Imaginez un jeune homme ridiculisé au travail et qui craint d’être licencié pour sa foi. Afin d’éviter la honte et la perte de son gagne-pain, il se coupe de toutes relations avec les chrétiens et dit : « Je ne suis pas l’un d’eux ! » Il le fait pour se protéger lui-même. C’est de l’apostasie, un abandon de la foi.
C’est le genre de scénario contre lequel Hébreux 10.24-25 met en garde lorsque l’auteur exhorte les croyants à s’encourager les uns les autres à faire de bonnes œuvres, à ne pas renoncer à se rencontrer et à s’encourager les uns les autres.
Dans cet article, je veux montrer comment cette mise en garde exhorte les croyants à s’attacher à l’espérance et à éviter l’apostasie. Ce faisant, nous pouvons parvenir à une compréhension plus claire sur la manière dont ce passage nous concerne aujourd’hui.
Hébreux 10.24-25 met en garde contre l’apostasie
Le mot « abandonné » dans Hébreux 10.25 signifie renoncer à, ou délaisser totalement la rencontre avec les chrétiens. John Kleinig dit que le mot « dénote la rupture d’une connexion » (2017: 499). Le renoncement devient évident pour les autres puisque Hébreux le décrit comme un abandon habituel (10.25).
Se réunir ensemble décrit toute réunion qui indique une association avec des chrétiens. Selon la coutume, les chrétiens se réunissaient régulièrement, parfois quotidiennement, pour les repas et les encouragements (Actes 2.46). Ils se réunissaient également pour un culte organisé (par exemple 1 Cor 14). Ce contexte parle probablement de manière générique de tout rassemblement qui identifierait quelqu’un en tant que Chrétien.
Le passage met en garde contre le renoncement à ses frères et sœurs chrétiens (Hé 10.25) et à Christ (10.29) en les abandonnant, c’est-à-dire en délaissant les rencontres avec d’autres croyants. La conséquence de l’apostasie (10.26) implique « le jour » (10.25).1 « Le jour » fait référence au jugement (10.27-31). Le jugement viendra sur ceux qui apostasient (10.26).
En bref, l’auteur aux Hébreux met en garde les chrétiens contre la rupture des liens avec la communauté des croyants en choisissant habituellement de renoncer aux rencontres avec d’autres chrétiens par crainte de persécution. Cet acte équivaut à l’apostasie, à l’abandon (cf. Hé 6.6).
Thomas Schreiner explique : « Refuser de rencontrer d’autres croyants dans ce contexte signifie l’apostasie, le renoncement à la foi chrétienne. Si les croyants renoncent à rencontrer d’autres chrétiens, notamment parce qu’ils craignent la discrimination et les mauvais traitements, ils se retournent en effet contre Christ » (2020: 321).
Hébreux contient un certain nombre de passages d’avertissement, et chacun doit être lu à la lumière des autres. Par exemple, Hébreux 6.6 parle de ceux qui sont « tombés ». Ils le font en partie parce qu’ils méprisent « Christ ». Le mot mépris en grec signale un acte public d’apostasie.2 Cet acte public s’inscrit bien dans le contexte d’Hébreux 10, dans lequel certains avaient renié la foi en niant leur association avec les chrétiens (cf. Hé 10.29).
David DeSilva brosse bien le tableau :
L’auteur reconnaît que certains chrétiens se sont retirés de l’association ouverte avec la communauté — ils ont l’habitude d’abandonner le rassemblement de l’Église. Plusieurs ont considéré, en effet, que le prix à payer pour s’attacher aux promesses de Dieu est plus grand que la valeur de ces promesses (une évaluation qui provoquera l’avertissement de 10.26-31). Ils ne peuvent plus supporter les techniques d’intimidation de leurs voisins et commencent maintenant à avoir honte de ce qui leur donnait autrefois confiance. (2000: 342)
Quel genre de personne est en cause ?
Une manière de comprendre à qui le passage s’adresse est de déterminer quel genre de personne n’est pas concerné par cet avertissement.
* Ce passage ne s’applique pas aux patients cancéreux qui peuvent avoir besoin d’éviter de se rassembler pendant leur chimiothérapie.
* Le passage ne s’applique pas directement aux personnes dont le système immunitaire est affaibli et qui souhaitent éviter les rassemblements pour ne pas risquer l’infection.
* Ce passage ne fait pas référence aux chrétiens qui se réunissent virtuellement de la maison pendant six semaines pour donner suite à un ordre de confinement.
* Ce passage ne s’applique pas à ceux qui ne se réunissent qu’à 30% de la capacité du bâtiment et dont les cultes doivent se répartir sur deux ou trois services.
* Au lieu de cela, ce passage parle de ceux qui pèchent délibérément (Hé 10.26) en se détachant des chrétiens et de Christ, en abandonnant habituellement la rencontre avec les croyants, pour éviter la persécution romaine locale au premier siècle.
