Sinclair B. Ferguson, Le Christ et ses bienfaits : ce qu’une controverse théologique du xviiie siècle nous apprend sur la grâce, les œuvres, la loi et l’Évangile, trad. Philippe Gervaix, Éditions La Rochelle, 2021, p. 31-33.
Une surprenante réunion du conseil
Projetons-nous dans le passé, plus précisément le 12 février 1717 : le conseil des anciens d’Auchterarder tient sa réunion mensuelle. À l’ordre du jour, la confirmation d’un candidat au titre de pasteur : le jeune homme a déjà franchi avec succès toutes les étapes et rendu son mémoire sur un point de doctrine qui lui avait été soumis en latin quelques jours auparavant. De telles épreuves de passage peuvent être éprouvantes, mais le candidat en question avait franchi avec succès toutes les étapes et avait reçu le titre qui l’autorisait à prêcher l’Évangile.
Le conseil l’avait ainsi reçu comme prédicateur, mais il y avait un hic.
Deux sessions auparavant, le 11 décembre 1716, le conseil l’avait reçu une première fois pour lui faire passer son examen oral, mais avait repoussé sa décision à la séance suivante. Ainsi, le 15 janvier 1717, il s’était présenté devant le conseil pour contresigner les réponses aux questions qui lui avaient été posées lors de sa session d’examen.
Dans la plupart des presbytères, les questions posées au candidat étaient stéréotypées et suivaient une procédure standard, même s’il pouvait arriver qu’un membre ou l’autre pose une question de son cru. Les questions portaient généralement sur un point de doctrine connu du candidat, mais exigeaient une application à une situation pratique inconnue. Toutefois, il pouvait arriver que la question comporte un piège.
Et ce jour-là, devant le conseil d’Auchterarder, le dénommé William Craig s’était trouvé pris au piège.
Le credo d’Auchterarder
Le candidat William Craig avait en effet dû répondre à une question qui était devenue la marque distinctive des examens d’admission du conseil d’Auchterarder.
Ne fût-ce pour la réponse qu’il avait donnée, le compte-rendu de la session d’examen du candidat Craig serait sans doute resté sagement enfermé dans les archives poussiéreuses de la paroisse.
La question qui lui avait été soumise était connue sous le nom du Credo d’Auchterarder : le candidat devait souscrire à la proposition suivante :
Je crois qu’il n’est pas orthodoxe d’enseigner que nous devons renoncer au péché pour que notre venue à Christ scelle notre entrée dans l’alliance avec Dieu.
Il n’est pas impossible que les membres du conseil connussent suffisamment Craig pour prévoir que la question le mettrait en difficulté.
Réfléchissons à la question : comment aurions-nous répondu ? Seriez-vous prêt à dire « qu’il n’est pas orthodoxe d’enseigner que nous devons renoncer au péché pour venir à Christ » ? On entend déjà l’écho des questions des avocats en cour de justice : « Monsieur Craig, répondez par oui ou par non. »
Craig avait eu des réticences sur la formulation précise de la question, néanmoins, il avait répondu par l’affirmative et avait apposé sa signature au bas de la copie de la Confession de Westminster, de sorte que le conseil lui avait accordé la licence d’exercer le ministère.
Mais la conscience de Craig le travaillait. Pris de remords, il revint auprès du conseil pour demander à être réentendu : il expliqua qu’il avait signé trop précipitamment et qu’il souhaitait clarifier sa position.
Ainsi, le conseil, accédant à sa demande, se réunit le 12 février 1717 pour annuler la licence de Craig et lui retirer l’autorisation de prêcher l’Évangile.
Peut-être le Conseil pensait-il que les choses en resteraient là. Mais ils en furent pour leurs frais.
En effet, dans les mois qui suivirent, au terme d’une procédure d’appel contre le conseil auprès de l’Assemblée générale de l’Église d’Écosse, la question du credo d’Auchterarder revint sur le devant de la scène. Les membres de l’Assemblée, au terme de leur session, se prononcèrent en faveur de William Craig en condamnant le credo avec véhémence, et en déclarant ladite proposition, sous la forme où elle avait été soumise au nommé William Craig par ledit conseil, comme « détestable et non doctrinale ». Le conseil d’Auchterarder fut sommé de restaurer la licence de Craig.
L’affaire aurait pu s’arrêter là, n’eût été une discussion privée qui s’ensuivit entre deux ministres qui entamèrent la conversation après la séance.
Comment la situation s’est-elle déroulée ? Comment cette discussion sur la nature de l’Évangile nous touche-t-elle aujourd’hui ?
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Sinclair B. Ferguson
Sinclair B. Ferguson (PhD, Université d’Aberdeen) est professeur de théologie systématique au Reformed Theological Seminary et ancien ministre principal de la First Presbyterian Church à Columbia, en Caroline du Sud.