1. La justification par la foi est une doctrine qui se retrouve dans toute la Bible.
Certains chrétiens peuvent être surpris d’apprendre que la doctrine de la justification par la foi ne se trouve pas seulement dans le Nouveau Testament mais aussi dans l’Ancien Testament. La Genèse nous dit qu’Abraham, en réponse à la promesse de Dieu, « eut confiance en l’Éternel, qui le lui compta comme justice. » (Ge 15.6). Job a tout d’abord cherché à se justifier devant Dieu pour finalement renoncer à sa propre justice (par exemple, Job 32.2 ; 42.1-6). David était un homme selon le cœur de Dieu, et pourtant il parle de la bénédiction de la justification en dehors des œuvres : « Heureux celui dont la transgression est enlevée et dont le péché est pardonné! » (Ps 32.1) ; « N’entre pas en jugement avec ton serviteur, car aucun vivant n’est juste devant toi. » (Ps 143.2). Ésaïe prophétise que le serviteur du Seigneur « rendra justes beaucoup de gens, et portera leurs fautes » (Es 53.11). Et Habacuc nous enseigne que « le juste vivra par sa foi » (Ha 2.4), une vérité qu’il a également illustrée dans sa propre vie (Ha 3.16-19). Enfin, Jésus lui-même enseigne cette doctrine dans sa parabole du pharisien et du collecteur d’impôts, parabole qu’il a racontée « à certaines personnes qui étaient convaincues d’être justes et qui méprisaient les autres » (Lu 18.9).
Ainsi, la justification par la foi est une doctrine enseignée par toute la Bible. Mais c’est dans les lettres de Paul qu’elle est le plus clairement formulée, ce qui m’amène à mon deuxième point :
2. La justification par la foi est développée le plus clairement par l’apôtre Paul.
La plupart des gens s’accordent à dire que la doctrine de la justification par la foi apparaît le plus clairement dans les lettres de Paul, et en particulier dans ses lettres aux Romains et aux Galates. Paul résume le propos de sa lettre aux Romains dans Ro 1.17 : « En effet, c’est l’Évangile qui révèle la justice de Dieu par la foi et pour la foi, comme cela est écrit: Le juste vivra par la foi. » Notez que l’expression « par la foi » est utilisée deux fois dans le grec original de ce verset. La justification par la foi est au centre de l’argumentation de Paul dans cette lettre. De même, elle est au centre de l’argumentation de Paul dans Galates, qui est bien résumée dans Ga 2.16 : « Cependant, nous savons que ce n’est pas sur la base des œuvres de la loi que l’homme est déclaré juste, mais au moyen de la foi en Jésus-Christ. Ainsi, nous aussi, nous avons cru en Jésus-Christ afin d’être déclarés justes sur la base de la foi en Christ et non des œuvres de la loi, puisque personne ne sera considéré comme juste sur la base des œuvres de la loi. »
Dans cette dernière déclaration, nous pouvons voir comment Paul oppose souvent la justification par la foi à la justification par les œuvres de la loi, ce qui nous amène à mon troisième point :
3. La justification par la foi est une autre façon de dire que nous ne sommes pas justifiés par nos œuvres.
La justification par la foi est le contraire de la justification par nos œuvres d’obéissance à la loi. Comme le dit Paul dans Romains, « En effet, nous estimons que l’homme est déclaré juste par la foi, indépendamment des œuvres de la loi. » (Ro 3.28). Il établit également un contraste éclairant entre l’ouvrier et le croyant : « Or, si quelqu’un accomplit quelque chose, le salaire est porté à son compte non comme une grâce, mais comme un dû. Par contre, si quelqu’un ne fait rien mais croit en celui qui déclare juste l’impie, sa foi lui est comptée comme justice. » (Ro 4.4-5). Rappelons que Jésus enseigne également que celui qui est justifié devant Dieu n’est pas celui qui se vante de sa propre justice, mais le pécheur qui crie à Dieu implorant sa miséricorde. Ésaïe prophétise que notre justification sera obtenue par la souffrance du serviteur pour nos transgressions. Et David enseigne que « aucun vivant n’est juste devant toi ». Cela signifie qu’aucun de nous ne sera justifié par nos œuvres justes ou notre obéissance à la loi. Au contraire, nous sommes justifiés par la foi en Christ.
