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Jusqu’aux années 1970, la province canadienne de Québec était presque aussi fortement catholique que le Pape lui-même.

En 1881, l’écrivain Mark Twain a exprimé : « Je me retrouvais pour la première fois dans une ville où l’on ne pouvait pas lancer une brique sans briser une fenêtre d’église. » Il se référait à Montréal, où, jusqu’aux années 1950, 90 % de la population assistait à la messe chaque semaine, une statistique qui pourrait représenter la fréquentation d’église la plus élevée au monde, selon l’historien Mark Noll.

Les prêtres valorisaient fortement des familles nombreuses, ce qui a contribué à faire du Québec la province avec le taux de natalité le plus élevé au Canada. La plupart des fonctionnaires gouvernementaux étaient de confession catholique, et l’influence ou la surveillance  de l’Église Catholique s’étendait sur une grande partie de la société québécoise. La religiosité était si profonde que même aujourd’hui, les blasphèmes québécois sont d’ordre religieux  plutôt que sexuel – « ostie » renvoie à la communion, « tabarnak » au tabernacle, et « câlisse » au calice sacré.

La stabilité sociale a persisté jusqu’à qu’après la Deuxième Guerre mondiale. Puis, dans les années 1960 et 1970, l’essor rapide des difficultés économiques, l’individualisme et la révolution sexuelle ont secoué le Québec francophone. L’Église catholique traditionnelle et hiérarchique s’est effondrée.

PHOTO : François Turcotte / Courtoisie de François Turcotte

« En l’espace d’une décennie, tous ont abandonné le catholicisme », déclare François Turcotte, président d’un Séminaire Baptiste à Montréal. « Cela a été la sécularisation la plus rapide au monde. »

En seulement cinq ans, la fréquentation hebdomadaire de l’église est passée de 80% de la population en 1968 à 30% en 1974. Le gouvernement a dissocié l’église de l’éducation, de la médecine, du travail et des services sociaux. Les mariages catholiques, les baptêmes et le taux de natalité ont commencé à décliner.

« De nos jours, si vous marchez dans nos rues et demandez aux jeunes de moins de 30 ans s’ils peuvent vous dire qui est mort sur la croix —Mohammed ou Jésus— ils n’en ont pas la moindre idée, » déclare Yanick Ethier, président de Sola – Coalition pour l’Évangile (Québec).

Dans cette société postchrétienne, l’avortement est financé par l’État. Le taux de divorces a diminué, mais seulement parce que moins de gens se marient. Le changement de genre pour X sur votre certificat de mariage est gratuit, mais il est illégal pour une femme de prendre le nom de famille de son mari après le mariage. Le Québec est en tête des suicides assistés par un médecin au Canada —ils représentaient plus de 6% des décès en 2022. Et un sondage récent montre que les Québécois ont des opinions plus défavorables  sur la religion que partout ailleurs au Canada.

« Si vous dites que vous êtes un évangélique au Québec, les gens pensent que vous faites partie d’une secte, » explique François Turcotte. « Ils n’en ont jamais entendu parler. »

Il aspire à changer cette situation. SEMBEQ (Séminaire Baptiste Évangélique de Québec) est passé d’un seul cours biblique en 1973 à un séminaire à part entière décernant des diplômes de fin d’études à environ 12 étudiants chaque année.

L’un de leurs enseignants invités préférés a été le co-fondateur de TGC (The Gospel Coalition), Don Carson, qui est né à Montréal et a grandi au Québec. « Il nous a présenté l’idée de rassembler un groupe de personnes en mettant l’accent sur nos valeurs communes, plutôt que sur nos oppositions, » explique François Turcotte. En 2011, lui et quelques autres personnes ont organisé leur premier événement TGC, mais ils n’ont pas pu maintenir l’élan.

Ils ont donc essayé à nouveau en 2018, et cette fois, cela a fonctionné. Au cours des cinq dernières années, SOLA, le chapitre régional du Québec de TGC, a élargi son conseil à 22 membres, ce qui en fait le plus grand conseil TGC en dehors des États-Unis. Le ministère des femmes est en plein essor. Deux membres du conseil ont lancé des centres de counseling biblique et SOLA espère ajouter des ateliers de prédication par exposition.

