A-t-on vraiment besoin de se réunir ?

Jonathan Leeman et Colin Hansen, Redécouvrir l’église locale : pourquoi le rassemblement des croyants devrait être une priorité et un engagement, Cruciforme, 2021, p. 59-65.

Durant l’année 2020 et au début de l’année 2021, les nouvelles au sujet de manifestations politiques ont dominé les grands titres des médias américains. Les partis de gauche affirmaient qu’ils protestaient contre les brutalités policières faites contre les minorités, tandis que ceux de droite disaient qu’ils protestaient contre une élection présidentielle qui leur était volée.

Lorsque des milliers de citoyens s’assemblent pour manifester dans des buts politiques, le public prête l’oreille. Les journalistes arrivent sur les lieux, les caméras sont allumées, les politiciens donnent des interviews, et ceux qui sont restés à la maison ont les yeux rivés sur leur téléphone, cliquant sur tous les liens possibles et imaginables. Ensuite, après quelques semaines, un législateur adoptera peut-être de nouvelles lois. Une agence gouvernementale adoptera alors de nouvelles politiques, et la conscience d’une nation sera changée, ne serait-ce qu’un peu.

Les regroupements de personnes ont un puissant impact, non seulement sur ce qui se passe lorsqu’ils s’assemblent, mais aussi concernant leur devenir une fois réunis. Les individus d’un groupe ont la capacité de devenir un mouvement, une force, et même le symbole de quelque chose de nouveau qui va se produire dans le monde, pour le meilleur ou pour le pire. Ensemble, on peut aller plus loin.

Il est peu étonnant que les académiciens écrivent des ouvrages sur la psychologie des foules. Les gens s’assemblent avec leurs désirs et leurs griefs et un orateur charismatique affirme tout haut ces désirs et ces griefs. Le monde regarde alentour et voit que les gens acquiescent de la tête ; il entend leurs cris de ralliement. Les individus se rendent compte qu’ils ne sont pas seuls et leurs désirs s’intensifient. Ils sont mobilisés pour passer à l’action, pour construire ou parfois même pour détruire.

Qu’est-ce qui rend ces rassemblements si puissants ? C’est le fait que vous soyez , physiquement. Vous voyez, vous entendez et vous ressentez. Contrairement au moment où vous visionnez quelque chose à l’écran et que par conséquent vous en êtes physiquement éloigné, un rassemblement vous entoure littéralement. Il définit toute votre réalité. Dieu nous a créés avec un corps et une âme, et mystérieusement, il les entrelace l’un avec l’autre de sorte que ce qui affecte notre corps affecte aussi notre âme. Lors d’un rassemblement, on expérimente ce que les autres personnes aiment, haïssent, craignent et croient, et notre jugement quant à ce qui est normal et à ce qui est juste peut rapidement dévier. Les affections de la foule deviennent les nôtres. Ceci n’est pas étonnant, car Dieu nous a aussi créés comme des créatures à son image (voir Ge 1.26-28). Il nous a fait pour que nous imitions sa propre justice, mais nous avons choisi d’imiter d’autres choses. C’est ainsi que se forment différentes cultures. Nous ressemblons à d’autres personnes autour de nous, les imitant et les copiant autant dans ce qui est bon que dans ce qui est mauvais. Le fait de se rassembler accélère simplement le processus.

Cependant, les rassemblements ne sont pas puissants seulement pour ceux qui y participent. Ils affectent également ceux qui restent en périphérie. Peut-être vous êtes-vous déjà promené dans un parc quand, tout à coup, vous avez aperçu une foule de gens près de vous et vous avez tourné la tête dans leur direction. « Qu’est-ce qui se passe ? » vous êtesvous demandé. Alors, vous vous êtes dirigé vers l’arrière de la foule et avez cherché à vous frayer un chemin à travers les gens réunis. Pourquoi ? Parce que vous vous êtes demandé si vous n’étiez pas en train de passer à côté de quelque chose – quelque chose d’important. Ou alors, vous avez reçu une notification sur votre smartphone à propos d’une manifestation réunissant 200 000 personnes dans votre ville. Vous vous êtes dit que ce devait être hyper important et vous avez cliqué sur le lien.

Les rassemblements ont le pouvoir de changer des vies, de changer les cultures, de changer le monde. Ils sont puissants.

Les églises se rassemblent et sont à elles seules des rassemblements

Tout comme une manifestation politique, un rassemblement d’Église façonne un peuple, individuellement et collectivement, en une culture, une force ou un mouvement. Il nous modèle en tant que cité de Dieu. Et comme pour une manifestation, l’assemblée offre un témoignage visible aux yeux du monde entier. Elle lui proclame que nous sommes citoyens des cieux. Ceux qui nous entourent s’interrogent : « Qu’est-ce qui se passe là-bas ? »

L’un de nos amis, qui est pasteur, a récemment observé que, lorsque les quarantaines liées à la COVID-19 se sont terminées, son Église a constaté à quel point ses rassemblements sont profondément spirituels. C’est le terme qu’il a employé : « spirituels ». Et il a raison de dire cela, car nos rassemblements sont spirituels. Pourtant, ironiquement, ils sont spirituels, du moins en partie, parce que ce sont des rassemblements physiques.

