Condamné à ma place, Il a expié mon péché 

Il y a quelques années, dans notre église, nous avons demandé à nos stagiaires de lire l’essai classique de J. I. Packer intitulé « What did the Cross Achieve ? ». Le grand théologien britannique y présente un plaidoyer prudent, nuancé et convaincant en faveur de la nature de substitution pénale de l’œuvre du Christ sur la croix. J’étais impatient qu’ils le lisent.

Ils ont été déçus. Ils n’ont rien trouvé de quoi critiquer concernant l’écriture, l’exégèse ou la théologie en tant que telles. Les stagiaires étaient plutôt perplexes parce que, pour eux, il était difficile de saisir le sens de ce dont le professeur débattait. Le Christ est mort à notre place pour prendre la condamnation de nos péchés – alors, en quoi cette question constitue-t-elle un problème pour l’autre partie ? Packer a soigneusement fait la défense d’une position qu’ils n’imaginaient même pas devoir être défendue. C’était comme lire un ouvrage sérieux défendant l’existence de la gravité.

Packer a soigneusement fait la défense d’une position qu’ils n’imaginaient même pas devoir être défendue. C’était comme lire un ouvrage sérieux défendant l’existence de la gravité.

C’est un peu la même chose pour l’expiation par substitution pénale. Dans les milieux universitaires et parmi les dirigeants chrétiens, cette idée est controversée, contestée et parfois utilisée comme marqueur de frontière interconfessionnelle. Des dénominations et des institutions se sont divisées sur cette question. De grandes quantités d’encre ont coulé pour la défendre ou pour la faire échouer. D’autres ont entrepris de la récuser dans certaines de ses interprétations les plus inopportunes. Pendant ce temps, alors que ces groupes se confrontent jour après jour, le chrétien moyen proclame joyeusement que « sur la croix, lorsque Jésus est mort, la colère de Dieu s’est apaisée », sans se soucier de toute cette agitation.

Le Christ est mort à notre place pour nos péchés : Expiation par substitution pénale

Comme son nom l’indique, l’expiation par substitution pénale consiste à affirmer que la mort du Christ a payé une peine (pénale). Comme le Christ ne méritait pas cette peine, il l’a payée en faveur d’autres personnes (substitution). Et le résultat de ce prix payé par le Christ pour d’autres est que nous sommes maintenant pardonnés (expiation).

La notion de « peine » nous conduit dans le monde des tribunaux, de la criminalité et de la pénalité. Devant le juge, le coupable se voit infliger une peine pour ses méfaits, qu’il s’agisse d’une amende, d’une peine de prison ou (selon la juridiction) de la peine de mort.

Notre péché justifie-t-il une peine ? La réponse (presque trop évidente pour qu’il soit nécessaire d’y répondre) est « oui ». Dieu est le juge de toute la terre. Il ne laissera pas le coupable impuni.

Notez que l’image du tribunal signifie qu’il s’agit d’une peine judiciaire et non d’une peine ordinaire. La sanction normale est la conséquence de l’acte lui-même. L’abus d’alcool a des conséquences néfastes sur la santé, les dépenses inconsidérées conduisent à la pauvreté, le manque de gentillesse entraîne une dégradation des relations humaines. Mais ici, la pénalité ne se limite pas à la notion de « cause à effet dans un contexte moral ». Elle renvoie spécifiquement à l’idée que Dieu, notre juge, applique une sanction judiciaire à nos péchés.

Il s’agit d’une peine judiciaire et non d’une peine ordinaire… la pénalité ne se limite pas à la notion de « cause à effet dans un contexte moral ».

Pour que la punition soit juste, elle doit également être proportionnelle. La pratique de certains pays, consistant à amputer la main d’un homme qui a volé, peut être efficace; mais elle est également injuste. Voler est un péché, c’est vrai. Mais perdre sa main pour le reste de sa vie est tout à fait disproportionné par rapport au péché lui-même.

