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La confusion entre la Loi et l’Évangile a contribué à une piété moyenâgeuse qui soutenait que si nous entrons dans un état de justice par la grâce, nous devons ensuite satisfaire la justice de Dieu par les œuvres. Martin Luther trouvait cette idée oppressante. Même nos bonnes œuvres sont dépourvues d’intentions parfaites. Les chrétiens le savent. Le jugement de Dieu est donc devenu une chose redoutable pour Luther et aussi pour d’autres aux convictions fragiles.

Mais en lisant et en enseignant les Écritures, Luther a redécouvert que Paul mettait l’accent sur la Loi et l’Évangile. Dans l’Évangile, Dieu révèle sa justice (Rm 1.17). Cela signifiait (et signifie) qu’en Christ, la justice de Dieu nous revêt au moment où nous croyons. Nous n’avons pas besoin de mériter l’approbation de Dieu. Il nous accepte en Christ pour toujours. Les bonnes œuvres découlent alors d’un bon cœur – un bon arbre produit de bons fruits.

La Loi, quant à elle, condamne.

La Loi

Lorsque Luther parle de Loi et d’Évangile, il peut utiliser ces termes pour décrire un modèle biblique de commandements et de promesses. Dans son ouvrage intitulé The Freedom of a Christian, Luther explique « que toute l’Écriture de Dieu se divise en deux parties : les commandements et les promesses ». Philippe Melanchthon, proche collaborateur de Luther, dira plus précisément : « Toute l’Écriture est soit Loi, soit Évangile » [1].

La Loi se réfère spécifiquement à la Loi de Moïse mais englobe également, dans une perspective plus large, d’autres commandements de Dieu contenus dans l’Écriture. L’Évangile se réfère spécifiquement à la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, mais l’Écriture contient souvent des promesses relatives à celui-ci (par exemple, Gn 3.15).

Pour Luther et les auteurs des Écritures, la Loi a pour fonctions essentielles de révéler le péché (Rm 7.9) et de le multiplier (Rm 5.20). Elle réprime également le mal. Luther la recommande alors, lorsqu’elle est utilisée correctement « d’abord pour brider les transgressions civiles, puis pour révéler et accentuer les transgressions spirituelles » [2].

En fin de compte, la Loi est censée nous montrer que nous avons besoin de l’Évangile. « Car la Loi trouve son terme », écrit Luther, « en définissant jusqu’où elle doit aller et ce qu’elle doit accomplir, à savoir terrifier les impénitents par le courroux et le mécontentement de Dieu et les conduire au Christ » [3].

Cela explique en partie pourquoi Luther ne considère pas que la Loi mosaïque ait, en soi, une influence actuelle sur le chrétien : « Elle n’est pas obligatoire pour nous, parce qu’elle n’a été donnée qu’au peuple d’Israël » [4]. Il considère certainement les Dix Commandements comme des lois morales durables puisqu’ils sont « inscrits par nature dans leurs cœurs » [5].

Et il pense que Moïse donne des lois sages à Israël. Bien qu’il ne soit plus impératif pour les gens d’aujourd’hui de s’y conformer, ces lois sont un modèle de sagesse et de justice. Les réformateurs expliqueront plus tard que les cérémonies et les aspects civils de la Loi étaient destinés au peuple d’Israël à une époque et dans un temps donné et, par conséquent, ne sont plus obligatoires maintenant, en vertu de Loi. Melanchthon peut lui aussi affirmer que « toute la Loi a été abolie » [6]. Luther est du même avis.

Et pour Luther, dans la nouvelle alliance, la promesse de l’Évangile signifie que Dieu nous donne le Saint-Esprit, afin que nous puissions vivre dans la justice sans être condamnés par la Loi, et non pas pour gagner son approbation, mais simplement dans le but de faire le bien, de servir notre prochain et de plaire à Dieu dans un sens non méritoire.

