Qui était, selon Charles Haddon Spurgeon, le plus grand théologien de son siècle ? Eh bien, nul autre qu’Andrew Fuller (1754-1815), le pasteur baptiste et théologien missionnaire, qui a exercé son ministère pendant la majeure partie de sa vie à Kettering, dans le Northamptonshire, dans la vieille Angleterre. Si l’on demandait à Spurgeon les raisons pour lesquelles il admirait Fuller, l’une d’elles était le centrage sur la croix de Fuller.
Tout au long de sa vie chrétienne, Andrew Fuller était convaincu que la croix du Christ se trouvait au cœur même du christianisme. « C’est, affirmait-il en 1802, le point central dans lequel toutes les lignes de la vérité évangélique se rencontrent et sont unies. » De même que le soleil est absolument vital pour le maintien du système solaire, de même « la doctrine de la croix est au système de l’évangile ; elle en est la vie. » Des remarques similaires apparaissent dans un certain nombre d’ouvrages de Fuller. Dans un sermon qu’il a prêché en 1801, Fuller a rappelé à ses auditeurs : « Le Christ crucifié est le point central, dans lequel toutes les lignes de la vérité évangélique se rencontrent et sont unies. Il n’y a pas une doctrine dans les Écritures qui n’aient un rapport important avec lui. » La mort expiatoire du Christ, déclarait sans détour Fuller en 1814, l’année précédant sa mort, n’est rien de moins que « l’élément vital du système évangélique. » En somme, la croix est « la grande particularité et la principale gloire du christianisme », et tout à fait équivalente à l’évangile lui-même : « La doctrine du salut par le sang du Christ… est, de manière éminente, appelée l’évangile. »
Étant donné cette vision de la mort du Christ, il n’est pas surprenant de trouver Fuller affirmant que c’est la doctrine de la croix que « Dieu, dans tous les âges, a aimé honorer ». Partout où l’Église a connu des périodes de vitalité et de vigueur spirituelles – « des périodes de grand renouveau », comme Fuller les a appelées – l’œuvre expiatoire du Christ a occupé une place exaltée. Fuller note que c’est la doctrine qui était au centre de la Réforme et à laquelle les Réformateurs ont accordé une place de choix. C’était le thème principal des puritains et des ancêtres spirituels de Fuller, les non-conformistes du XVIIe et du début du XVIIIe siècle. À son époque, les triomphes missionnaires moraves dans les Antilles, chez les Esquimaux et surtout au Groenland, avaient été des triomphes de la croix : la « doctrine de l’expiation par la mort du Christ… constitue le grand sujet de leur ministère ». Et lorsque Fuller a regardé au-delà du domaine de l’histoire vers celui de l’éternité et du ciel, il a été convaincu que là aussi la croix était « le thème favori » de ses habitants.
Ainsi, si une église ou une dénomination rejette la doctrine de la croix, elle ne vaut guère mieux que ce que Fuller a appelé sans détour « une masse morte et putride ». Car si l’on supprime l’œuvre expiatoire du Christ, « tout le cérémonial de l’Ancien Testament ne nous apparaît guère plus qu’une masse morte de matière inintéressante ; la prophétie perd tout ce qu’elle a d’intéressant et d’attachant ; l’Évangile est anéanti, ou cesse d’être cette bonne nouvelle pour les pécheurs perdus qu’il professe être ; la religion pratique est privée de ses motifs les plus puissants, la dispensation évangélique de sa gloire particulière, et le ciel lui-même de ses joies les plus transportantes ». Pourquoi, par exemple, tant d’églises paroissiales anglicanes de l’époque de Fuller étaient-elles si peu fréquentées ? Pour Fuller, la réponse était évidente : parce que, affirmait-il, « la majorité du clergé ne prêche pas la doctrine de la croix… Il n’y a rien dans leur prédication qui intéresse les cœurs, ou atteint les consciences du peuple ».
La perspective adoptée sur la croix était donc une ligne de démarcation majeure entre un christianisme authentiquement biblique et un christianisme nominal. Comme l’a ainsi déclaré Fuller : « Tant que nous serons dans l’esprit de l’apôtre, déterminés à ne rien connaître d’autre que Christ et lui seul crucifié, nous ne risquerons pas de nous écarter très largement de la vérité, dans aucune de ses branches ; mais si nous perdons de vue cette étoile polaire, nous tomberons bientôt sur les rochers de l’erreur. »
Et c’est ainsi que, lorsque Fuller mourut en 1815, la dernière lettre qu’il envoya à son ami proche et futur biographe, John Ryland, Jr, réaffirma ce recentrage. Après avoir cité une partie de 2 Timothée 1.12, Fuller poursuit :
Je suis une pauvre créature coupable ; mais le Christ est un Sauveur tout-puissant. J’ai beaucoup prêché et écrit contre l’abus de la doctrine de la grâce ; mais cette doctrine est tout mon salut et tout mon désir. Je n’ai pas d’autre espoir que le salut par une simple grâce souveraine et efficace, par l’expiation de mon Seigneur et Sauveur. Avec cette espérance, je peux entrer dans l’éternité avec sérénité.
Cet article a été initialement publié sur The Gospel Coalition Canada. La traduction est publiée ici avec permission.
Né en Angleterre de parents irlandais et kurdes, le Michael A. G. Haykin est professeur d'histoire de l'Église au Southern Baptist Theological Seminary, à Louisville, dans le Kentucky, et directeur du Andrew Fuller Center for Baptist Studies, qui est basé sur le campus du Southern mais qui a également un bureau en Ontario. Le Dr Haykin est l'auteur d'un certain nombre de livres traitant d'études patristiques et baptistes et est également le rédacteur en chef d'une édition en 16 volumes des œuvres d'Andrew Fuller (Walter de Gruyter). Lui et son épouse Alison habitent à Dundas, en Ontario, et sont membres de la West Highland Baptist Church, à Hamilton, en Ontario. Ils ont deux enfants adultes, Victoria et Nigel.