« L’évangile est la puissance de Dieu, » affirme Yanick Ethier, « et chaque jour, nous sommes émerveillés par ce que Dieu accomplit au Québec. »

Plus chrétien que les États-Unis

En 1955, si quelqu’un vous avait demandé quel pays, entre les États-Unis et le Canada, était le plus chrétien, vous auriez dû répondre le Canada. Plus de 99 % des Canadiens se déclaraient affiliés religieusement, et la fréquentation des églises était de 50 à 60 % plus élevée au nord de la frontière.

Une des raisons résidait dans le fait que, contrairement aux États-Unis, le Canada n’avait pas opéré de séparation entre l’Église et l’État. Au lieu de cela, l’Église catholique au Québec, ainsi que les dénominations protestantes dans les autres provinces, collaboraient étroitement avec le gouvernement pour élaborer des politiques chrétiennes et mettre en place des systèmes chrétiens couvrant pratiquement tous les aspects de la vie.

« Le Québec a persisté longtemps en tant que société qui accordait sa confiance à l’autorité centralisée de l’Église, puis aux dirigeants d’entreprises et gouvernementaux en collaboration avec celle-ci », écrivait Noll dans “What Happened to Christian Canada?”  (Qu’est-il arrivé au Canada chrétien ?) Dès le commencement, « l’indépendance au Canada adhérait à l’autorité centralisée que l’indépendance en Amérique rejetait ».

Dans un monde parfait, cela semble idéal. Mais dans un monde déchu, avoir un gouvernement religieux signifie souvent avoir une Église politisée.

« Rétrospectivement, il est évident que, dans leur empressement à coopérer avec le [gouvernement], les catholiques traditionnels et cléricaux du Québec avaient troqué leur droit de naissance religieux contre un potage de favoritisme politique corrompu », a fait observer M. Noll.

Peut-être en lien avec cela, « les catholiques [au Québec] étaient très médiévaux », déclare François Turcotte. C’est le même mot que Don Carson utilise pour les décrire.

« Je me souviens des indulgences qui étaient vendues, de la vue de pèlerins pieux qui montaient les escaliers de l’Oratoire Saint-Joseph à genoux en récitant le Rosaire sur chaque marche, et des formes populaires d’adoration de Marie que je n’ai jamais vues reproduites nulle part ailleurs dans le monde, sauf en Pologne. » écrit-il dans les Mémoires d’un pasteur ordinaire. « Je me souviens des foules immenses qui se rassemblaient pour voir le cardinal Léger rouler lentement dans une voiture décapotable le long de la rue principale de notre ville, et lorsqu’il passait, tout le monde — enfin, tout le monde sauf les Carson — tombait à genoux ou même à plat ventre devant lui au bord de la route, vague humaine suivant la progression de la voiture. »

À mesure que Don Carson grandissait, les choses commençaient à changer. De plus en plus de gens déménageaient en ville, où ils gagnaient plus d’argent, rencontraient plus de gens et étaient exposés à davantage d’idées. Certaines de ces idées – telles que l’amour libre et l’individualisme expressif – venaient des États-Unis.

Bientôt, des intellectuels à l’intérieur de l’Église ont commencé à plaider en faveur d’une rupture avec le passé. Ils ont fait la promotion d’une nouvelle version actualisée du catholicisme – une version offrant plus de liberté personnelle et de satisfaction sexuelle, une version qui faisait confiance aux institutions laïques pour la restauration sociale.

Ils ont réussi à moitié.

Au début des années 1960, deux événements se sont produits simultanément : tout d’abord, le Concile Vatican II a tenté « d’ouvrir les fenêtres de l’Église et laisser souffler le vent frais de l’Esprit ». Les dirigeants ont modifié les liturgies et les rites, encouragé l’œcuménisme et autorisé les hommes mariés à être ordonnés diacres. Mais ce qui devait être une brise légère a semblé être un coup de vent pour de nombreux catholiques, qui ont été dépassés et désorientés par les changements.

Au même moment, un nouveau gouvernement libéral a remporté les élections au Québec et a rapidement rompu avec l’Église catholique, établissant des ministères laïques pour l’éducation, la santé et les affaires sociales.

