L’art de la lamentation

C’est quoi la lamentation exactement?

C’est clair qu’il y a de l’intention derrière la pratique, puisqu’il y a dans la Bible tout un livre qui est consacré à ça, Lamentations.

Mais combien souvent est-ce que nous pratiquons l’art de la lamentation?

La COVID-19 a apporté une saison de désert pour bien des chrétiens. La souffrance ne nous était certainement pas étrangère avant la pandémie: toutefois, dans nos vies relativement paisibles, l’isolation, la dépression, la solitude, et toutes sortes d’épreuves difficiles infusées par la COVID nous ont introduits de nouveau à la souffrance. 

Nous avons passé des mois déconnectés de l’adoration collective, de l’encouragement des saints, et des ministères et sacrements essentiels que l’église pourvoit. À mesure que le temps avance, des sentiments de découragement, de dépression, de désespoir et de crainte nous secouent à plusieurs parmi nous là où notre force s’affaiblit et notre foi se fatigue.

Définition de la lamentation

La lamentation est une forme de louange et de prière ayant l’intention de nous approcher de Dieu en des temps de grande souffrance et de douleur. C’est, en fin de compte, un don merveilleux pour les enfants de Dieu, puisqu’elle présuppose une relation avec Dieu et dépend de cette relation! Seulement ceux qui peuvent s’approcher de Dieu dans une relation alliancielle peuvent se lamenter, puisque la lamentation, c’est plaider avec Dieu pour qu’Il agisse conformément à son caractère et ses promesses qu’Il nous a faites. Le simple fait que nous sommes capables de nous approcher de Dieu dans la lamentation est un signe d’intimité et d’espérance!

Dans son livre Dark Clouds, Deep Mercy (Sombres Nuages, Miséricorde Profonde), Mark Vroegop définie la lamentation comme, « une prière de douleur qui conduit à la confiance » (p. 28). La lamentation est le cœur qui pleure devant un Dieu qui entend, qui écoute, et qui répond à nos cris.

Il y a environ 65 Psaumes (c’est presque la moitié des Psaumes) qui sont des Psaumes de lamentation. Les Psaumes 3, 13, 22, 42, 44, et 60 en sont seulement quelques exemples. Ceci devrait nous dire quelque chose – la lamentation est une partie importante de l’expérience humaine! De même que le chrétien devrait venir devant Dieu avec des chants de reconnaissance et de louange, nous devrions venir devant Dieu avec des lamentations.

Dans la Bible, un Psaume de lamentation contient typiquement ces éléments et cette forme :

L’auteur dirige sa lamentation à Dieu.

« Ô Éternel, que mes ennemis sont nombreux! » (Psaume 3)

L’auteur décrit sa souffrance.

« Mes larmes sont ma nourriture jour et nuit. » (Psaume 42)

L’auteur dépend sur Dieu pour venir en aide à son peuple.

« Réveille-toi! Pourquoi dors-tu, Seigneur? Réveille-toi! » (Psaume 44)

L’auteur s’arrête sur la fidélité et la bonté de Dieu.

« Moi, j’ai confiance en ta bonté» (Psaume 13)

Une lamentation, ce n’est pas simplement se plaindre; il ne s’agit pas non plus de cracher des réponses théologiques banales. La lamentation, c’est autant l’expression de notre vraie angoisse et de notre douleur à notre Roi Souverain et ensuite trouver l’espérance et le réconfort dans les vérités de son caractère fidèle et ses promesses.

Nous avons tous eu un moment dans nos vies quand, après avoir partagé notre peine et notre douleur, un ami a choisi de ne pas entrer dans notre peine et notre douleur pour pleurer avec nous, mais a plutôt répondu avec la vérité froide et dure où manquait la tendresse de la sympathie. Ce n’est pas ça la lamentation.

La lamentation, c’est voir que Dieu entre dans notre douleur, qu’il est incarné avec nous dans nos épreuves, et nous rencontre avec sa nature immuable. La lamentation nous aide à reconnaître notre souffrance, non pas de prétendre ou nier notre situation, mais ensuite lever nos yeux au-delà de notre douleur vers notre espérance et notre récompense éternelle.

L’Apôtre Paul rappelle aux Corinthiens que, « Car nos légères afflictions du moment présent produisent pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire » (2 Cor 4.17-18). Le but de la lamentation est le même que le but de Paul quand il partage ceci avec les Corinthiens – l’encouragement à travers une perspective éternelle. Quand nous avons été conduits par notre Berger à travers la sombre vallée du doute, de la crainte, et de l’angoisse, nous pouvons lever nos yeux vers Christ et ses desseins éternels et trouver le secours et l’espérance.