Quelle est la juste punition pour notre rébellion contre Dieu ? La réponse de la Bible est la mort. Dieu nous a donné la vie. Prendre son cadeau et rejeter celui qui l’a donné est une trahison. Ça constitue un crime capital. « Le salaire du péché, c’est la mort », dit Paul dans Romains 6.

La seconde moitié de cette doctrine affirme que le Christ lui-même se substitue à nous. Il prend notre punition.

L’idée de substitution est certes très large. Parfois, comme dans une équipe sportive, la substitution correspond à un seul joueur. Quelqu’un sort du terrain et quelqu’un d’autre le remplace. Parfois, la substitution a un caractère plus représentatif. Le premier ministre (ou le président ou le monarque) nous représente en tant que nation. Et la représentation a un aspect de substitution. Celui qui nous représente se tient là où nous aurions dû nous tenir, et se substitue donc à nous. Et celui qui nous représente doit être l’un d’entre nous. La substitution a également un aspect solitaire, comme le prêtre qui s’éloigne du peuple pour entrer dans le sanctuaire.

Tout cela est en cause ici. Mais plus précisément, lorsque nous parlons d’expiation par substitution pénale, nous soulignons l’aspect « à notre place » de la substitution. La sanction nous était due. Elle est tombée sur le Christ. Et cela parce qu’il s’est tenu là où nous aurions dû être, et qu’il a reçu ce que nous aurions dû recevoir.

C’est ainsi que nos péchés sont expiés. Parce que le Christ s’est substitué à nous, nous pouvons maintenant nous tenir devant Dieu sans être condamnés. Nous n’avons pas à répondre de nos actes, nous n’avons pas de peine à payer, nous n’attendons pas de punition. C’est ce que l’on entend par expiation par substitution pénale.

La sanction nous était due. Elle est tombée sur le Christ… Il s’est tenu là où nous aurions dû être, et qu’il a reçu ce que nous aurions dû recevoir.

Objections

En fonction de vos références passées, l’affirmation ci-dessus peut encore vous laisser perplexe, vous demandant quelle objection possible elle pourrait soulever ? Tout ce que nous venons de dire ne correspond-il pas plus ou moins à ce que dit la Bible ? Examinons la nature des objections parfois soulevées.

Certaines objections proviennent de l’incrédulité ou de croyances divergentes. Par exemple :

  • L’islam ne voit pas d’expiation dans la mort de Jésus parce qu’il dit que Jésus n’est pas mort;
  • Les athées s’y opposent parce qu’il n’y a pas de Dieu à propitier;
  • Les chrétiens libéraux ou progressistes pourraient admettre que c’est ce que dit la Bible, mais ils considèrent qu’il s’agit d’une version ancienne de la conception humaine de la croix, dont nous nous sommes détachés depuis lors.

Ce sont là de bons sujets de discussion dans un autre contexte, mais ce n’est pas notre objectif ici. Je voudrais plutôt me concentrer sur trois questions qui se posent, dans la logique même de la substitution pénale. Ces objections, si l’on y répond, nous aideront à croire plus intelligemment et plus fidèlement :

  1. Pourquoi Dieu ne pardonne-t-il pas tout simplement ?
  2. La substitution est-elle juste ?
  3. La substitution pénale est-elle rationnelle ?

1. Pourquoi Dieu ne pardonne-t-il pas tout simplement ?

Tout d’abord, pourquoi une pénalité doit-elle être payée ? Dieu semble exiger que nous pardonnions simplement aux autres. Pourquoi ne fait-il pas de même ?

La réponse se trouve dans le caractère de Dieu et dans la nature du pardon. Dieu est juste. Il ne peut pas fermer les yeux sur le péché. Pardonner reviendrait à laisser le péché impuni, et par conséquent à faire triompher le mal. Dans son livre « Exclusion and Embrace », Miroslav Volf explore la question de la violence en se référant à son propre passé dans une Croatie déchirée par la guerre. Face à un mal manifeste, tel qu’un génocide, un Dieu qui se contenterait de pardonner serait un Dieu qui cautionnerait le mal. Pour reprendre les termes de Volf :

Un accueil absolu n’équivaudrait en aucun cas à l’absence de violence. Au contraire, il cautionnerait la violence, précisément sous le couvert de la non-violence, parce qu’il laisserait les transgresseurs impunis et les conséquences de la violence non-réparées.

