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Martin Luther, certainement la figure la plus connue de la Réforme, considérait que la justification par la foi seule – « Sola Fide » – était le fondement même de l’Église. En effet, le réformateur était d’avis que c’est par la foi seule que nous recevons la justice du Christ et que, par conséquent, nous sommes unis à lui, de sorte que nous pouvons nous tenir sans tache devant Dieu. Luther a acquis cette compréhension en examinant l’épître aux Romains. Nous avons un aperçu de sa lecture de ce livre dans la thèse 25 de la Dispute de Heidelberg de 1518 :

25 : N’est pas juste celui qui travaille beaucoup, mais plutôt celui qui, bien que sans travailler, met toute sa confiance en Christ.

En effet, la justice de Dieu ne s’acquiert pas par des actes fréquemment répétés, comme l’enseignait Aristote, mais elle est transmise par la foi, car « le juste vivra par la foi » (Rom. 1[.17]), et « car c’est en croyant du cœur qu’on parvient à la justice » (Rom. 10[.10]).

Luther redéfinit l’ordre de la foi et des œuvres : les œuvres sont le résultat de la justice établie par Dieu, plutôt que la cause qui mérite la faveur de Dieu. Luther recentre ainsi la vie chrétienne : elle est désormais centrée non pas sur la valorisation des œuvres, mais sur Dieu qui fait grâce.

Les positions moyenâgeuses et catholiques sur la manière dont la justice est obtenue se focalisent sur le fait que les êtres humains font de leur mieux et apportent leur contribution, tout en anticipant que Dieu les considérera comme dignes de mérite (mérite proportionnel), ce qui entraîne une introspection malsaine qui perturbe la conscience. En revanche, Luther concentre tous ses arguments sur le Dieu qui confère la justice : « C’est la raison pour laquelle il ne cherche pas à être justifié ou glorifié par eux, mais il cherche Dieu ». Cela conduit Luther à articuler la justice de deux manières : passivement et activement. Devant Dieu, nous avons une justice passive, qui reçoit sa Parole et ses actes rédempteurs en Christ. Comme nous vivons par la foi, nous avons une justice active qui veut le bien de notre prochain. Nous recevons la justice et la pratiquons en aimant notre prochain.

Nous sommes donc justes, non pas en vertu de nos œuvres ou de notre justice intrinsèque, mais en vertu de la justice du Christ – une justice extérieure qui est déclarée nôtre par la Parole de Dieu, que nous recevons par la foi seule. Luther soutient que la justice de Dieu ne consiste pas en une reconnaissance de ce que nous avons fait, mais en une déclaration émanant du Dieu créateur. Alors que dans le premier cas, Dieu reconnaît la pertinence de nos œuvres et les considère, d’une certaine manière, comme méritoires; dans le second cas, c’est la Parole de Dieu qui crée la valeur qu’il aime en nous. Ainsi, la thèse 28 de la Dispute dit ceci :

28 : L’amour de Dieu ne trouve pas, mais crée ce qui lui est agréable. L’amour de l’homme se réalise à travers ce qui lui est agréable.

Loin d’être un simple texte juridique, la parole reçue par la foi seule est une œuvre divine : elle ne change pas simplement le statut d’une personne devant Dieu; elle révèle et fait mourir le péché, tout en vivifiant les pécheurs pour une vie nouvelle.

C’est auprès de personnes telles que Gabriel Biel, qui soulignait que la parole et la volonté divines ont le pouvoir de transformer et de créer de nouvelles réalités, que le point de vue de Luther à ce sujet a développé et modifié ce qu’il avait appris de son expérience médiévale et nominaliste. Les relations de Dieu avec ses créatures ne sont pas limitées par les circonstances extérieures ou la création. Au contraire, il intervient dans la création par sa puissance souveraine. Dieu ne doit rien à personne et peut faire ce qu’il veut. Les créatures doivent faire confiance à sa parole conformément à ses propres règles. Le résultat de tout cela pour la foi et la relation avec Dieu est que, bien que les créatures ne soient pas vraiment dignes d’entrer en sa présence, Dieu peut les déclarer dignes et, en effet, par la foi, cette même parole les transforme. La foi saisit ce que Dieu révèle.

Vivre par la foi n’est donc pas un simple assentiment, ni une œuvre qui mérite la faveur de Dieu, mais bien ce qui oriente l’ensemble de la vie humaine. En dehors de la foi, les œuvres ne font qu’ajouter à la culpabilité, car elles supposent à tort que la faveur de Dieu peut s’obtenir en dehors de la confiance en sa parole et en Christ. Cependant, par la foi, les œuvres accompagnent la parole créatrice de Dieu qui change le statut et la nature de l’homme, par la grâce. Le statut que Dieu nous donne va de pair avec la nouvelle réalité de ce que nous sommes par la foi.

La « Sola Fide », telle qu’elle a été formulée par Luther, est donc bien plus que ce que l’on peut supposer dans le discours évangélique contemporain, dans lequel elle est principalement destinée à communiquer que notre position de justice est acquise par la foi seule en Christ. Vivre par la foi seule est censé résumer la relation appropriée entre les êtres humains et Dieu, car elle révèle Dieu pour ce qu’il est : le rédempteur qui promet et celui qui donne la vie. En même temps, elle expose ce que nous sommes : des créatures dépendantes de la Parole de Dieu. La foi n’est donc pas seulement liée à l’aspect légal du salut, mais à l’ensemble de la vie chrétienne – elle est le fondement de la piété et de l’action morale devant Dieu et les hommes. Retrouver une compréhension correcte de la « Sola Fide » devrait donc nous amener à éviter l’erreur de penser que le salut par la grâce donne un droit au libertinage ou à la paresse morale; il est au contraire un point d’ancrage pour une vie chrétienne convenable, tout autant qu’il détermine notre statut devant Dieu.

 

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