Quel don glorieux que le Seigneur a donné à son peuple!

Alors, comment est-ce que le chrétien fait une lamentation?

Premièrement, dirige ta conversation à Dieu

La lamentation ne se dirige pas à nos ennemis, à nos souffrances, ou à notre douleur. Nous dirigeons notre conversation à Dieu, qui est celui qui nous entend. C’est reconnaître la souveraineté de Dieu en toutes choses, qu’Il amène les circonstances dans notre vie, et c’est lui qui est au contrôle. N’oublie pas, la lamentation est un don pour les enfants de Dieu, ça fait partie de la bénédiction de la relation avec lui.

Psaume 12.2 : « Sauve, Éternel! »

Psaume 10.1 : « Pourquoi, ô Éternel? »

Psaume 28.1 : « Éternel! c’est à toi que je crie. »

Alors, en premier lieu, parle à Dieu. Assure-toi que ta lamentation soit dirigée à lui. Appelle-le par son nom : Seigneur, Père, Mon Dieu, Mon Secours, Mon Défenseur. Tu peux t’approcher avec hardiesse au trône, et faire appel à ton Père Céleste à travers de Christ, alors profites-en!

Par exemple, « Seigneur mon Dieu, je crie vers toi. Tu es le Créateur du ciel et de la terre, tu es le Créateur de toutes choses, tu es mon Rocher et mon Abri, tu es mon Roi Berger! »

En deuxième lieu, décrie-lui ta souffrance et ta douleur

Oui, le Seigneur connait tes pensées les plus intimes (Psaume 94.11), mais assure-toi de lui dire ce que tu ressens! À quel point es-tu fâché à cause de la douleur que tu expérimentes? À quel point es-tu frustré parce qu’il semble être silencieux? À quel point es-tu en train de remettre en question sa présence? Dis-le-lui.

Psaume 10.1b : « Pourquoi te caches-tu au temps de la détresse? »

Psaume 13.2 : « Jusqu’à quand, Éternel! m’oublieras-tu sans cesse? »

Psaume 42.3 : « Mes larmes sont ma nourriture jour et nuit, pendant qu’on me dit sans cesse: Où est ton Dieu?’ »

Les psalmistes n’ont jamais mâché leurs mots, ils ont plutôt exposé les sentiments et l’angoisse de leurs cœurs devant Celui qui savait déjà comment ils se sentaient. Ils ont pratiqué une vulnérabilité humble.

Par exemple, tu pourrais dire, « Seigneur, je suis épuisé et découragé par cette douleur. Je me sens si seul, si abandonné, et si oublié. On dirait que tous m’ont oublié, et que toutes mes amitiés m’ont laissé tomber. Père, je déteste cette trahison, et je déteste le désespoir que je ressens. Seigneur, où es-tu? Pourquoi m’as-tu abandonné? Je pensais que tu ne me délaisserais jamais, mais j’ai l’impression que c’est ce que tu as fait! »

En troisième lieu, compte sur Christ pour ton secours et ton espérance

C’est ici où les plaintes inutiles se transforment en lamentation biblique – nous ne versons pas simplement nos tristesses et notre douleur devant Dieu pour terminer là. Plutôt, nous nous tournons vers l’Évangile de Christ pour y trouver le secours et l’espérance dans notre souffrance. Nous prenons un virage et nous commençons à nous prêcher l’Évangile de paix et d’espérance à nous-mêmes, et nous nous tournons vers Jésus et lui demandons pour du confort, pour sa perspective, et nous lui demandons d’agir.

Psaume 10.12 : « Lève-toi, Éternel! ô Dieu, lève ta main! N’oublie pas les malheureux! »

Psaume 28.2 : « Écoute la voix de mes supplications, quand je crie à toi. »

Psaume 42.6 : « Pourquoi t’abats-tu, mon âme, et gémis-tu au-dedans de moi? Espère en Dieu, car je le louerai encore; Il est mon salut et mon Dieu. »

En tant que chrétiens, nous savons que Christ a gagné la bataille, Il a obtenu la victoire finale, et que notre espérance éternelle est assurée. C’est notre raison d’être éternelle; il est notre espérance et récompense éternelle en Christ, qui est notre force au milieu des épreuves et de la souffrance.

Une fois que nous avons déchainé le torrent de douleur et d’angoisse que nous ressentons, nous nous tournons maintenant vers Christ et nous nous rappelons la grande espérance que nous avons en lui. La lamentation chrétienne crie à Christ et au Saint-Esprit pour la force, pour la perspective, pour la foi, pour l’espérance, et pour l’endurance dans notre souffrance. Comme le disent Timothy S. Lane et Paul David Tripp dans leur livre How People Change (Comment les gens changent), « Tout ce que Dieu fait et tout ce à quoi Dieu nous appelle fait du sens seulement à partir de la perspective de l’éternité » (p. 38).