Un instant. Si nous sommes justifiés par notre foi, n’est-ce pas encore quelque chose que nous faisons ? La justification par la foi ne rejette-t-elle pas sur nous-mêmes la charge de notre justification ? Cette question m’amène à mon quatrième point :
4. La justification par la foi ne signifie pas que notre foi est la cause ultime de notre justification.
Une fois encore, Paul enseigne clairement que nous sommes justifiés par notre foi (par exemple, Ro 3.28). Et pourtant, il ne veut pas dire par là que notre foi est la raison ultime de notre justification. La raison ultime pour laquelle nous sommes justifiés est la suivante : « Jésus notre Seigneur, lui qui a été donné à cause de nos fautes et qui est ressuscité à cause de notre justification. » (Ro 4.25). Pourquoi alors, Paul dit-il que nous sommes justifiés par notre foi ? Parce que notre foi repose sur Christ et nous unit à lui qui a été crucifié pour nos péchés et ressuscité pour notre justification. La foi est la croyance en la vérité de l’évangile ainsi que la confiance dans le Dieu de l’évangile. C’est un acte de toute la personne intérieure (le cœur, Ro 10.9), qui est dirigé vers la parole de Dieu, Dieu lui-même, et surtout vers Christ crucifié et ressuscité. Mais si notre foi est l’acte intérieur du cœur qui croit et se confie à Christ, cela signifie-t-il que nos actions extérieures ne comptent pas du tout pour la justification ? Cette question m’amène à mon cinquième point :
5. La justification par la foi affirme que les bonnes œuvres découlent nécessairement de la foi.
La doctrine de la justification par la foi exclut nos œuvres d’obéissance à la loi comme moyen ou cause de notre justification devant Dieu. Mais elle affirme aussi que les actes d’amour et les bonnes œuvres découlent nécessairement de notre foi, comme le fruit de cette dernière. Par exemple, Paul enseigne que « En effet, en Jésus-Christ, ce qui a de l’importance, ce n’est ni la circoncision ni l’incirconcision, mais seulement la foi qui agit à travers l’amour. » (Ga 5.6). Et Jacques enseigne que notre foi est « menée à la perfection » par nos œuvres (Ja 2.22), concluant que « l’homme est déclaré juste sur la base de ses actes, et pas seulement de la foi. » (Ja 2.24). À première vue, cela semble corriger et même contredire l’enseignement de Paul sur la justification par la foi. Mais il est préférable de considérer que Jacques corrige une déformation de l’enseignement de Paul, qui voudrait que nos œuvres n’aient aucune importance (cf. Ro 3.8). Au contraire, Jacques enseigne que nos œuvres sont importantes. Une foi authentique doit aboutir à de bonnes œuvres. Paul enseigne également que la justification par la foi entraîne l’inclusion des croyants païens dans le peuple de Dieu, ce qui m’amène au point suivant :
6. La justification par la foi a pour conséquence l’inclusion de tous les croyants dans le peuple de Dieu.
Une conclusion nécessaire de la doctrine de Paul sur la justification par la foi est l’idée que Dieu justifiera donc à la fois les croyants juifs et les croyants païens. Si « tous ont péché » et « sont gratuitement déclarés justes par sa grâce, par le moyen de la libération qui se trouve en Jésus-Christ. » (Ro 3.23-24), il s’ensuit que Dieu est le Dieu non seulement des croyants juifs mais aussi des croyants païens. Paul précise ce point dans Ro 3.29-30 : « Ou bien Dieu est-il seulement le Dieu des Juifs? N’est-il pas aussi celui des non-Juifs? Oui, il est aussi le Dieu des non-Juifs, puisqu’il y a un seul Dieu, qui déclarera les circoncis justes sur la base de la foi et qui déclarera aussi les incirconcis justes au moyen de la foi. » De nouveau, dans Ro 4.9, il demande : « Ce bonheur [de la justice en dehors des œuvres] n’est-il que pour les circoncis, ou bien est-il également pour les incirconcis? » Paul conclut fortement en faveur de cette dernière option. L’inclusion des Gentils est un point sur lequel la « Nouvelle Perspective sur Paul » insiste à juste titre, bien que les spécialistes qui défendent ce point de vue aient tendance à considérer à tort, l’inclusion des Gentils comme la signification essentielle de la justification par la foi, plutôt que comme un qu’un résultat nécessaire de la doctrine de la justification par la foi.
