Amazing Grace : Comment les hymnes fortifient notre foi

Quelque chose de nouveau s’est produit vers le milieu du dix-huitième siècle. Un grand mouvement apparut, autour de l’idée et l’expérience de la nouvelle naissance. On l’a appelé le Grand Réveil.

Bien sûr, depuis la conversation de Jésus avec Nicodème, les chrétiens ont compris l’importance de la régénération – bien que diverses institutions l’aient exprimée de différentes manières au cours des siècles.

Les crédos

Au sein de la théologie réformée, Calvin avait beaucoup à dire sur la régénération, mais de nombreuses pressions ont été exercées un siècle plus tard lorsque le message derrière « naître de nouveau » (c’est-à-dire le fait de changer de statut et de repartir à zéro) a gagné en importance et en puissance. À ce moment-là, les chrétiens étaient à la recherche de nouvelles formes de liberté et la doctrine de la régénération – qui met l’accent sur l’action merveilleuse du Saint-Esprit – était une réponse attrayante à cette quête.

L’idée de « naître de nouveau » offrait un espoir dans une société où presque tout le monde se considérait comme protestant, mais où les Églises étaient en déclin.

L’idée de « naître de nouveau » offrait un espoir dans une société où presque tout le monde se considérait comme protestant, mais où les Églises étaient en déclin. Elle résonnait avec les théories philosophiques et économiques qui mettaient l’accent sur la valeur et le pouvoir de l’individu. Le concept global de la nouvelle naissance – le passage d’Adam au Christ ou de la mort à la vie – avait un sens dans un monde où les gens pouvaient traverser des océans pour s’installer dans de nouveaux endroits ou changer de travail pour profiter de nouvelles opportunités.

Le XVIIIe siècle est l’époque où l’histoire de la conversion individuelle s’est avérée d’une importance significative pour la spiritualité chrétienne. Les paroles d’« Amazing Grace » reflètent cette évidence.

Mais pourquoi les chrétiens évangéliques ont-ils voulu utiliser des chants pour raconter leur histoire ? L’Église primitive avait écrit des crédos pour déclarer sa compréhension de la seigneurie du Christ et de la nature de Dieu en tant que Sainte Trinité. Plus tard, lors de la Réforme, les protestants ont rédigé des déclarations de foi – souvent appelées Confessions (voir le  Catéchisme de Heidelberg ou les 39 Articles) – pour montrer en quoi leur Église était différente des autres groupes protestants sur le plan théologique.

Mais les crédos et les déclarations de foi n’étaient pas bien adaptés pour promouvoir ou décrire l’expérience de la régénération; le discours doctrinal ne permet de saisir la joie du salut que de façon partielle. Au lieu de cela, les cantiques et les lettres sont devenus les instruments les plus primés pour célébrer la nouvelle naissance et la relation personnelle avec le Seigneur. Alors que les philosophes marginalisaient Dieu en le présentant comme un créateur lointain ou inexistant, les évangéliques proclamaient la proximité du Seigneur dans les écrits et les chants.

Les hymnes

John Newton (1725-1807), écrivain et auteur de cantiques prolifique, a appliqué ces deux stratégies à la perfection. Sa composition la plus célèbre, « Amazing Grace », qui aura 250 ans en 2022, est un symbole durable du Grand Réveil et un magnifique cadeau pour l’Église universelle.

Newton était pasteur à Olney, dans le Buckinghamshire (comté du Sud-Est de l’Angleterre) à l’époque où il a écrit « Amazing Grace », et a utilisé ce texte pour la première fois lors d’un discours le 1er janvier 1773 – peut-être en le lisant à haute voix dans le cadre de ses déclarations à la congrégation.

Dans un sens, l’histoire racontée par le chant est celle de Newton : enrôlé de force dans la marine à un jeune âge, puis vendu comme esclave pour devenir capitaine de navire, Newton a été émerveillé de sa conversion au christianisme en 1748, après une tempête en mer. Dans l’hymne, cet émerveillement trouve son expression, non seulement dans le titre, mais aussi dans le fait que « amazing » est le seul mot de plus d’une syllabe dans la première strophe.

« amazing » est le seul mot de plus d’une syllabe dans la première strophe.

« Amazing Grace » n’est pas un hymne à caractère théologique. Newton n’essaie pas de raconter l’histoire de la création, ni celle de l’Église, ni même l’histoire du Christ (la version originale ne le mentionne même pas). Il s’agit plutôt de l’histoire de la régénération. Même la dernière ligne : « Nous ne disposons pas moins de jours pour chanter les louanges de Dieu, que depuis le premier jour », parle de nouvelle naissance et des débuts de la vie chrétienne !