Les choix sont très clairs : soit Dieu ignore les cris des opprimés en faveur de la justice et approuve donc les auteurs de ces crimes. Ou bien il punit le mal et, ce faisant, ferme la porte au pardon. Le miracle de la croix, c’est qu’elle accomplit l’un et l’autre. En elle, Dieu est à la fois « juste et celui qui justifie ceux qui ont la foi en Christ » (Romains 3.26). Grâce à la croix, Dieu condamne le mal et accueille les pécheurs.

Cette objection implique également une fausse hypothèse, à savoir que le pardon ne coûte rien. Ce n’est jamais le cas. L’idée que le pardon consiste simplement à « tout laisser tomber » ne pourrait être crue que par des personnes qui n’ont jamais eu à pardonner quoi que ce soit d’important. En réalité, chaque fois que nous pardonnons à quelqu’un, le prix du péché ne peut disparaître. Il est entièrement supporté par celui qui pardonne.

Un exemple simple : si vous m’empruntez 1,000 dollars et que vous ne pouvez pas les restituer, je peux choisir de vous pardonner. Mais dans l’acte de pardon, les 1,000 dollars ne réapparaissent pas comme par magie dans mon compte de banque. Si je te pardonne la dette, le terme « pardon » signifie « je supporterai le coût du tort que tu as causé ». Le pardon fonctionne toujours de cette manière. La croix, en ce sens, est simplement la logique inhérente au pardon dans toute sa grandeur.

L’idée que le pardon consiste simplement à « tout laisser tomber » ne pourrait être crue que par des personnes qui n’ont jamais eu à pardonner quoi que ce soit d’important.

2. La substitution est-elle juste ?

Comment peut-on accepter – moralement, éthiquement, légalement – que l’innocent soit puni pour le coupable ?

À ce point, je concède volontiers que nous pouvons être nos pires ennemis. Nous pouvons présenter la substitution de Jésus d’une manière qui suscite plus de difficultés qu’elle n’en résout.

Prenons par exemple l’illustration classique du contrôleur ferroviaire qui voit un train se diriger vers un quai bondé, assurant la mort de tous ceux qui s’y trouvent. Le seul espoir est de détourner le train vers l’autre rail. Mais à ce moment précis, le contrôleur aperçoit son fils, son fils bien-aimé, en train de jouer sur ce rail. Que faire ? Il choisit de détourner le train, tuant ainsi son fils mais sauvant la vie de tous les autres.

À titre d’illustration, il obtient un A+ pour l’impact émotionnel, mais (je le crains) un D- pour l’exactitude théologique. Tout cela, en vérité, n’est qu’un mauvais gâchis. En tant qu’illustration de la substitution, elle présente le fils comme une victime innocente, et le père comme une malheureuse victime des circonstances. Si l’on ajoute à cette image de substitution l’élément de la punition, le problème ne fait que s’aggraver. Passons à la métaphore du tribunal, avec un juge qui propose d’envoyer son fils en prison à la place d’un meurtrier. En quoi cela est-il juste ?

Le problème, à mon avis, réside dans la nature simpliste des métaphores. Si Dieu est un être singulier, choisissant au hasard des personnes pour subir le châtiment des fautes commises par d’autres, nous avons un problème. Même si Dieu est dépeint comme un père humain choisissant de punir son fils innocent mais consentant, nous ne sommes pas sortis de l’auberge. Comme le dit le Psaume 49 : « Ils ne peuvent se racheter l’un l’autre, Ni donner à Dieu le prix du rachat. »

La solution nous plonge au cœur de la nature trinitaire de Dieu. « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même ». Jésus, le fils de Dieu, n’était pas un simple intermédiaire. Dans la vie trinitaire de Dieu, Dieu prenait sur lui le poids du péché. En fin de compte, selon l’expression de John Stott : l’expiation est le « sacrifice de soi de Dieu ».