« Tout a été dissocié de l’Église, » déclare François Turcotte. En quelques années seulement, les Québécois ont abandonné massivement les anciennes pratiques du catholicisme. Toutefois, au lieu d’embrasser une nouvelle forme de leur religion, la plupart l’ont complètement abandonnée.

Cela incluait les parents de François Turcotte et la plupart des parents de ses amis.

« Beaucoup de personnes âgées avaient des réactions vives face à tout ce qui touchait à la religion. » note François Turcotte. « Mais certains disaient que même si les idées du Catholicisme romain étaient mauvaises, ils croyaient toujours en Jésus. Et c’est là que Dieu a opéré un réveil. »

Le réveil protestant

L’oncle et la tante de François Turcotte ont entendu l’Évangile d’un de ses cousins et ont été sauvés. Environ une semaine plus tard, ils se sont présentés à la maison où il vivait avec sa mère. « Ils nous ont annoncé l’Évangile, » dit François, qui avait alors 14 ans. « Nous avons été sauvés à notre tour. »

La mère de Yanick Ethier a cru à l’Évangile lorsqu’elle a commencé à l’envoyer dans une école protestante de langue française, ce qui n’a été possible que grâce aux changements de gouvernement.

PHOTO : François Turcotte / Courtoisie de François Turcotte

« Mes parents y ont rencontrés des Baptistes Évangéliques, » dit-il. « Nous avons commencé à fréquenter l’Église. »

« Au cours des années 1970, le travail évangélique au Canada français a explosé », écrit M. Carson. « D’une quarantaine d’Églises évangéliques, l’œuvre est passée à un peu moins de cinq cents Églises et points de prédication avant de s’établir à un peu plus de quatre cents. »

François Turcotte et sa mère ont commencé à fréquenter une Église baptiste avec son oncle et sa tante, puis ont déménagé dans une autre Église après le divorce de ses parents.

C’est là qu’il a commencé à servir et où il a ressenti l’appel au ministère quelques années plus tard. Il s’est inscrit à SEMBEQ, fondé par des contemporains et des amis du père de Don Carson en 1973. Avec tous les nouveaux convertis, les Baptistes évangéliques avaient besoin d’un endroit pour former des leaders francophones.

« Dans les années 1970, notre dénomination passa de 500 à 5,000 personnes, » a déclaré François Turcotte. « Cela a été une explosion… Au cours de cette décennie, les pasteurs avaient environ six mois d’expérience de plus de vie chrétienne que leurs congrégations. Quand SEMBEQ offrait un cours intensif, tous les pasteurs le suivait. Chacun retournait chez lui et prêchait ce qu’il venait d’apprendre. Quand un enseignant invité venait, ils le questionnaient jusqu’à une heure du matin. C’était une période de réveil. »

Don Carson, qui était un enseignant invité régulier, se souvient des cours. « Plusieurs de ces cours étaient en fait des traductions de matériel utilisé par des missionnaires espagnols en Amérique latine… parce qu’ils étaient essentiellement orientés vers l’évangélisation des Catholiques,” dit-il.

Il se souvient des longues rencontres en soirée, alors qu’il avait enseigné pendant une heure et demie, il répondait aux questions pendant une autre heure, puis écoutait les requêtes de prières. Il n’était pas rare qu’il soit le premier à partir à 1h00 du matin.

« Presque tout le monde disait : ‘Priez pour mon cousin au deuxième degré. Je lui ai parlé de l’Évangile et je pense qu’il est vraiment proche. Il est convaincu de péché. Priez que le Seigneur le convertisse vraiment. » se souvient Don Carson. « C’était d’une importance capitale. »

En 1981, la classe unique du séminaire était passée à sept cours et 130 étudiants. Le réveil a continué à brûler pendant encore cinq ans. Puis, en 1985 ou 1986, « une porte s’est fermée », a déclaré Turcotte. « Il n’y avait plus de fruits. »

Une autre sorte de fécondité : les institutions 

Il est difficile de dire exactement pourquoi les choses ont changé. Peut-être que la moisson avait été récoltée.