Le fait que Luther se réfère fréquemment à l’Ancien Testament ne signifie en aucun cas qu’il rejette la Loi. Luther redonne plutôt à la Loi la place qui lui a été accordée par Dieu. Elle représente un frein et une contrainte qui nous permettent de mieux comprendre l’Évangile de la liberté.

L’Évangile

Pour Luther, l’Évangile de la grâce nous sauve, indépendamment de toute œuvre de la Loi. Comme l’a écrit son collègue Philip Melancthon : « La Loi révèle la maladie, l’Évangile le remède » [7]. La Bible comporte à la fois la Loi et l’Évangile, le commandement et la promesse. Le Nouveau Testament n’est pas simplement un Évangile, et l’Ancien Testament une Loi. Comme le dit Luther à propos de l’Ancien Testament : « C’est là que se trouvent les langes et la mangeoire dans laquelle est couché le Christ, et vers lesquels l’ange oriente les bergers [Lc 2.12] » [8].

En règle générale, Luther admet que l’Ancien Testament met l’accent sur la Loi, tandis que le Nouveau Testament met plutôt l’accent sur la grâce. Cependant, l’Ancien Testament contient toujours la promesse de l’Évangile (par exemple Gn 3.15), alors que le Nouveau Testament énonce des commandements pour nous aider à maîtriser la chair. En ce sens, les notions de Loi et d’Évangile et les notions plus larges de commandement et de grâce nous aident à comprendre comment lire l’ensemble de la Bible.

L’Évangile est l’approbation de Dieu à notre égard sur la base du fait que Dieu nous a revêtus de la justice du Christ. Dans son traité de 1520 : The Freedom of a Christian, Luther utilise l’analogie du mariage. Lorsqu’une femme se marie avec un homme, tout ce qu’elle possède lui appartient, et l’homme partage tout de sa vie avec elle. Dans l’Évangile, nous abandonnons entièrement notre péché et le Christ donne entièrement sa justice. Par cette union, nous sommes alors justifiés par la foi. Une justice extérieure (étrangère) devient la nôtre par la foi.

Le Christ est notre justice. Selon Luther, toutes les œuvres accomplies après notre justification comptent, parce qu’elles plaisent à Dieu (pas de manière salvatrice) et parce que nous devons aimer notre prochain. Un bon arbre, affirme-t-il, produit de bons fruits. La Loi ne doit plus nous effrayer. La Loi morale, en revanche, continue à nous guider dans notre marche chrétienne. C’est pourquoi Luther inclura les Dix Commandements dans son Catéchisme.

Troisième usage de la Loi

Luther accordait donc une place formelle à la Loi, en ce que même les Dix Commandements sont au centre de son Catéchisme. D’autres réformateurs, Jean Calvin en particulier, proposeront une formulation plus précise de cet usage favorable de la Loi, nommé le troisième usage de la Loi [9].

Alors que les aspects cérémoniels et civiques de la Loi ont atteint leur terme, puisqu’ils visaient à préserver la charité et la justice au sein d’Israël et qu’ils indiquent également la nécessité d’une nouvelle Loi, les Dix Commandements correspondent principalement à la Loi morale de Dieu. Chacun sait que le meurtre est mauvais, même s’il le commet. Cela fait partie de la nature et de son fonctionnement, car c’est Dieu qui a créé cette nature. Celle-ci possède donc un ordre moral.

Ces types de lois ne nous concernent plus en tant que lois de la Loi mosaïque, mais en tant que standards éternels de Dieu. Par conséquent, la Loi dans ce sens n’a pas d’utilité fondée sur le mérite pour un chrétien, mais plutôt une utilité spirituelle – il est sage et bon d’étudier la Loi de Dieu pour comprendre quels sont les principes moraux que nous devons imiter.