Le passage identifie le type d’abandon en question : il est habituel et délibéré. Un tel acte se produit lorsqu’une personne se dissocie publiquement des chrétiens en cessant de fréquenter le corps des croyants et en rompant le lien avec ce dernier. Dans le contexte d’Hébreux 10, cela signifie abandonner l’assemblée.
Le contexte spécifique du passage vise à encourager les croyants à s’attacher à leur espérance (Hé 10.23). Ceci était d’autant plus nécessaire que certains chrétiens avaient perdu leurs biens ou subi d’autres épreuves (Hé 10.32-35).
En conséquence, l’auteur aux Hébreux met en garde les chrétiens contre (1) le renoncement à rencontrer des chrétiens et (2) l’habitude d’éviter de s’associer avec ces chrétiens dans le but d’échapper à la perte de biens, au reproche public, à la prison, etc. (Hé 10.32-35). Un tel acte équivaut à l’apostasie parce que cette personne s’éloigne de la communauté de foi et rejette ainsi le Fils (Hé 10.26, 29).
Comment cela s’applique-t-il aujourd’hui ?
Nos habitudes de vie révèlent souvent notre cœur. Dans ce cas, l’auteur voit « l’habitude de certains » trahir un désir délibéré de pécher, à renoncer au corps du Christ en abandonnant l’association avec les chrétiens (Hé 10.25-26). L’expression « pécher volontairement » renvoie probablement à la catégorie du péché, de mépris de la parole de Dieu qui conduit à être coupé de la communauté (Nb 15.30-31).
Une telle coupure dans le contexte d’Hébreux se produit en se dissociant publiquement et habituellement des chrétiens (c’est-à-dire en ne les rencontrant pas) pour éviter la perte et la honte. Le mot « abandonner » a le sens de négliger, de renoncer ou de délaisser. C’est grave. L’aspect habituel signifie que quelqu’un se détache ou cesse de s’associer régulièrement.
Dans l’introduction, nous imaginions un jeune homme ridiculisé et peut-être même mis à pied pour sa foi. Sa solution a été de se couper de tous les chrétiens et de dire, je ne suis pas l’un d’entre eux ! Il l’a fait pour se protéger lui-même. C’est l’apostasie. Et puisque Hébreux envisage un tel scénario, cela explique pourquoi aucun sacrifice ne peut pardonner ses péchés sauf celui de Christ (Hé 10.26).
S’il va chez les Lévites ou chez les prêtres païens, ils ne peuvent lui offrir le pardon. C’est seulement par Christ que nos cœurs peuvent être purifiés d’une mauvaise conscience et nos corps lavés d’une eau pure (Hé 10.22). Ainsi, renier Christ signifie qu’il n’y a pas de sacrifice pour les péchés (Hé 10.26).
Cela dit, certains ont cité ce passage dans le cadre des débats entourant des arrêtés temporaires de santé publique. Cependant, je ne suis pas certain que ce soit la meilleure façon d’appliquer le passage. L’auteur suppose certainement que la communauté chrétienne se réunit. Pourtant, le passage se concentre sur la peur et la motivation d’un individu qui renonce volontairement à la communauté chrétienne en renonçant aux assemblées.
Seul, Hébreux 10.24-25 ne peut porter le poids de répondre à la question sur la manière dont les Églises locales doivent se comporter dans leurs rapports avec les gouvernements humains. Il faudra considérer de nombreux autres passages pour découvrir une image plus complète.
Conclusion
En d’autres termes, Hébreux 10.24-25 et son avertissement de ne pas abandonner les réunions a une application limitée (ou indirecte) à des questions plus larges sur la fréquence à laquelle une assemblée locale doit se réunir, quand une assemblée locale doit se réunir, quelle taille elle doit avoir, et si elle doit réduire temporairement la taille de ses assemblées en raison d’ordres de santé publique.
Le passage s’adresse plutôt directement aux chrétiens individuels au sein de la communauté croyante et les met en garde contre l’apostasie. La forme de l’apostasie implique l’abandon habituel et délibéré de l’assemblée chrétienne. En d’autres termes, le passage nous avertit que nous tomberons ou apostasierons la foi lorsque nous nous couperons de toute association avec les chrétiens et donc avec Christ.
Cet article a été initialement publié sur The Gospel Coalition Canada. La traduction est publiée ici avec permission.
- Le « en effet » (un γὰρ postpositif en grec) qui débute le verset 26 relie largement les versets suivants à Hébreux 10.24-25. ↩
- Dans Hébreux 6.6, l’expression le déshonorent publiquement traduit le mot παραδειγματίζοντας, qui signifie une dénonciation publique. Si Hébreux 6 et 10 décrivent des problèmes similaires — et ils le font probablement parce que l’auteur écrit à un seul public — alors cette référence croisée renforce la nature publique de l’apostasie au sein de la communauté des croyants. ↩
Wyatt Graham (PhD., Southern Baptist Theology Seminary) est le directeur général de TGC Canada. Vous pouvez le suivre sur Twitter à @wagraham.