« Le peuple québécois est devenu si laïc qu’il n’y avait plus aucun intérêt pour l’Évangile », a déclaré François Turcotte. « Nous avons perdu beaucoup de la deuxième et de la troisième génération […] Au Québec, les gens sont ouverts à la spiritualité, mais pas à une seule voie et la voie de Jésus est exclue. »

Bien que 54% de Québécois se déclarent toujours catholiques, seulement environ 2% assistent à la messe chaque semaine. Et moins de 1% sont évangéliques, ce qui fait des Canadiens Français le plus grand groupe de personnes non atteintes en Amérique du Nord.

Mais les Protestants du Québec n’ont pas cessé de travailler.

« L’énergie de ces mouvements inspirés par l’Esprit qui surviennent initialement vous donne beaucoup d’élan, de passion et d’énergie au début, mais ce qui préserve cette œuvre, ce qui transmet les choses à une autre génération, ce sont les premiers débuts de l’institutionnalisation », a déclaré Don Carson. « Si vous ne créez pas d’institutions d’une manière ou d’une autre, vous ne préservez pas grand-chose. Cela devient un phénomène éphémère. »

SEMBEQ a été une institution importante, a-t-il déclaré. Le séminaire a continué de croître, décernant ses premiers diplômes de baccalauréat en 1984 et ses premiers diplômes de maîtrise en 1990. Lorsque le séminaire et sa dénomination ont célébré leur 50e anniversaire cette année, plus de 1 000 personnes ont participé à la célébration.

Une autre institution en plein essor a été la Coalition pour l’Évangile francophone.

Il y a 15 ans, « Don Carson a commencé à nous parler du fait qu’il n’y avait pas de « lieu commun » où trouver la vérité, » a déclaré François Turcotte. « Dans notre mouvement, nous n’arrêtions pas de parler de ce que nous n’étions pas, de nos distinctions. »

Comme de nombreuses minorités, les protestants se définissaient par rapport à ce qui les différenciait des catholiques. Don Carson a expliqué qu’au lieu de cela, ils pourraient vouloir se rassembler autour de ce qu’ils étaient, de ce qu’ils avaient en commun.

« Il venait ici enseigner chaque année et nous donnait des nouvelles sur ce qu’il commençait à faire avec Tim Keller, » a déclaré François Turcotte. « Depuis le début, nous avions un peu le même rêve. »

PHOTO : En Janvier 2023, SEMBEQ et sa association ont célébré leurs 50 ans / Courtoisie de François Turcotte
PHOTO : En Janvier 2023, SEMBEQ et sa association ont célébré leurs 50 ans / Courtoisie de François Turcotte

En 2011, SEMBEQ a parrainé un événement TGC. Plus de 1 000 personnes y ont participé.

« C’était un grand succès », a déclaré François Turcotte. « Le problème était que ma « tribu dénominationnelle » a fait 90% du travail. Toutes les autres groupes ont dit : ‘Ce n’est pas notre événement.’ Nous l’avons reconnu et avons recommencé une deuxième fois avec tout le monde autour de la table. »

Nous parlons des leaders d’une dizaine de dénominations—Baptistes Réformés, Frères, Baptistes de l’Union, Baptistes de l’Association, Églises Réformées Canadiennes, Églises Évangéliques Associées du Canada, Calvary Chapel et La Bible Parle. « Leur amour et leur attachement à la Bible est très fort, » déclare Yanick Ethier, qui dirige maintenant le groupe.

Par conséquent, « l’idée de prêcher par exposition a été adoptée très rapidement dans les Églises, » a-t-il dit. « Et si vous prêchez vraiment par exposition, vous devrez aborder les questions de théologie réformée à un moment donné. Vous ne pouvez pas les éviter. »

Avec l’influence de Don Carson, John Piper, Tim Keller, John MacArthur, et d’autres, les leaders ont affiné leur théologie. Ils ont reconnu qu’ils avaient suffisamment en commun pour former leur propre chapitre TGC. Comme ceci arrivait environ 500 ans après la Réforme, ils se sont donnés comme nom SOLA.

Mais c’est difficile de rassembler un groupe disparate de pasteurs, qui ont différentes perspectives et priorités. La deuxième tentative de lancement a eu un succès mitigé.