Nous voyons donc que la justification par la foi a des implications collectives. Notre justification devant Dieu par la foi entraîne la création d’une famille de foi qui inclut tous les croyants, juifs ou païens, esclaves ou libres. Néanmoins, la doctrine parle encore fondamentalement de la position de l’individu devant Dieu, ce qui a été bien compris par les mouvements théologiques au travers de l’histoire de l’Église. Cela m’amène à mon septième point :
7. La justification par la foi est une doctrine protestante.
La doctrine de la justification par la foi telle que nous la concevons aujourd’hui a été formulée par des théologiens protestants à l’époque de la Réforme. On pense immédiatement à la formule « justification par la foi seule ». C’est une façon de saisir l’enseignement de la Bible, selon lequel nous ne pouvons pas être justifiés devant Dieu par notre obéissance vertueuse à la loi, mais uniquement par notre foi dans les mérites pleinement satisfaisants de Christ. La « foi seule » ne signifie pas que les œuvres n’ont aucune importance, car les théologiens protestants n’hésitent pas à affirmer que si la justification se fait « par la foi seule », cette foi justifiante n’est « jamais seule » mais s’accompagne nécessairement d’amour et de bonnes œuvres. Une deuxième formulation importante pour la doctrine de la justification est l’imputation. Parce que nous sommes unis à Christ par l’Esprit et par la foi, nos péchés ont été imputés à son compte, et sa justice à notre compte. L’imputation est une tentative de saisir la vérité de déclarations bibliques telles que 2 Corinthiens 5.21 : « Celui qui était innocent de tout péché, Dieu l’a condamné comme un pécheur à notre place pour que, dans l’union avec Christ, nous recevions la justice que Dieu accorde. » Ici, Paul ne veut pas dire que Dieu a réellement fait de Christ un pécheur, mais qu’il a imputé notre péché au compte de Christ, tout comme, dans la déclaration parallèle, il a imputé sa propre justice à notre compte.
Ainsi, de même que notre doctrine de la Trinité est associée aux formulations du Concile de Nicée, de même notre doctrine de la justification par la foi est associée aux formulations de la Réforme protestante. Mais cela ne signifie pas que les anciens chrétiens ne croyaient pas ou n’expérimentaient pas cette doctrine, ce qui m’amène à mon huitième point :
8. La justification par la foi est une doctrine chrétienne ancienne.
L’articulation formelle de la doctrine de la justification par la foi découle de la Réforme de l’Église occidentale qui a débuté au XVIe siècle. Mais la doctrine de la justification par la foi avait été enseignée et vécue par les chrétiens bien avant la Réforme. Nous l’avons déjà vu dans la Bible, mais nous lisons également cette doctrine chez les pères de l’Église. Par exemple, dans la défense du christianisme du deuxième ou troisième siècle appelée l’épître à Diognète, nous trouvons ce beau passage : « Il [Dieu] ne nous a pas haïs, ni rejetés, ni gardé rancune contre nous ; au contraire, il a été patient et indulgent ; dans sa miséricorde, il a pris sur lui nos péchés ; il a lui-même donné son propre Fils en rançon pour nous, le saint pour les impies, l’innocent pour les coupables, le juste pour les injustes, l’incorruptible pour les corruptibles, l’immortel pour les mortels. Car quoi d’autre que sa justice aurait pu couvrir nos péchés ? En qui pouvait-il être justifié, pour nous, impies et sans loi, si ce n’est dans le Fils de Dieu seul ? Ô le doux échange, ô l’œuvre incompréhensible de Dieu, ô les bénédictions inattendues, que le péché de plusieurs soit caché dans un seul juste, tandis que la justice d’un seul justifie plusieurs pécheurs ! » (Diogn. 9.2-5).
