Bach : un théologien dans son milieu de travail

Il y a un théologien que vos amis non-chrétiens connaissent probablement mieux, et aiment plus que vous. Décédé il y a 270 ans, il continue d’annoncer à travers le monde « tout le conseil de Dieu » (Act 20.27), même dans les régions qui sont toujours hostiles à l’évangile. Plusieurs animateurs de radio grand public affirment que ses habiletés et son influence sur la culture et les individus sont inégalées. Avez-vous entendu parler de lui?

Il n’y a probablement pas de meilleur exemple d’un théologien dans son milieu de travail que le musicien et compositeur Johann Sebastian Bach. Les étudiants en musique l’étudient; les harmonies modernes lui sont grandement endettées; sa musique (qui est souvent explicitement chrétienne) est jouée dans les salles de spectacles les plus prestigieuses à travers le monde; les animateurs de CBC Radio et Radio-Canada déclarent couramment qu’il est le meilleur musicien de tous les temps. Le connaissez-vous aussi bien que le connaissent vos amis non-chrétiens?

Bach le musicien

Johann Sebastian Bach (1685–1750) était un musicien luthérien allemand de 5génération. Il servait en tant que musicien d’église tout au long de sa carrière, tout en travaillant de façon contractuelle pour des gens séculiers et pour la royauté. Peu importe l’occasion, Bach écrivait souvent l’acronyme « SDG » pour « Soli Deo Gloria » (ce qui signifie « à Dieu seul soit la gloire ») sur ses compositions. Étant luthérien toute sa vie, il connaissait sans doute cette citation célèbre de Luther : « Le cordonnier chrétien n’accomplit pas sa tâche en posant des petites croix sur les souliers, mais en faisant de bons souliers, parce que Dieu s’intéresse à une exécution de bonne qualité ». Tout comme le cordonnier de Luther, l’œuvre de Bach n’était pas simplement marquée d’une inscription chrétienne; plutôt, elle adorait Dieu par son excellence.

Bach l’idole

Bien que Bach n’ait pas été bien acclamé de son vivant, plusieurs depuis l’ont considéré comme une idole, et continuent de le faire. Beethoven l’appelait « le dieu immortel de l’harmonie ». Debussy déclarait qu’il était un « dieu bienveillant auquel les musiciens devraient adresser une prière avant de se mettre au travail, pour se préserver de la médiocrité ». Quoiqu’il semble un peu extrême de faire de Bach une idole, c’est pourtant une impulsion bien humaine que d’adorer la création (Rom 1.18-23), surtout quand quelqu’un maîtrise le monde naturel avec tant d’habileté et de puissance. Il n’est donc pas surprenant que les gens révèrent Bach lorsqu’ils entendent sa maîtrise du monde naturel de la musique.

De nos jours, certains Canadiens affirment que « la musique de Bach est divine » (CBC), malgré le témoignage de Bach de ce que la Bible dit véritablement au sujet du ciel. D’autres « soutiennent qu’il n’y a pas de meilleur remède contre la dépression et l’indifférence » que d’écouter les cantates de Bach (musique pour chorale et orchestre, composée pour le culte liturgique hebdomadaire de l’église). Bien que nous n’approuvons pas l’idolâtrie, la musique de Bach peut offrir des occasions d’apporter l’impulsion finale aux intérêts religieux des gens, c’est-à-dire Jésus, en qui toutes choses subsistent (Act 17.16-31, Col 1.16-17).

Bach le Chrétien

Les révisionnistes et les critiques prétendent que Bach « n’avait pas d’autre choix que d’écrire de la musique à la gloire de Dieu » (BBC). Après tout, il demeurait à Eisenach en Allemagne, une ville dominée par les luthériens, où il a appris le catéchisme et a reçu une éducation théologique dès son jeune âge. Cependant, l’inventaire de ses biens après sa mort comprenait 80 volumes théologiques, tel que la Bible de Calov, les œuvres complètes de Luther, des commentaires, sermons et œuvres apologétiques luthériennes. De plus, Bach soulignait et écrivait souvent dans la marge de ses livres d’une manière qui démontrait ses capacités théologiques. Bach était un passionné de théologie, et il traduisait et infusait les abstractions théologiques qu’il apprenait dans ses livres d’une manière concrète dans ses compositions musicales.

Bach et le mandat de la création

À travers ses chefs-d’œuvre imbus de rhétorique musicale qui reflétaient sa théologie, il est clair que Bach était conscient que le but ultime de sa vocation était de rendre gloire à Dieu. Bien qu’il ne l’ait peut-être pas articulé comme « d’accomplir le mandat de la création », son œuvre en tant que musicien démontre ce que signifie d’être un humain vivant dans le monde naturel soumis à Dieu. Il travaillait la « terre » (c’est-à-dire sa musique)  tel un don de Dieu  (1 Tim 4.4-5), en développant son potentiel et en gardant la centralité de la parole de Dieu dans ses efforts vocationnels (Gen 2.15). Quoiqu’il s’est clairement consacré à la musique d’église, son dévouement à Dieu ne s’arrêtait pas lorsqu’il travaillait sur des compositions séculières. Il n’est pas tombé dans la pensée douteuse de la matière contre l’esprit (c’est-à-dire de séparer sa vie vocationnelle de sa vie chrétienne). Il a plutôt recherché l’excellence musicale comme moyen d’adorer Dieu dans chaque saison et sphère de sa vie.