SOLA

PHOTO : Yanick Ethier / Courtoisie de Desiring God

François Turcotte, Yanick Ethier et leur petit groupe de pasteurs n’ont pas abandonné.

« Nous avons fait un troisième démarrage en 2018, » a déclaré François Turcotte. « Nous avons mis l’emphase sur les relations. Nous avons pris beaucoup de temps pour construire des ponts. »

« C’était la bonne façon de le faire », affirme Yanick Ethier. « Nous avons commencé à nous réunir, à partager la vision et à discuter de l’avenir. Les événements sont devenus plus petits mais les relations et les amitiés se sont approfondies. »

Un projet commun a été un centre de counseling biblique. Avant cela, Yannick Ethier déclare : « Quand je n’avais pas de réponse ou que j’étais dépassé, je devais envoyer mes gens à un psychologue non chrétien ou à un thérapeute chrétien mystérieux aux approches pseudo bibliques. » Avec l’aide de David Powlison du CCEF et d’un pasteur rural franco-canadien diplômé en counseling de l’Institut théologique réformé, il a lancé un centre de counseling biblique dans son Église à Montréal.

« Le mouvement de counseling biblique centré sur l’Évangile a créé des ponts entre toutes les ‘tribus’ », a déclaré François Turcotte. « Dieu a utilisé cela comme une sorte de colle pour nous relier les uns aux autres. »

Un autre projet commun a été la formation des femmes. « Nous avons commencé il y a deux ans, et cela a été un succès fulgurant», a déclaré François Turcotte.

SOLA: Le ministère des femmes

PHOTO : Angie Velasquez Thornton, conférencière lors d’une conférence pour femmes du TGCC (The Gospel Coalition of Canada) en Novembre / Courtoisie d’Angie Velasquez Thornton
PHOTO : Angie Velasquez Thornton (deuxième à partir de la gauche) sur un panel à une conférence de femme de TGC Canada en 2023 / Courtoisie d’Angie Velasquez Thornton

Angie Velasquez Thornton est née en Californie de parents immigrants colombiens qui étaient des catholiques non pratiquants. Au lycée ou école secondaire, elle est tombée amoureuse de Jésus et de la langue française. Pendant une année sabbatique entre le lycée et l’université, elle a suivi des cours bibliques en France et au Sénégal et s’est engagée dans le travail missionnaire en Afrique.

De retour chez elle, elle a obtenu une maîtrise en études africaines de l’UCLA, puis un MDiv de Moody Theological Seminary.

« Je voulais m’impliquer dans l’éducation théologique, mais en tant que complémentarienne, je ne voulais pas principalement former des hommes en Afrique, » a-t-elle déclaré. « Je voulais vraiment travailler aux côtés d’un homme ayant le même appel que le mien. Mais le bassin d’hommes éligibles correspondant à cette description était inexistant. »

Lorsque Angie Velasquez a dit à sa mère qu’elle cherchait un mari qui voulait déménager en Afrique francophone pour dispenser une formation théologique réformée, sa mère était consternée.

« Comment vas-tu jamais rencontrer quelqu’un comme ça? » a-t-elle demandé à sa fille. « Tu devras réduire tes attentes! »

« Maman, je fais confiance au Seigneur, » a répondu Angie.

Sur un site de rencontres pour célibataires chrétiens, elle est tombée sur le profil d’un canadien dont la description indiquait qu’il prévoyait d’être missionnaire en Afrique. Elle lui a envoyé un message.

« J’ai rapidement découvert qu’il prévoyait non seulement de servir Dieu en Afrique, mais spécifiquement au Sénégal », a-t-elle dit. « Et en plus, dans l’éducation théologique. Et c’est ainsi que j’ai rencontré et épousé Dan Thornton en moins d’un an. »

Ils ont travaillé au Sénégal pendant 10 ans avant que les problèmes de santé de Dan ne les ramènent en Amérique du Nord. Ils sont toujours missionnaires à plein temps avec Crossworld, et Dan est ancien dans leur église au Québec, enseigne à SEMBEQ et sert en tant qu’éditeur du site web de SOLA.

Pendant ce temps, Angie a commencé à réfléchir au ministère des femmes au Québec. Il y a quelques années, elle a participé à un atelier de la Charles Simeon Trust  à Toronto.