La promesse de Dieu dans l’Évangile est qu’il justifiera les impies et ramènera même les morts à la vie en Christ.
On peut voir ici que la justification par la foi, comme le dit J. I. Packer dans son article classique sur le sujet, est une doctrine non seulement à articuler mais à expérimenter. Mais malheureusement, c’est aussi une doctrine qui a été entourée de controverses, ce qui nous amène à mon neuvième point :
9. La justification par la foi est une doctrine controversée.
Il semble que la doctrine de la justification par la foi se trouve souvent au cœur de la controverse. Paul en parle dans son conflit avec les faux enseignants qui donnaient du fil à retordre aux Galates parce qu’ils n’étaient pas circoncis. Et les théologiens protestants l’ont formellement articulée dans leur tentative de réforme de l’Église occidentale. Nous pourrions dire qu’il s’agit d’une doctrine « polémique », en ce sens qu’elle s’attaque activement aux fausses doctrines ; mais Paul et les réformateurs défendaient également la vérité de l’Évangile – l’Évangile que Paul avait reçu de Dieu (Ga 1.11-12), et l’Évangile que les réformateurs ont reçu de l’Écriture Sainte. Aujourd’hui, parmi les évangéliques, héritiers de la réforme britanique, cette doctrine est encore souvent battue en brèche. Cela peut être décourageant, surtout à une époque où il semble que le conflit nous guette à chaque coin de rue. Mais il peut aussi être encourageant de constater que nous ne sommes pas les premiers à être en conflit sur cette doctrine. En effet, les doctrines les plus importantes de l’histoire de l’Église sont généralement forgées dans un contexte de controverse.
Mais mon dernier point nous rappelle que l’articulation, l’expérience et même la controverse de la justification en valent la peine, car :
10. La justification par la foi apporte la gloire à Dieu.
Il y a quelque chose dans la justification par la foi qui donne une gloire particulière à Dieu. Paul dit ceci de la foi d’Abraham : « Il n’a pas douté, par incrédulité, de la promesse de Dieu, mais il a été fortifié par la foi et il a rendu gloire à Dieu, car il avait la pleine conviction que ce que Dieu promet, il peut aussi l’accomplir. » (Ro 4.20-21). La promesse de Dieu dans l’Évangile est qu’il justifiera les impies et ramènera même les morts à la vie en Christ. Lorsque, comme Abraham, nous reconnaissons que l’Évangile est vrai et que nous avons confiance que Dieu le fera, nous lui rendons une gloire particulière par Jésus-Christ. C’est pourquoi, il dit que le grand objectif d’entendre l’Évangile, d’y croire et de recevoir l’Esprit comme acompte de notre héritage futur, « aboutit à célébrer sa gloire » (Ep 1.14).
Une fois encore, nous voyons que la justification par la foi n’attire pas l’attention sur nous-mêmes et sur notre grande foi, mais plutôt sur le Christ et sur la grande œuvre de rédemption de Dieu à travers lui. « A lui la gloire dans tous les siècles! Amen! » (Ro 11.36).
Kevin W. McFadden est l’auteur de “Faith in the Son of God : The Place of Christ-Oriented Faith within Pauline Theology.”
Cet article a été initialement publié sur Crossway. La traduction est publiée ici avec permission.
Kevin McFadden
Kevin McFadden (PhD, Southern Baptist Theological Seminary) est professeur associé de Nouveau Testament à l'Université Cairn de Philadelphie et co-auteur de Biblical Theology according to the Apostles. Kevin et son épouse, Colleen, sont membres de la Trinity Community Church à Abington, en Pennsylvanie.