La liberté chrétienne

Luther a observé un modèle biblique et s’est appuyé sur les notions de grâce et de commandement pour aider les chrétiens à comprendre l’Évangile. La liberté du chrétien signifie que Dieu nous accorde gratuitement tout ce qui est nécessaire à notre salut. Le devoir du chrétien signifie que tant que nous vivons dans la chair, nous devons servir les autres et ceux qui exercent une autorité sur nous. L’Écriture est l’autorité qui régit ces deux sphères de vie qui se chevauchent.

Mais confondre la Loi et l’Évangile crée un énorme problème pour les chrétiens. Cette confusion fait de la Loi de Moïse un « impératif » pour les chrétiens, alors que le Christ nous a libérés du joug de la Loi. « Car si l’Évangile n’est pas clairement différencié de la Loi », écrit Luther, « la vraie doctrine chrétienne ne peut être maintenue saine et inaltérée » (Galates, 1962, p. 145).

L’Évangile confère au chrétien l’Esprit de liberté qui lui permet d’obéir de tout son cœur. La Loi est alors remise à sa place, et non pas rejetée. Paul explique : « Mais le fruit de l’Esprit, c’est l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur, la maîtrise de soi; la loi n’est pas contre ces choses. » (Ga 5.22-23). Paul recommande et même ordonne un bon comportement, mais la motivation est la grâce et le pouvoir d’obéir appartient à l’Esprit.

Rétablir le système de la Loi mosaïque fait de tout individu un transgresseur de la Loi (Ga 2.18). C’est aussi un légaliste. Pierre explique : « Maintenant donc, pourquoi tentez-vous Dieu, en mettant sur le cou des disciples un joug que ni nos pères ni nous n’avons pu porter? » (Ac 15.10). Au verset suivant, Pierre définit la différence apportée par le Christ : « Mais c’est par la grâce du Seigneur Jésus que nous croyons être sauvés, de la même manière qu’eux. » (Ac 15.11).

Pierre compare la Loi de Moïse à la grâce du Christ. Il nous dit que la Loi est un joug que personne ne peut porter. Mais l’Évangile est une grâce que nous pouvons recevoir. Pour reprendre l’expression de Paul : « C’est pour la liberté que Christ nous a affranchis. Demeurez donc fermes, et ne vous laissez pas mettre de nouveau sous le joug de la servitude » (Ga 5.1).

Une certaine religiosité médiévale a tenté d’assujettir les chrétiens à des coutumes humaines. Mais lorsque la Loi devient un moyen de conserver un statut de justice, elle devient en fait le moyen par lequel on conserve son salut. Au contraire, l’Évangile nous libère d’une telle vision. Il nous libère de l’obligation d’obéir aux coutumes humaines ou à la Loi de Moïse pour demeurer dans la justice. La Loi est un bon guide pour la vie chrétienne, mais un terrible maître; c’est le Seigneur Jésus qui nous libère, pas la Loi.

Entre le légalisme et l’antinomisme se trouve l’Évangile de grâce de Luther, parce qu’il a discerné avec justesse le modèle de base enseigné par Paul et les auteurs bibliques. L’Écriture, la Loi de Moïse, a autorité sur le chrétien selon les termes de la nouvelle alliance. Dans le cadre de cette alliance, le Christ nous libère de cette Loi ou de toute autre loi humaine qui pèserait sur nous.

Il accomplit ce que la Loi désignait comme un bon précepteur : « jusqu’à ce que vienne le Christ » (Ga 3.24). Maintenant qu’il est venu et que nous avons l’Esprit promis (Ga 3.14), nous pouvons servir notre Seigneur Jésus-Christ en tant qu’hommes et femmes libres.

 

[1] Commonplaces 1521, 94.
[2] “Galatians” 1962: 144.
[3] “The Distinction between Law and Gospel” 1532, §4.
[4] “Regard Moses” 1989: 138.
[5] Ibid., 138.
[6] Commonplaces 1521, 158.
[7] Commonplaces 2014: 91.
[8] “Preface to OT” 1989: 119.
[9] Inst. 2.7.12.

 

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