« J’étais très enthousiaste à l’idée d’emmener des femmes francophones avec moi », a-t-elle dit. « Je pouvais voir l’avantage de donner aux femmes les outils pour étudier la Parole de Dieu par elles-mêmes, afin qu’elles puissent à leur tour équiper et former des femmes à diriger des études bibliques sans avoir à acheter une étude traduite de l’anglais. »

Mais c’était difficile à réaliser. Toronto était à au moins sept heures de route. « C’étaient deux jours d’ateliers, plus deux jours en voiture », a-t-elle dit. Seules deux femmes ont pu s’engager à l’accompagner.

« Ensuite, la pandémie est arrivée, et tous les ateliers de la Simeon Trust workshops sont devenus disponibles en ligne », a déclaré Angie Thornton. « Cela a tout changé. »

Elle a recruté 12 femmes du Québec, ainsi que deux autres en France et deux en Afrique francophone. Elles ont engagé un traducteur pour traduire la formation virtuelle. Par la suite, les femmes ont commencé à produire ensemble leurs propres études bibliques.

Il y a deux ans, Yannick Ethier en a entendu parler et lui a demandé si elle se joindrait à l’équipe de SOLA.

« Le travail que je faisais seule, avec mon équipe de sœurs et le soutien de mon mari et de l’Église locale, a explosé parce que j’avais le soutien et la plateforme de SOLA », a-t-elle déclaré. Son programme amène les femmes à travers un livre de la Bible pendant toute une année – d’abord avec un atelier similaire à celui de la Simeon Trust au printemps, puis une cohorte en ligne de six semaines à l’automne et une conférence en hiver.

« Nous avions environ 200 femmes pour notre première conférence l’année dernière », a-t-elle déclaré. « C’était la plus grande conférence au Québec dans notre tradition théologique depuis avant la pandémie. »

Elle espère rassembler plus de 300 femmes pour entendre Mary Willson Hannah parler de l’Exode lors de leur prochaine conférence en mars.

« Notre objectif serait de ne plus avoir à faire appel à l’extérieur, car il y aurait suffisamment de femmes formées pour parler, enseigner et diriger ici », a-t-elle dit. « En attendant, nous faisons venir des personnes qui enrichissent vraiment les femmes dans l’étude de la Parole de Dieu. »

Cette stratégie – celle d’amener des chrétiens d’autres pays – est une aide pour les Églises.

La croissance de l’Église dans une culture post-chrétienne

L’année dernière, le Québec a accueilli un nombre record de 155,400 immigrants et a enregistré un nombre record de 80,700 naissances. Beaucoup de ces bébés sont nés de parents immigrants – un tiers ayant au moins un parent né à l’extérieur du Canada.

« Les personnes laïques ne font pas de bébés », a déclaré François Turcotte. « Si vous déménagez au Québec, votre voisin sera pakistanais, indien ou marocain. À Montréal, beaucoup d’étudiants sont des enfants d’immigrants. »

PHOTO : Une rencontre de SOLA en 2019 / Courtoisie de SOLA

De nombreux immigrants sont déjà chrétiens et rejoignent et renforcent les Églises existantes, déclare-t-il. « Et si je discute avec un immigrant musulman, sa vision du monde est plus proche de la nôtre [que celle d’une personne laïque]. Il croit que Dieu est juste, qu’il est un juge. Il croit en l’existence d’un bien et d’un mal objectifs. »

Il a dit que près de 5% de la population est désormais musulmane. « Si vous rencontrez quelqu’un qui aimerait prêcher l’Évangile aux musulmans, envoyez-le au Québec. Nous avons besoin de dix fois plus de personnes pour le faire. »

L’évangélisation est beaucoup plus difficile parmi la population séculière.

« En gros, chaque jeune au Québec qui n’est pas un nouvel immigrant s’identifie comme sans affiliation religieuse », a déclaré Yannick Ethier. « Ils n’ouvrent jamais la Bible, ne la lisent jamais. Ils n’ont aucune idée de ce que représente Jean 3.16. Ils savent qu’il est bon d’aimer son prochain comme soi-même, mais ils ne savent pas que cela vient de la Bible. »

Ils ne sont pas aussi hostiles envers Dieu ou l’Église que ne l’étaient leurs grands-parents. Au lieu de cela, ils les ignorent tout simplement.