3. La substitution pénale est-elle rationnelle ?

L’objection ici est de prendre un recul et de se dire : « Qu’est-ce que nous disons en réalité ? » Sommes-nous vraiment en train de soutenir que la culpabilité et la punition sont des choses dans ce monde qui peuvent être transposées d’une personne à l’autre ? Quelle est cette vision magique de la réalité où une mort improbable sur une croix, il y a deux mille ans, efface la culpabilité que je porte pour un péché que j’ai commis mardi dernier ?

C’est une bonne question. Ma réponse, pour ce qu’elle vaut, est de faire appel aux limites de notre langage par rapport au mystère de notre sujet, à savoir Dieu. Je veux dire par là que la substitution pénale est raisonnable (elle a un sens), mais qu’elle n’est pas rationaliste : Elle ne met pas, et ne prétend pas mettre les points sur les « i » et les barres sur les « t » en expliquant les voies de Dieu. Nous parlons ici de la vérité absolue. Et pour ce faire, nous poussons le vocabulaire humain à son maximum. Le péché est puni. Le Christ est notre substitut. Il assure notre expiation. Voilà ce que nous pouvons comprendre. Mais pour ce qui est de la « mécanique » précise (quel mot affreux à utiliser dans ce contexte) de la manière dont Dieu me pardonne et réconcilie le monde avec lui-même en Christ, qu’est-ce que j’en sais ? Comme le dit Wesley dans son grand hymne : « c’est un mystère, l’immortel meurt ». Comme le dit J. I. Packer dans son essai :

Ils ne prétendent pas savoir comment il a pu porter leur peine, pas plus qu’ils ne savent comment il a pu être fait homme ; mais qu’il l’ait portée est la certitude sur laquelle repose toute leur espérance.

La certitude que nos péchés sont pardonnés et la modestie intellectuelle de comprendre précisément comment – voilà où nous place l’expiation par substitution pénale. Et c’est une excellente position.

Une bonne nouvelle pour les pécheurs

La doctrine de l’expiation par substitution pénale a causé des maux de tête aux penseurs de l’Église. Cependant, elle n’a jamais causé beaucoup de problèmes aux poètes de l’Église. Elle a peut-être disparu des manuscrits à certains égards, mais elle n’est jamais absente des cantiques de l’Église. C’est une vérité qu’il est peut-être plus facile de chanter que de proclamer. La vérité selon laquelle le Christ, dans sa mort, a pris la sentence pour mes péchés est quelque chose qui remplit nos cœurs tout en exerçant notre intelligence.

Le bonheur, oh, le bonheur de cette pensée glorieuse,

Mon péché, non pas en partie, mais en totalité,

Est payé sur la croix et je ne le porte plus,

Louez le Seigneur, Ô mon âme.

Ceci est un extrait du livre à paraître de Rory sur la croix, « Forgiven Forever ». Voir un autre extrait (en anglais) sur le thème de la honte ici.

Cet article a été initialement publié sur The Gospel Coalition Australia. La traduction est publiée ici avec permission.

Rory Shiner
Plus de publications

Rory Shiner a étudié les arts à l'université d'Australie occidentale et la théologie au « Moore College » de Sydney. Son doctorat porte sur la vie et l'œuvre de Donald Robinson. Il est pasteur principal de la «Providence City Church» à Perth, où il vit avec sa femme Susan et leurs quatre garçons. Il a écrit des livres sur notre Union avec Christ et sur la relation entre la résurrection de Jésus et la nôtre. Son dernier ouvrage, «The World Next Door : A Short Guide to the Christian Faith», vient de paraître. Rory est le président du Conseil australien de TGC.