Mais ce chant ne se rapporte pas uniquement à Newton. Comme de nombreux psaumes, il est formulé de manière à ce que chaque lecteur y reconnaisse des liens émotionnels. Dans la deuxième strophe, nous chantons nos peurs, leur origine et leur apaisement, qui est une réalité universelle. Dans la troisième, nous chantons le « chemin de la vie »; après avoir échappé à de nombreux « dangers, pièges et tourments », nous nous dirigeons vers le doux refuge de notre demeure céleste.

Cette dernière référence se rapporte à la vie de Newton en mer, mais tout le monde peut s’identifier au danger et au secours.

Dans la strophe suivante, Newton cite presque directement les psaumes, déclarant que le Seigneur « sera mon bouclier et ma part » – remarquez : pas « notre », mais « mon/ma ». Rien ne détourne mes yeux du Seigneur et de ma marche avec Lui, même si les expériences décrites ne sont pas strictement les miennes.

Newton utilise ainsi des mots de tous les jours pour atteindre un objectif modeste : aider ses fidèles paroissiens à s’approprier une relation intime avec le Seigneur. Dans l’introduction de son livre « Olney Hymns », il explique que ses hymnes ont été « conçus pour le culte populaire et à l’usage des gens de condition humble et ordinaire ». Il n’est pas étonnant que ce cantique ait survécu et soit encore aujourd’hui l’un des hymnes les plus chantés dans le monde. Certains ont estimé qu’il est entonné environ dix millions de fois par an.

Pourtant, les textes de Newton n’étaient pas rédigés pour être considérés comme des œuvres individuelles. Ils étaient écrits pour renforcer le message d’une lecture de la Bible et du sermon qu’il devait prêcher à partir de celle-ci. En tant que bon pasteur, Newton comprenait que son rôle dans l’Église ou dans une réunion de prière était de diriger et de nourrir, comme un berger doit le faire. Le texte qu’il a prêché ce jour de l’an 1773 était tiré de 1 Chroniques 17:16-17, relatant le merveilleux étonnement de David à l’idée que ses descendants seraient placés sur le trône d’Israël, malgré sa propre indignité à recevoir un tel honneur.

Newton n’était pas non plus digne de la grâce du Seigneur. Comme Paul, selon sa propre estimation, il était le « premier des pécheurs ». Comme David, son leadership au sein du peuple de Dieu était inattendu. D’autres allusions scripturaires dans « Amazing Grace » parlent de souffrance, d’aveuglement et de perdition, ce qui renforce le sentiment de fragilité du pécheur.

« Amazing Grace » offre de nombreux repères sur les origines du mouvement évangélique. Les évangéliques ont commencé (et restent déterminés) à chanter, alliant sentiment et pensée, corps et âme, et reconnaissant la place précieuse de chaque membre au sein du groupe. Nous aimons redire le message des Écritures avec l’authenticité de nos voix et de notre vocabulaire. Nous voulons que d’autres partagent une expérience avec le Seigneur qui nous a tant fait vibrer; alors nous saisissons dans le chant ce quelque chose qui ressemble à nos propres priorités et nos prières. L’assurance au début de la marche chrétienne – et pas seulement à la fin – a été une caractéristique évangélique spécifique, qui se nourrit de notre louange collective. Et avec le savoir-faire de Newton dans la composition des hymnes, il n’est pas surprenant que « Amazing Grace » ait encore le pouvoir d’inspirer. Une leçon pour les auteurs de chants d’aujourd’hui !

Cet article a été initialement publié sur The Gospel Coalition Australia. La traduction est publiée ici avec permission.

Rhys Bezzant
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Rhys Bezzant est Conférencier Principal au Ridley College de Melbourne, où il est également Doyen de l'Institut anglican. Ses publications les plus récentes sont « Edwards the Mentor » (OUP 2019) et « Edwards, Germany, and Transatlantic Contexts » (V&R 2022). Il traduit présentement « Francis of Assisi » de Volker Leppin pour Yale University Press.


Published By: Rhys Bezzant

Rhys Bezzant est Conférencier Principal au Ridley College de Melbourne, où il est également Doyen de l'Institut anglican. Ses publications les plus récentes sont « Edwards the Mentor » (OUP 2019) et « Edwards, Germany, and Transatlantic Contexts » (V&R 2022). Il traduit présentement « Francis of Assisi » de Volker Leppin pour Yale University Press.