« Ils pensent que si Dieu existe, c’est une bonne personne qui ne les jugerait jamais », déclare Yannick Ethier. Dans une vision confuse de « personne ne peut me dire qui je suis », l’objectif principal est de trouver sa propre identité. »

Il ajoute : « Il faut leur tendre la main à travers les souffrances de leur vie. »

Il a déjà vu cette stratégie porter ses fruits grâce à l’aumônerie.

« Les aumôniers peuvent se rendre dans des maisons de retraite ou auprès d’équipes sportives », dit-t-il. « Ils ne sont pas perçus comme une menace. »

François Turcotte connait un aumônier qui s’est associé à une maison funéraire. « Il est dans une ville d’environ 50,000 habitants et officie à deux ou trois funérailles par semaine. En quatre ans, il a probablement prêché l’Évangile à toute la population de sa ville. Lorsqu’il sort faire ses courses, cela lui prend trois fois plus de temps maintenant parce que tout le monde lui parle. Vous n’auriez jamais vu ça auparavant. »

Yannick Ethier a également vu des fruits à travers les relations communautaires.

« Beaucoup de policiers nous considéreraient comme une secte », expliqua-t-il. « Mais par la grâce de Dieu, l’un de nos membres de l’Église est engagé dans un ministère pour les sans-abris à Montréal. C’est ainsi qu’il a rencontré un membre du département de police. »

Les policiers cherchaient à entrer en relation avec des pasteurs, et Yannick Ethier a tissé des liens d’amitié avec eux. Il s’est proposé pour les aider de toutes les manières possibles, et la police a accepté, débutant ainsi des formations dans les locaux de l’Église.

« J’ai eu l’occasion d’expliquer ce qu’est une Église », a partagé Yannick Ethier. « Je leur ai expliqué que c’est une communauté de personnes brisées qui reconnaissent leur propre vulnérabilité et saisissent l’amour de Dieu. J’ai expliqué que même si quelqu’un est un criminel sexuel, et qu’il est repentant, nous protégeons nos enfants de tout danger, mais cette personne trouvera toujours une famille dans l’Église. »

Aujourd’hui, lorsque la police a besoin d’aide dans un refuge à proximité, ils contactent Yannick. Un officier lui a même demandé de venir prier avec une personne en détresse. Par la suite, cet officier a commencé à prendre ses pauses déjeuner dans un bureau vacant à l’église. L’année dernière, lorsqu’une famille d’une autre Église locale s’est proposée pour prendre en charge des enfants issus d’un foyer brisé, la policière a témoigné devant le tribunal de la fidélité et de la fiabilité de cette Église.

« C’est une collaboration entre la police et l’Église qu’on n’aurait jamais imaginée au Québec », a souligné Yannick Ethier. « Mais le Seigneur continue à agir.

La beauté dans les cendres 

Ce n’est pas facile d’être chrétien dans un endroit païen.

Yannick Ethier affirme que les chrétiens au Québec ressentent une certaine appréhension quant à l’évolution rapide de la culture vers un état de post-christianisme.

« L’implantation de nouvelles Églises n’est pas non plus une mince affaire », précise-t-il. « C’est comme labourer un sol aride. Ce n’est pas en trois ans que l’on fonde une Église. Il faut compter 15 ans. »

Récemment, il a traversé une semaine éprouvante, confronté à des problèmes de discipline au sein de l’Église.

PHOTO : Yanick Ethier prêchant à son église, Église de l’Espoir / Courtoisie de Desiring God

Yannick partage : « Malheureusement la culture influence encore l’Église. Nous avons des moments où nous nous demandons : ‘Seigneur, pourquoi ? Pourquoi un terrain aussi difficile? »

Mais alors, il se rappelle.

« De nombreux chrétiens dans le monde servent le Seigneur dans des conditions bien plus difficiles que les nôtres. L’Évangile reste la puissance de Dieu. Et l’amour de Dieu ainsi que la beauté de l’Évangile sont d’autant plus attrayants lorsque la vie est pleine de confusion et de chaos. »





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