’émotions passagères comme nous le sommes en tant que créatures, et encore bien moins en tant que pécheurs. Mais que nous dit le passage ? La Bible nous donne un rare aperçu de ce qui réside au centre de l’identité de Dieu, et nous voyons et sentons frémir son cœur même. Son cœur se gonfle de pitié et de compassion pour ses enfants. Dieu ne peut tout simplement pas renoncer à eux. Rien ne pourrait le pousser à les abandonner. Ils lui appartiennent.

Quel père se résoudrait à donner son fils chéri en adoption simplement parce que la vie de ce dernier est un échec monumental ?

Ne déshonorons pas Dieu en soulignant sa transcendance au point de perdre de vue la vie émotionnelle de Dieu à laquelle nos propres émotions correspondent, même si cette analogie est déchue et altérée1. Dieu n’est pas un idéal platonique, des plus austères, inatteignable pour les êtres humains. Dieu est libre de toute émotion déchue, mais n’est pas dépourvu de toute émotion (ou de tout sentiment). Sinon, d’où nous viendraient nos propres émotions, nous qui sommes faits à son image ?

Le passage biblique dit que « toutes [ses] compassions sont émues » à la vue des péchés de son peuple. Qui aurait pu imaginer que c’est la nature même de Dieu ? Ce passage fait un lien entre la sainteté suprême de Dieu et son refus de venir à nous avec colère. Qui aurait pu concevoir pareille chose ? Nous lisons :

Je suis Dieu, et non pas un homme, je suis le Saint au milieu de toi ; je ne viendrai pas avec colère.

Vous vous attendiez à ce que Dieu s’exprime ainsi? N’auriez-vous pas plutôt pensé qu’il dirait ce qui suit, à un petit changement près ?

Je suis Dieu, et non pas un homme, je suis le Saint au milieu de toi ; je viendrai donc avec colère.

La Bible dit que, lorsque Dieu voit l’impiété de ses enfants, sa sainteté transcendante — sa divinité même, ce qui le différencie de nous — le rend incapable de venir à eux avec colère. Nous avons tendance à croire que, parce que Dieu n’est pas comme nous, sa sainteté rend encore plus certain le fait qu’il déchaînera sa colère contre son peuple pécheur. Une fois encore, la Bible nous reprend. Elle nous arrache à notre tendance naturelle à nous créer un Dieu à notre image, et nous permettons alors à Dieu de nous dire lui-même qui il est.

Nous vivons aussi facilement avec une perception déformée du cœur compatissant de Dieu pour ceux qui sont en Christ qu’avec une perception déformée du jugement punitif dont Dieu frappera ceux qui ne le sont pas. […] Osée 11 et toute la trame biblique nous présentent des vérités à couper le souffle. Les péchés de ceux qui appartiennent à Dieu ouvrent les écluses de son cœur rempli de compassion pour nous. Le barrage se rompt. Ce n’est pas notre charme qui nous vaut son amour. C’est plutôt notre laideur intérieure.

Cette réalité nous ébahit. Ce n’est pas ainsi que fonctionne le monde qui nous entoure. Ce n’est pas ainsi que fonctionne notre propre cœur. Nous nous soumettons toutefois humblement à Dieu, le laissant déterminer lui-même de quelle façon il juge bon de nous manifester son amour.

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Doux et humble de coeur


  1. Les théologiens donnent le nom d’anthropopathisme à la manière dont la Bible parle de la vie émotionnelle de Dieu. Ce terme est utilisé en parallèle avec anthropomorphisme, soit le fait que la Bible emploie des expressions connues pour parler de Dieu d’une façon que l’on ne peut pas prendre au sens littéral, comme «la main» de Dieu. L’anthropopathisme est un peu plus épineux. Par ce terme, on entend protéger le fait que Dieu est différent de nous en ce sens qu’il n’a pas notre inconstance émotionnelle. Au contraire, il est entièrement parfait et transcendant, et les circonstances ne l’affectent pas comme elles nous affectent nous, les êtres humains finis. Il est « impassible ». En même temps, nous ne devrions pas ignorer la manière dont la Bible parle de la vie intérieure de Dieu (par des notions comme l’anthropopathisme) au point de faire de Dieu une puissance fondamentalement platonique dissociée du bien de son peuple. La clé consiste ici à comprendre que, même si rien ne prend Dieu au dépourvu, et que rien en dehors de lui-même ne peut altérer sa perfection et sa simplicité, il interagit librement avec ses enfants par le truchement d’une relation d’alliance avec eux et sincèrement pour leur bien. Si la notion d’« émotion » divine vous est peu utile, pensez-y plutôt comme (ainsi que s’exprimaient les puritains) aux «affections» divines — à savoir la disposition du cœur de Dieu à accueillir ses enfants pécheurs et souffrants. Pour explorer davantage le concept selon lequel Dieu est à la fois impassible et capable d’émotions, voir Rob Lister, God Is Impassible and Impassioned : Toward a Theology of Divine Emotion, Wheaton, Ill., Crossway, 2012. 
Dane Ortlund
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Dane C. Ortlund (Ph. D., Wheaton College) est le pasteur principal de la Naperville Presbyterian Church à Naperville, Illinois. Dane et sa femme, Stacey, ont cinq enfants.