Dieu a toujours voulu que son peuple s’assemble et qu’il soit physiquement réuni autour de lui. C’est pourquoi il a créé Adam et Ève avec des corps physiques et qu’il a marché avec eux dans le jardin d’Éden. Il les a bannis de sa présence seulement lorsqu’ils ont péché.

Dieu a ensuite rassemblé le peuple d’Israël dans la Terre promise et leur a dit de se réunir régulièrement dans le Temple où il demeurait (p. ex., De 16.16 ; 31.10-12,30). Ils ont encore péché et encore une fois, ils ont été chassés du pays.

La plus grande preuve du désir de Dieu d’être rassemblé avec son peuple se trouve probablement dans l’incarnation. Le Fils de Dieu s’est revêtu d’un corps humain. Celui qui est avec Dieu et qui était Dieu (Jn 1.1,2) s’est incarné pour être avec nous (Jn 1.14). Et il a promis de bâtir son Église, un mot qui signifie, lorsqu’il est traduit littéralement, « assemblée » (Mt 16.18).

Vous ne vous êtes peut-être jamais demandé pourquoi Jésus a choisi le terme « église ». Les Juifs à l’époque de Jésus se réunissaient dans des synagogues, mais Jésus n’a pas employé le terme « synagogue ». Il a employé le mot « église ». Pour quelle raison ? On trouve la réponse en parcourant l’histoire biblique. En regardant en arrière, on remarque qu’il a été prophétisé que Jésus réunirait un peuple dispersé par l’exil (voir Joë 2.16). En regardant en avant, on comprend que Jésus voulait que ces assemblées – ces Églises – anticipent l’assemblée finale où Dieu demeurera définitivement avec son peuple : « Voici le tabernacle de Dieu avec les hommes ! Il habitera avec eux, et ils seront son peuple, et Dieu lui-même sera avec eux» (Ap 21.3 ; voir 7.9s).

Nos Églises locales rassemblées représentent la présence de Dieu parmi les hommes, c’est-à-dire l’endroit où le ciel rencontre la terre. « Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux» (Mt 18.20; voir aussi v. 17). C’est une chose qui ne se produit pas sur Internet ou dans notre esprit, mais qui se produit «lorsque vous vous réunissez en assemblée», pour reprendre une phrase de Paul qui suggère que l’Église n’est pas une Église jusqu’à ce qu’elle s’assemble (1 Co 11.18).

Parfois, on entend dire « qu’une Église, c’est des gens et non un lieu ». Il serait plus juste de dire qu’une Église est un peuple assemblé en un même lieu. Le fait de se rassembler régulièrement fait de l’Église une Église. Cela n’implique pas qu’elle cesse d’être une Église lorsque les gens ne sont plus rassemblés, pas plus qu’une équipe sportive cesse d’être une équipe quand ses membres ne jouent plus. L’élément à retenir, c’est que se réunir est nécessaire pour qu’une Église soit une Église, tout comme une équipe doit se rassembler pour jouer afin d’être une équipe.

Jésus a organisé le christianisme de la même manière. Il veut que notre christianisme soit centré autour de nos rassemblements réguliers, en passant du temps les uns avec les autres, en apprenant les uns des autres, en nous encourageant, en nous corrigeant et en nous aimant les uns les autres. Des choses spirituelles se produisent lorsque les chrétiens se tiennent bras dessus, bras dessous, en respirant le même air, en joignant leurs voix en chœur, en écoutant le même message et en mangeant le même pain (voir 1 Co 10.17). On regarde alors autour de soi et on pense : « Je ne suis pas le seul à partager la même foi. Que pouvons-nous faire ensemble ? »

Voici beaucoup de théologie, mais elle vient avec une leçon qui explique pourquoi l’auteur aux Hébreux écrit ainsi :

Veillons les uns sur les autres, pour nous exciter à l’amour et aux bonnes œuvres. N’abandonnons pas notre assemblée, comme c’est la coutume de quelques-uns ; mais exhortons-nous réciproquement, et cela d’autant plus que vous voyez s’approcher le jour. Car si nous péchons volontairement après avoir reçu la connaissance de la vérité, il ne reste plus de sacrifice pour les péchés, mais une attente terrible du jugement et l’ardeur d’un feu qui dévorera les rebelles.

(Hé 10.24-27)

Dans nos assemblées, nous nous incitons mutuellement à l’amour et aux bonnes œuvres. Nous nous encourageons les uns les autres. Remarquez la mise en garde de l’auteur : si nous continuons à pécher en n’accomplissant pas ces choses – ce qui inclut le fait de ne pas se réunir – nous devons nous attendre au jugement de Dieu. On peut dire qu’il prend cela au sérieux !

Ainsi, ce n’est pas l’acte de s’assembler dans une église qui fait de nous des chrétiens, mais c’est ce que nous sommes appelés à faire. Se réunir démontre que l’Esprit de Dieu est en nous et c’est pourquoi nous désirons être en compagnie de ceux qui appartiennent à Christ.


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Plus de publications

Jonathan Leeman (Ph. D., université du Pays de Galles) est le directeur éditorial de 9Marks et co-animateur du podcast Pastors Talk. Il est également l’auteur des livres Être membre d’une Église locale et La discipline d’Église.