Comment?

En plus de ses compositions pour l’église, qui présentent la parole de Dieu d’une façon magnifique et vivante, il a recherché le riche potentiel de la musique que Dieu a cachée dans l’ordre naturel (Prov 25.2). Il innovait avec une éloquence harmonieuse et mélodique (nous emmenant à vivre certaines émotions à travers la conception de ses thèmes mélodiques), ainsi qu’avec la symétrie et la répétition. Son utilisation magistrale de la numérologie peut être identifiée (recherchez 3, 6, 7 ou 12, nombres importants dans la Bible) notamment dans les répétitions, les séquences harmoniques importantes, les points d’orgue, les regroupements d’instruments ainsi que d’autres moyens créatifs. À travers son travail de composition, Bach cherchait à communiquer aux gens la grandeur et la sagesse de Dieu parce qu’il voyait « le but et la finalité de toute musique comme n’étant nul autre que la gloire de Dieu et le rafraîchissement de l’âme ». Il a donc utilisé sa vocation pour pointer les gens et le monde physique vers la libération que le Seigneur apportera dans la cadence finale de l’histoire (Rom. 8:19).

Théologie persuasive et active dans le travail vocationnel

Le compositeur hongrois György Kurtág a parlé ainsi de la force rhétorique de Bach en ce qui concerne sa croyance en Dieu : « Consciemment, je suis certainement un athée, mais je ne le dis pas à haute voix, car si je considère Bach, je ne peux pas être athée. Alors, je dois accepter sa manière de croire » (The Guardian).

Le critique culturel britannique Clemency Burton-Hill affirme à propos de Bach que sa « compréhension instinctive de la nature humaine, ses habiletés rhétoriques et son talent inné de dramaturge sont incomparables. Ayant vécu de 1685 à 1750, il n’avait pas d’autre choix que d’écrire de la musique à la gloire de Dieu – et à tout ce qui touche notre humanité – d’aimer, de perdre, de rire, d’être trahie, déchiré en mille miettes, si bien qu’il nous pousse des ailes… Conflit, amitié, désespoir, joie, sa musique englobe ce que je ne peux décrire qu’avec l’expression ‘L’entièreté de tout ce qui existe’ »(BBC).

Pourrait-on en dire autant de nous en tant qu’ambassadeurs de Christ dans notre milieu de travail? La joie et le zèle pour notre travail, qui proviennent de notre état d’enfants dans le jardin de notre Père, attirent-ils les gens à désirer ce que nous avons? Notre quête d’excellence dans notre travail et dans nos relations, démontre-t-elle le shalom que nous anticipons dans la nouvelle création, à un tel point que les gens nous demandent la raison de l’espérance qui nous vivifie?

Conclusion

Johann Sebastian Bach n’était en aucun cas un homme parfait. Il était à tout le moins un pêcheur sauvé par la grâce. Pourtant, son savoir-faire laissait certainement transparaître sa relation avec le Dieu trinitaire. Sa principale préoccupation était uniquement la gloire de Dieu, ce qu’il exprimait non seulement par ses fréquentes inscriptions (« SDG »), mais aussi par le dévouement de toute une vie à l’excellence musicale et l’innovation. Espérons que la connaissance de l’héritage que nous a laissé Bach nous inspirera à rechercher la gloire de Dieu dans nos propres vocations, d’une manière nouvelle et plus biblique. Peut-être que la connaissance de la musique de Bach pourra aussi nous donner de nouvelles occasions de parler de Jésus, le Sauveur, le Seigneur et l’ultime source d’inspiration de Bach.

Cet article a été initialement publié sur The Gospel Coalition. La traduction est publiée ici avec permission.


Recommandation: Bach – Suite pour violoncelle n ° 6 en ré majeur BWV 1012 – Malov | Société Bach néerlandaise

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Jonathan Camiré est un implanteur d'églises bilingue au Québec, où lui et son équipe implantent l'église Saint-Lazare. Il est ordonné dans le Réseau anglican au Canada et diplômé du Ryle Seminary (L.Div.) Et de l'Artizo Institute. Jonathan a auparavant été pasteur de la jeunesse, disciple et apologétique à l'Église du Messie à Ottawa. Il est également membre fondateur de RENEW arts and theology, orateur public sur les arts et l'apologétique chrétienne, et un artiste actif de cor français. Il habite avec sa femme et ses deux garçons à Rigaud, au Québec.

Published By: Jonathan Camiré

Jonathan Camiré est un implanteur d'églises bilingue au Québec, où lui et son équipe implantent l'église Saint-Lazare. Il est ordonné dans le Réseau anglican au Canada et diplômé du Ryle Seminary (L.Div.) Et de l'Artizo Institute. Jonathan a auparavant été pasteur de la jeunesse, disciple et apologétique à l'Église du Messie à Ottawa. Il est également membre fondateur de RENEW arts and theology, orateur public sur les arts et l'apologétique chrétienne, et un artiste actif de cor français. Il habite avec sa femme et ses deux garçons à Rigaud, au Québec.