Par exemple, tu pourrais dire, « Dieu, je sais que Christ est ma récompense dans cette vie et dans la prochaine, alors Esprit-Saint, donne-moi le courage de dire la vérité et de me tenir debout pour ce qui est bien. Jésus, je crois que tu as un but pour toutes choses, alors donne-moi la force de vivre dans la justice. Seigneur, j’ai confiance que tu redresseras tous les torts un jour, alors aide-moi à regarder vers toi pour la justice, et ne pas la prendre dans mes propres mains. » 

En quatrième lieu, attarde-toi sur la fidélité de Dieu et son caractère.

La bénédiction de la relation alliancielle avec Dieu est que nous avons l’assurance qu’il ne change jamais, qu’il ne se fatigue jamais de garder ses promesses, et qu’il est fidèle jusqu’à la fin. Il n’y a jamais un moment dans l’histoire où le Seigneur n’est pas souverain et où le Seigneur n’est pas fidèle pour accomplir ses desseins.

Quand la lamentation est faite de manière correcte, on finit presque toujours en nous attardant sur l’amour constant fidèle de notre Dieu, et son caractère est le baume qui calme notre douleur après que nous la lui avons confessée de manière sincère. Notre espérance est certaine parce qu’Il l’est! 

Psaume 10.17 : « Tu entends les vœux de ceux qui souffrent, ô Éternel! Tu affermis leur cœur »

Psaume 28.7 : « L’Éternel est ma force et mon bouclier; En lui mon cœur se confie, et je suis secouru »

Psaume 42.8 : « Le jour, l’Éternel m’accordait sa grâce; La nuit, je chantais ses louanges »

Le but de la lamentation n’est pas seulement d’exprimer notre douleur, mais de corriger notre manière de penser et renouveler notre foi. En marchant à travers le processus de la lamentation, nous ne verrons peut-être pas disparaître nos problèmes ni la libération de notre douleur physique, mais nous sommes renouvelés dans notre espérance et notre confiance en Dieu et en ses desseins.

Comme le dit Romains 5.2-5, « à qui nous devons d’avoir eu par la foi accès à cette grâce, dans laquelle nous demeurons fermes, et nous nous glorifions dans l’espérance de la gloire de Dieu. Bien plus, nous nous glorifions même des afflictions, sachant que l’affliction produit la persévérance, la persévérance la victoire dans l’épreuve, et cette victoire l’espérance. Or, l’espérance ne trompe point, parce que l’amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné. »

Pourquoi faire une lamentation?

Il se peut, après tout ceci, que tu te demandes encore « Pourquoi devrais-je faire une lamentation? Quel est le sens? »

Comme pensée finale, je pense qu’il est approprié que nous regardions à notre plus grand exemple, Jésus.

Savais-tu que Jésus a souvent pratiqué la lamentation?

Dans Matthieu 23.37-38, Jésus fait une lamentation sur Jérusalem et le rejet de la part des juifs de son enseignement et son ministère.

Dans Matthieu 27.46, en portant le poids du péché et de la honte de l’humanité, Jésus cite le Psaume 22 en criant au Père

Mais je veux nous rappeler une fois en particulier où Jésus a démontré la lamentation de manière plus claire, la mort de Lazare. Dans Jean 11, Jésus entend parler de la maladie de Lazare, et dit à ses disciples qu’il a l’intention de ressusciter Lazare de la mort (vs. 11-15).

Jésus sait que Lazare est mort.

Jésus sait qu’il a l’intention de ressusciter Lazare de la mort devant tous.

Mais il se passe quelque chose de fascinant.

À la tombe de Lazare, parmi les endeuillés et les larmes de la foule, Jésus pleure.

Dans un signe puissant de sympathie, de tristesse sur le péché et la mort, et de peine pour la douleur que cela a causée pour ses amis, Jésus entre dans la souffrance et la peine et prend un moment pour se lamenter.

Dans seulement un moment, Jésus ressuscitera Lazare comme une proclamation puissante de l’espérance éternelle de l’Évangile. 

Mais avant que l’espérance vienne, il fait une lamentation devant son Père.

Que nous puissions être libérés pour faire de même.

Cet article a été initialement publié sur The Gospel Coalition Canada. La traduction est publiée ici avec permission.

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Rob Brockman est pasteur associé à la Cornerstone Baptist Church à Orillia, ON. Rob est marié à Sienna. Il aime Christ et son Église.